Vu la requête, enregistrée le 23 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Maria Angela A, détenue à la Maison d'arrêt ...; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 janvier 2005 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités espagnoles pour les seuls faits de tentative d'attentat terroriste ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'après avoir visé la demande d'extradition présentée par les autorités espagnoles pour l'exécution d'une ordonnance de mise en accusation et d'emprisonnement décernée le 4 novembre 1991 par un juge au tribunal central d'instruction n° 2 pour des faits de tentative d'attentat, d'utilisation illégitime de véhicule à moteur et détention illégale, ainsi que l'avis émis par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et avoir indiqué les faits reprochés à Mme A, le décret attaqué énonce que ces faits répondent aux exigences de l'article 61 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990, qu'ils sont punissables en droit français, ne sont pas prescrits, n'ont pas un caractère politique et que la demande d'extradition n'a pas été présentée aux fins de poursuivre l'intéressée en raison de ses opinions politiques ; qu'ainsi, le décret attaqué satisfait aux exigences de motivation posées par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Considérant qu'il résulte des principes généraux du droit applicables à l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu'en l'espèce, il n'apparaît pas qu'une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits de tentative d'attentat reprochés à Mme A dans la procédure ayant donné lieu à l'ordonnance de mise en accusation et d'emprisonnement décernée le 4 novembre 1991 ;
Considérant que, si Mme A soutient qu'à les supposer établis, les faits pour lesquels l'extradition a été prononcée ne sont pas incriminés en droit pénal français, il ressort des pièces du dossier que ces faits, tels qu'ils résultent de l'ordonnance de mise en accusation et d'emprisonnement décernée le 4 novembre 1991, reçoivent en droit français la qualification de tentative d'assassinat, infraction prévue et réprimée par les articles 2, 295, 296 de l'ancien code pénal et par les articles 121-4, 121-5, 221-1 et 221-3 du nouveau code pénal ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention européenne d'extradition : « L'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la Partie requérante, soit de la Partie requise » ; qu'en vertu de l'article 62 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990, les causes de l'interruption de la prescription sont celles de la législation de la Partie requérante ; que le délai de prescription applicable à l'infraction faisant l'objet de l'extradition est de vingt années en droit espagnol et de dix années en droit français ; que la demande d'extradition fait état de deux actes interruptifs, le jugement de condamnation du 21 mars 1994 d'un des coauteurs des faits pour lesquels l'extradition a été accordée et l'acte du 27 mars 2003 clôturant le dossier de la procédure pour un autre coauteur des mêmes faits ; que, si Mme A soutient que ces actes n'ont pu interrompre la prescription à son encontre dans la mesure où celle-ci ne l'est, en droit espagnol, que si la procédure au cours de laquelle les actes ont été accomplis est dirigée contre le coupable lui-même, il ressort des pièces du dossier que ces actes sont relatifs à la procédure concernant les faits commis le 4 novembre 1990 pour lesquels a été décernée contre elle l'ordonnance de mise en accusation et d'emprisonnement du 4 novembre 1991 et qui ont justifié la demande de son extradition ; qu'ainsi, ces actes ont régulièrement interrompu la prescription de l'action à l'encontre de Mme A en vertu des règles applicables en droit espagnol, telles qu'elles résultent notamment des décisions du 30 décembre 1997 de la deuxième chambre de la Haute cour du tribunal suprême du Royaume d'Espagne ; que, par suite, l'action publique concernant l'infraction objet de l'extradition n'était pas prescrite à la date de la demande d'extradition, le 31 août 2004 ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 10 de la convention européenne d'extradition doit, en conséquence, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 19 janvier 2005 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Maria Angela A et au garde des sceaux, ministre de la justice.