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25/04/2007 | FRANCE | N°283016

France | France, Conseil d'État, 2ème / 7ème ssr, 25 avril 2007, 283016


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet 2005 et 5 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BEAUREGARD-DE-TERRASSON, représentée par son maire en exercice, l'ASSOCIATION ALERTE A89, dont le siège est 8, rue André Desmond à Beauregard-de-Terrasson (24120), M. Y... BL..., demeurant..., M. et Mme AP...BN..., demeurant..., M. Z... F..., demeurant..., M. T... AT..., demeurant..., M. BG... AT..., demeurant..., M. et Mme AK...AU..., demeurant..., Mme J...R..., demeurant..., Mme BP... -L...BE..., dem

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet 2005 et 5 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BEAUREGARD-DE-TERRASSON, représentée par son maire en exercice, l'ASSOCIATION ALERTE A89, dont le siège est 8, rue André Desmond à Beauregard-de-Terrasson (24120), M. Y... BL..., demeurant..., M. et Mme AP...BN..., demeurant..., M. Z... F..., demeurant..., M. T... AT..., demeurant..., M. BG... AT..., demeurant..., M. et Mme AK...AU..., demeurant..., Mme J...R..., demeurant..., Mme BP... -L...BE..., demeurant..., Mlle AE...BD..., demeurant..., M. et Mme AO...S..., demeurant..., M. et Mme Z...BJ..., demeurant..., M. AX... -AA...U..., demeurant..., M. et Mme AF...V..., demeurant..., M. et Mme AX... -BQ...W..., demeurant..., M. AB... AG..., demeurant..., Mme AC...AV..., demeurant..., M. E... X..., demeurant..., Mme L...X..., demeurant..., M. et Mme AB...AW..., demeurant..., Mme AD...AY..., demeurant..., M. G... AL..., demeurant..., M. et Mme D...AM..., demeurant..., Mlle AS...K..., demeurant..., M. et Mme T...AN..., demeurant..., M. Z... AZ..., demeurant..., M. A... BH..., demeurant..., M. I... M..., demeurant..., M. et Mme AA...M..., demeurant..., M. BC... M..., demeurant..., M. H... N..., demeurant..., M. et Mme AK...BI..., demeurant..., Mme AH...C..., demeurant..., M. et Mme AP...BM..., demeurant..., M. et Mme B...BO..., demeurant..., M. AJ... BB..., demeurant..., M. et Mme AX... -BR...AQ..., demeurant..., Mme BA...AQ..., demeurant..., M. BF... BK..., demeurant..., M. et Mme AI...P..., demeurant..., M. AB... Q..., demeurant..., Mme O...AR..., demeurant ...; la COMMUNE DE BEAUREGARD-DE-TERRASSON et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 12 juillet 2005 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de l'autoroute A89 entre Peyrignac, dans le département de la Dordogne, et Cublac, dans le département de la Corrèze, en tant qu'il modifie le décret du 10 janvier 1996 déclarant d'utilité publique les travaux de construction de la section Arveyres-Saint-Julien-Puy-Lavèze de l'autoroute A89 et portant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune du Lardin-Saint-Lazare, dans le département de la Dordogne ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 22 ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la COMMUNE DE BEAUREGARD-DE-TERRASSON et autres,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le décret attaqué a pour seul objet de déclarer d'utilité publique les travaux de construction du nouveau tracé de la section de l'autoroute A89 entre Peyrignac, dans le département de la Dordogne, et Cublac, dans le département de la Corrèze, et de modifier le décret précédent du 10 janvier 1996, en ce qu'il a de contraire au décret litigieux ; que cette modification est intervenue à la suite du jugement en date du 12 novembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision d'autorisation de travaux du ministre de l'équipement, du logement et des transports, qui avait pour effet de permettre une modification substantielle des caractéristiques essentielles de l'opération en cause sur cette section de l'autoroute, méconnaissant ainsi la portée du décret précité du 10 janvier 1996 par lequel la construction de cette autoroute avait été déclarée d'utilité publique ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Sur le moyen tiré du défaut de contreseing :

Considérant qu'en vertu de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que le décret attaqué déclarant d'utilité publique et urgents les travaux relatifs à un axe autoroutier ainsi que la mise en conformité du plan local d'urbanisme intéressé ne doit comporter nécessairement aucune mesure réglementaire ou individuelle que le ministre chargé de l'environnement et du développement durable aurait compétence pour signer ou contresigner ; qu'ainsi, ce ministre n'étant pas chargé de l'exécution du décret attaqué, celui-ci n'avait pas à être soumis à son contreseing ;

Sur le moyen tiré de ce que la commission d'enquête ne se serait pas livrée à un examen objectif de l'opération envisagée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-14-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " A l'expiration du délai d'enquête, le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête examine les observations consignées ou annexées aux registres d'enquête et entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à la déclaration d'utilité publique de l'opération " ; qu'il en résulte que, si le président de la commission d'enquête ou le commissaire enquêteur n'a pas à répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, il doit indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le président de la commission d'enquête, laquelle n'avait pas à examiner les questions portant sur les modalités d'exécution des travaux et notamment sur le délai de construction d'un tunnel, a justifié l'avis favorable donné sur le projet, en exposant les raisons de son choix ; que si le président de la commission a seulement mentionné dans son rapport les positions prises par les élus locaux et n'a cité que quelques-unes des lettres adressées à la commission, et s'il a critiqué en termes parfois vifs la position des opposants au projet, ces éléments ne sont pas de nature, à eux seuls, à faire regarder ce rapport comme dénué d'objectivité ;

Sur les moyens tirés du caractère insuffisant de la notice explicative :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " La notice explicative indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, notamment au point de vue de l'insertion dans l'environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément à ces dispositions, la notice explicative a présenté les deux variantes de tracé étudiées, ainsi qu'une comparaison entre les solutions envisagées ; qu'eu égard à l'objet du décret attaqué, ne devait pas figurer dans la notice explicative le tracé retenu dans le précédent décret du 10 janvier 1996, qui n'était pas au nombre des solutions envisagées ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-3 du code précité doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de ce que le décret est illégal faute d'être accompagné d'un document exposant de façon suffisante les motifs et les considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération :

Considérant que si le 3 de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que " l'acte déclarant l'utilité publique est accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération ", ces dispositions, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la déclaration d'utilité publique qui serait une condition de légalité de cette dernière ; qu'ainsi les dispositions de cet article ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'un acte déclarant d'utilité publique une opération ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Sur le moyen tiré de la violation de l'autorité absolue de la chose jugée :

Considérant que l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement précité du tribunal administratif de Bordeaux, devenu définitif, faisait certes obstacle à ce que l'administration reprenne la même décision d'autorisation de travaux que celle annulée, mais non à ce qu'elle modifie par un nouveau décret la déclaration d'utilité publique adoptée par le décret du 10 janvier 1996 ; que le moyen soulevé doit donc être rejeté ;

Sur le moyen tiré du défaut d'utilité publique :

Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant que le décret litigieux a eu principalement pour objet, par rapport aux travaux initialement envisagés pour la construction de la section d'autoroute précitée, de réduire la longueur du tunnel envisagé et d'augmenter celle du viaduc ; que, si cette modification a pour effet de diminuer le coût financier de l'opération, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à l'existence de mesures compensatoires, que les inconvénients liés au changement de tracé, tenant aux atteintes portées à l'environnement, seraient à ce point excessifs qu'ils aient pour effet de retirer à la réalisation de cet équipement son caractère d'utilité publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BEAUREGARD-DE-TERRASSON et les autres requérants susvisés ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la COMMUNE DE BEAUREGARD-DE-TERRASSON et les autres requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BEAUREGARD-DE-TERRASSON et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BEAUREGARD-DE-TERRASSON, à la SCP Vier-Barthélémy-Matuchansky, à charge pour cette dernière de la notifier aux autres requérants, et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 2ème / 7ème ssr
Numéro d'arrêt : 283016
Date de la décision : 25/04/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE - RÈGLES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE NORMALE - ACTE DÉCLARATIF D'UTILITÉ PUBLIQUE - MÉCONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DU 3 DE L'ART - L - 11-1-1 DU CODE DE L'EXPROPRIATION - IMPOSANT DE JOINDRE À L'ACTE DÉCLARATIF D'UTILITÉ PUBLIQUE UN DOCUMENT INDIQUANT LES JUSTIFICATIONS DE L'UTILITÉ PUBLIQUE ET DE L'OPÉRATION PROJETÉE - MOYEN INOPÉRANT À L'ENCONTRE DE L'ACTE DÉCLARATIF D'UTILITÉ PUBLIQUE [RJ1].

34-02-02 Les dispositions du 3 de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la déclaration d'utilité publique qui serait une condition de légalité de cette dernière. Ainsi les dispositions de cet article ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'un acte déclarant d'utilité publique une opération.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - POUVOIRS DU JUGE - MOYENS - ACTE DÉCLARATIF D'UTILITÉ PUBLIQUE - MOYEN INOPÉRANT - MOYEN TIRÉ - À L'ENCONTRE DE LA DÉCLARATION D'UTILITÉ PUBLIQUE - DE LA MÉCONNAISSANCE DES DISPOSITIONS DU 3 DE L'ART - L - 11-1-1 DU CODE DE L'EXPROPRIATION - EN TANT QU'IL IMPOSE DE JOINDRE À L'ACTE DÉCLARATIF D'UTILITÉ PUBLIQUE UN DOCUMENT INDIQUANT LES JUSTIFICATIONS DE L'UTILITÉ PUBLIQUE ET DE L'OPÉRATION PROJETÉE.

34-04-02-01-02 Les dispositions du 3 de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la déclaration d'utilité publique qui serait une condition de légalité de cette dernière. Ainsi les dispositions de cet article ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'un acte déclarant d'utilité publique une opération.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 10 novembre 2006, Association de défense du Rizzanese et de son environnement (ADRE) et autres, n° 275013, T. pp. 879-880-884-957..


Publications
Proposition de citation : CE, 25 avr. 2007, n° 283016
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-François Mary
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:283016.20070425
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