Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 2004 et 13 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES (Côtes-d'Armor), représentée par son maire ; la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 29 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de l'organisme de gestion de l'école catholique (OGEC) Notre-Dame de Plestin-les-Grèves, l'avis émis le 11 juillet 1996 par la chambre régionale des comptes de Bretagne aux termes duquel les crédits inscrits au budget communal pour 1996 étaient suffisants pour couvrir le mandatement des dépenses de fonctionnement de l'école Notre-Dame dues jusqu'à l'année 1996 ;
2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif et de rejeter la demande de l'OGEC Notre-Dame tendant à l'annulation de l'avis de la chambre régionale des comptes de Bretagne en date du 11 juillet 1996 ;
3°) de mettre à la charge de l'OGEC Notre-Dame la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu le décret n° 60-389 du 22 avril 1960 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Touvet, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES et de la SCP Gaschignard, avocat de l'Ogec de l'école Notre-Dame de Plestin-les-Grèves,
- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la chambre régionale des comptes de Bretagne, par un avis du 11 juillet 1996, n'a pas donné suite à la demande de l'organisme de gestion de l'école catholique (OGEC) Notre-Dame de Plestin-les-Grèves, présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, tendant à l'inscription d'office de crédits au budget de la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES pour 1996 au titre de la participation aux dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat d'association ; qu'à la demande de l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet avis par un jugement du 29 mai 2002 ; que la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé ce jugement par un arrêt du 28 juin 2004 contre lequel la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES se pourvoit en cassation ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, issu de l'article 11 de la loi du 2 mars 1982 : Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé. / La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt, constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et adresse une mise en demeure à la commune concernée. / Si, dans un délai d'un mois, cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, la chambre régionale des comptes demande au représentant de l'Etat d'inscrire cette dépense au budget de la commune et propose, s'il y a lieu, la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives destinées à couvrir la dépense obligatoire. Le représentant de l'Etat dans le département règle et rend exécutoire le budget rectifié en conséquence (...) ; qu'il ressort de ces dispositions que la chambre régionale des comptes ne peut constater qu'une dépense est obligatoire pour une commune et mettre celle-ci en demeure de l'inscrire à son budget qu'en ce qui concerne les dettes échues, certaines, liquides, non sérieusement contestées dans leur principe et dans leur montant et découlant de la loi, d'un contrat, d'un délit, d'un quasi-délit ou de toute autre source d'obligations ; que, par suite, lorsqu'une chambre régionale des comptes est saisie d'une demande d'inscription d'office, au budget d'une collectivité territoriale, d'une somme correspondant à une dette qui fait l'objet, de la part de la collectivité, d'une contestation sérieuse dans son principe ou dans son montant, elle ne peut que rejeter cette demande, sans qu'il y ait lieu pour elle de s'interroger sur le bien-fondé de la contestation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et n'est pas contesté que, lorsque la chambre régionale des comptes de Bretagne a été saisie en application des dispositions précitées de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, un différend opposait depuis plusieurs années l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves à la commune de Plestin-les-Grèves en ce qui concerne, d'une part, la contribution au fonctionnement de la classe maternelle et, d'autre part, le montant des forfaits annuels fixés et réglés par la commune pour les années scolaires 1991-1992 à 1995-1996 ; qu'ainsi, la commune, après avoir, par une délibération du 22 juillet 1993, dénoncé l'accord qu'elle avait initialement donné, lors de la conclusion du contrat d'association en 1982, à la prise en charge des dépenses correspondant à la classe maternelle et demandé au préfet de modifier en conséquence le contrat, avait cessé de prendre en compte cette classe dans le calcul de sa contribution ; que, s'agissant des forfaits annuels, l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves demandait une majoration très importante des sommes allouées antérieurement par délibération du conseil municipal, en se fondant sur une estimation différente de celle de la commune des dépenses exposées par celle-ci au titre de l'enseignement public ; qu'après une réunion tenue le 22 novembre 1995, la commission de concertation de l'enseignement privé avait échoué à rapprocher les points de vue ;
Considérant que, dès lors, les dettes de la commune invoquées devant elle ne pouvant être regardées comme non sérieusement contestées dans leur principe et dans leur montant, la chambre régionale des comptes de Bretagne ne pouvait, dans le cadre des compétences qu'elle tient des dispositions de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, que rejeter la demande dont elle était saisie ; qu'il suit de là que la commune est fondée à soutenir qu'en confirmant l'annulation de l'avis du 11 juillet 1996 rejetant la demande d'inscription d'office de l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, pour les motifs indiqués ci-dessus, la chambre régionale des comptes de Bretagne ne pouvait que rejeter la demande de l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves tendant à l'inscription de crédits supplémentaires au budget de la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES ; qu'ainsi, les moyens soulevés par l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves à l'encontre de cet avis, tirés notamment de ce que les délibérations du conseil municipal prises en compte par la chambre ne lui auraient pas été notifiées et seraient illégales, sont inopérants ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du 29 mai 2002 du tribunal administratif de Rennes et de rejeter la demande d'annulation du refus d'inscription d'office présentée par l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves ;
Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves le paiement à la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES d'une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés en appel et en cassation par celle-ci et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 28 juin 2004 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 29 mai 2002 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par l'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves devant le tribunal administratif de Rennes et tendant à l'annulation de l'avis du 11 juillet 1996 de la chambre régionale des comptes de Bretagne est rejetée.
Article 4 : L'OGEC Notre-Dame de Plestin-les-Grèves versera à la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PLESTIN-LES-GREVES, à l'organisme de gestion de l'école catholique Notre-Dame de Plestin-les-Grèves, au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.