Vu le recours, enregistré le 25 août 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; LE MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 17 juin 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel formé par Monsieur Marcel A contre le jugement du 6 juin 2000 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il avait rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985 et 1986, a annulé l'article 3 de ce jugement et a déchargé l'intéressé des impositions litigieuses ;
2°) statuant au fond, de rétablir les impositions litigieuses et les pénalités correspondantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Marion, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. A,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, exploitant agricole imposé à l'impôt sur le revenu selon le régime du bénéfice réel, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 juin 1985 et 1986, étendue aux exercices clos entre le 30 juin 1980 et le 30 juin 1984 ; que des redressements ont été notifiés à M. A les 21 décembre 1988 et 23 février 1989, l'administration estimant qu'en dépit des déficits réalisés par le contribuable au cours des exercices clos en 1985 et 1986, qui n'ont pas été remis en cause, l'augmentation des avances aux cultures au titre de chacune de ces années était imposable en application de l'article 72 A du code général des impôts au taux moyen de 16 % déterminé en fonction du taux proportionnel appliqué aux plus-values professionnelles et aux plus-values de cession de valeurs mobilières également réalisées par M. A en 1985 et 1986 ; que le tribunal administratif de Versailles, dans un jugement du 6 juin 2000, a déchargé M. A des rappels de contribution sociale de 0,4 % qui lui étaient réclamés au titre des années 1985 et 1986 mais a rejeté le surplus des conclusions du contribuable ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 juin 2004 de la cour administrative d'appel de Paris dont les articles 1 à 3 ont réformé ce jugement en accordant à M. A la décharge de l'ensemble des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985 à 1986 ;
Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :
Considérant qu'aux termes de l'article 72 A du code général des impôts alors applicable : « I. A compter du premier exercice ouvert après le 31 décembre 1983, les avances aux cultures sont inscrites à leur prix de revient dans les stocks d'entrée et de sortie des exploitations agricoles soumises au régime d'imposition d'après le bénéfice réel. / II. Les exploitants assujettis au régime du bénéfice réel depuis une date antérieure au 1er janvier 1984 rapportent, par parts égales, aux revenus imposables au titre de l'année 1984 et des quatre années suivantes l'augmentation du montant des avances aux cultures constatée, le cas échéant, entre le 1er janvier 1984 et la date d'ouverture du premier exercice concerné par les dispositions du I. Les bénéfices correspondants sont imposés, au titre de chacune des années de rattachement, d'après le taux moyen effectivement appliqué aux autres revenus de l'intéressé... » ;
Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 1983 dont sont issues les dispositions précitées du code général des impôts, que celles-ci ont pour objet de modérer l'impact du changement de mode de comptabilisation des avances aux cultures qu'elles prévoient non seulement en étalant sur cinq ans l'imposition du bénéfice supplémentaire qui peut en résulter, mais aussi en veillant à ce que le taux de cette imposition tienne compte du taux moyen appliqué aux revenus d'activité du contribuable soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu ; que par suite, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE , DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, des plus-values, imposées selon un régime spécifique à un taux proportionnel, ne sauraient être regardées, alors même qu'elles constituent une des composantes du revenu global énumérées par l'article 1er du code général des impôts, comme des « revenus » à prendre en compte pour la détermination du taux moyen prévu par l'article 72 A précité du code général des impôts ; que la cour administrative d'appel de Paris n'a ainsi pas commis d'erreur de droit en jugeant, par un arrêt suffisamment motivé, que le taux moyen mentionné à l'article 72-A s'entendait du rapport entre les impositions résultant de l'application des articles 193 et suivants du code général des impôts prévoyant un barème progressif de l'impôt sur le revenu, d'une part, et le revenu constituant la base d'imposition de ce barème, d'autre part, et que par suite, était entachée d'erreur de droit l'inclusion dans le premier ensemble des impositions à taux proportionnel et dans le second du montant des plus-values professionnelles ou résultant de cession de valeurs mobilières ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 3000 euros au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et à M. A.