Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin et 11 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Francis A, demeurant ..., Mme Marie-Thérèse B, demeurant ...), M. Guy-Jean C, demeurant ...; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler, en tant qu'il a limité les droits à indemnisation demandés par les requérants, l'arrêt du 8 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 13 octobre 2000 du tribunal administratif de Paris qui a rejeté leur demande de condamnation de la ville de Paris à leur verser la somme de 63 798 000 F en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la résiliation illégale de la convention d'occupation du domaine public passée entre la ville de Paris et la société Ledoyen et, d'autre part, condamné la ville de Paris à verser aux consorts Lemonnier une indemnité de 106 714,31 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1997 ;
2°) statuant au fond, de condamner la ville de Paris au versement d'une indemnité de 9 725 942,40 euros avec les intérêts de droit à compter de la première demande en ce sens ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris, une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A et autres et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par une convention du 1er mai 1984, la ville de Paris a concédé à la société Ledoyen l'occupation du Pavillon Ledoyen, situé Promenade des Champs-Elysées, en vue d'y exploiter un restaurant ; que le 10 avril 1987, M. A et autres, actionnaires de cette société, ont cédé 16 770 actions à la société Cerus sur les 16 800 qu'ils possédaient ; que, par arrêté du 3 septembre 1987, le maire de Paris a résilié la convention précitée ; qu'en raison de cette résiliation, les actionnaires de la société ont été notamment condamnés, par une sentence arbitrale du 28 novembre 1989, à restituer à la société Cerus le prix de la cession des actions ; que, toutefois, par un arrêt du 4 avril 1997, le Conseil d'Etat a jugé que la résiliation de la convention d'occupation était illégale et a annulé en conséquence l'arrêté du maire de Paris ; que, par un jugement du 13 octobre 2000, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A et autres tendant à la condamnation de la ville de Paris à réparer le préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait de cette résiliation illégale ; que les requérants se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 8 avril 2004 de la cour administrative d'appel de Paris, en tant que cette dernière, après avoir infirmé le jugement précité, a limité la condamnation mise à la charge de la ville de Paris à 106 741,31 euros, représentant la somme versée par M. A et autres à la société Cerus, à titre de dommages et intérêts, en application de la sentence arbitrale du 28 novembre 1989, et a rejeté les autres chefs de préjudice dont ils sollicitaient la réparation ;
Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent que la cour aurait omis de statuer sur une partie de leurs conclusions, au motif qu'elle ne se serait pas prononcée sur le chef de préjudice correspondant au paiement d'une amende prononcée à leur encontre par un arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 1992, il ne ressort de leurs écritures d'appel aucun argumentaire ou développement spécifique concernant le paiement de cette amende, qui était seulement mentionnée dans leur requête, dans le tableau récapitulant les chefs de préjudice, au titre de la rubrique frais et honoraires engagés à l'occasion des différentes instances ; qu'eu égard à la teneur de l'argumentation des requérants, la cour n'a pas insuffisamment motivé son arrêt en relevant que les requérants n'apportent pas (...) de justificatifs des honoraires qu'ils ont dû verser au cours des différentes procédures (...), sans mentionner, au titre des divers frais et honoraires, l'amende précitée, sur laquelle il n'appartenait, en tout état de cause, pas au juge administratif de statuer ;
Considérant, en second lieu, que dans leurs écritures devant la cour, les requérants objectaient au constat selon lequel les actions qu'ils avaient cédées à la société Cerus leur avaient été restituées, le fait que ces actions avaient perdu toute valeur du fait de la dissolution de la société Ledoyen consécutive à la résiliation de la convention de concession ; que la cour a suffisamment répondu à ce moyen en jugeant que si les requérants allèguent que ces actions ont perdu toute valeur en raison de la dissolution de la société Ledoyen, ils ne l'établissent pas ; qu'en revanche, la cour, dont il n'est pas allégué qu'elle aurait omis de prendre ces circonstances en considération, n'était pas tenue de répondre à l'argument, invoqué à l'appui de ce moyen, et tiré de ce que la valeur de la société en cause n'avait de consistance que du fait de l'existence du contrat de concession passé avec la Ville de Paris, tous les biens mobiliers ayant par ailleurs été cédés par la société Cerus ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si les requérants ont fait valoir que la résiliation illégale de la convention d'occupation avait directement conduit à supprimer toute valeur au fonds de commerce dont était propriétaire la société Ledoyen, ils n'ont assorti cette allégation d'aucune pièce, ni d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, c'est au prix d'une appréciation souveraine des faits de la cause, exempte de dénaturation, que la cour a pu juger que M. A et autres n'établissaient pas que la dissolution de leur société avait entraîné une perte totale de la valeur des actions au moment où ces dernières leur avaient été restituées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le paiement de la somme que demande M. A et autres au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de M. A et autres la somme que demande la ville de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Francis A, à Mme Marie-Thérèse B, à M. Guy-Jean C et à la ville de Paris.