Vu l'ordonnance en date du 22 juillet 2004, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 août 2004, par laquelle le président de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par M. Léopold A ;
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, le 18 juin 2004, présentée par M. Léopold A, demeurant ... et tendant à l'annulation du jugement du 23 mars 2004 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision résultant du silence gardé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur sa demande, en date du 25 novembre 2002, tendant à la révision de la pension qui lui a été concédée en tant qu'elle ne prend pas en compte la bonification mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Méar, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : A tout moment en cas d'erreur matérielle ; Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit ;
Considérant que pour rejeter les conclusions présentées par M. A et qui tendaient à l'annulation du refus qui avait été opposé par l'administration à sa demande de révision de sa pension de retraite, le tribunal administratif de la Polynésie française s'est fondé sur ce que les dispositions précitées de l'article L. 55 faisaient obstacle à ce que l'administration puisse donner une suite favorable à cette demande ; que, toutefois, le tribunal a omis de mentionner dans son jugement la date à compter de laquelle avait couru à l'encontre de l'intéressé le délai de forclusion mentionné audit article ; que M. A est, par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé et à demander, pour ce motif, son annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, et de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions principales de M. A :
Considérant que pour demander la révision de la pension militaire de retraite qui lui a été concédée, M. A soutient que celle-ci a été liquidée sans qu'il ait été tenu compte des droits que lui ouvraient les dispositions du b) de l'article L. 12 du même code ; qu'il invoque ainsi une erreur de droit ;
Considérant que le requérant ne conteste pas s'être vu concéder une pension militaire de retraite par un arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 14 septembre 1987 ; que sa demande de révision de cette pension n'a été présentée que le 25 novembre 2002 ; que la circonstance qu'il n'a constaté l'erreur de droit alléguée qu'au vu d'une décision rendue par le Conseil d'Etat, le 29 juillet 2002, dans un litige concernant un autre pensionné, est sans incidence sur le point de départ et la durée du délai d'un an prévu par l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'ainsi le délai imparti à M. A pour exciper, au soutien d'une demande de révision par l'administration de sa pension, de l'erreur de droit qu'aurait commise ladite administration en ne prenant pas en compte dans les éléments de liquidation de celle-ci la bonification d'ancienneté mentionnée au b) de l'article L. 12 du même code, était expiré lorsque l'intéressé a saisi le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'une telle demande ;
Considérant que la circonstance que, statuant sur une question préjudicielle relative à cette bonification d'ancienneté, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 29 novembre 2001, un arrêt interprétant une disposition du droit communautaire sans limiter les effets dans le temps de cet arrêt n'affecte pas le droit d'un Etat membre de la Communauté européenne d'opposer aux demandes de révision de pension établies en violation de cette disposition un délai de forclusion, dès lors que ce délai, mentionné à l'article L. 55 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, s'applique de la même manière aux demandes de révision de pension qui sont fondées sur le droit communautaire et à celles qui sont fondées sur le droit interne et ne rend pas impossible ou excessivement difficile l'exercice de droits tirés de règles communautaires ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, M. A n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 55 seraient contraires au droit communautaire ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l'article L. 55 précitées ont pour objet d'ouvrir, aussi bien aux pensionnés qu'à l'administration, un droit à révision des pensions concédées dans le cas où la liquidation de celles-ci est entachée d'une erreur de droit et de prévoir que ce droit est ouvert dans les mêmes conditions de délai aux pensionnés et à l'administration ; que dans la mesure où, d'une part, le délai de révision ainsi prévu bénéficie aussi bien aux pensionnés, dont les droits à pension sont définitivement acquis au terme de ce délai, qu'à l'administration qui est, postérieurement à l'expiration de ce même délai, mise à l'abri de contestations tardives et où, d'autre part, l'instauration d'un délai d'un an s'avère suffisante pour permettre aux pensionnés de faire valoir utilement leurs droits devant les juridictions, ces dispositions ne méconnaissent ni le droit d'accès à un tribunal, ni le droit à un recours effectif, ni les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial, tels qu'ils découlent des stipulations de l'article 6 §1 et de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française en date du 23 mars 2004 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de la Polynésie française est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Léopold A, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la défense.