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15/11/2006 | FRANCE | N°283475

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 15 novembre 2006, 283475


Vu, 1°, sous le n° 283475, la requête, enregistrée le 4 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Philippe B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler pour excès de pouvoir le deuxième alinéa de l'article 3, les articles 4 et 5, le deuxième alinéa de l'article 6, le troisième alinéa de l'article 7, les premier et deuxième alinéas de l'article 10, le troisième alinéa de l'article 12 et les articles 19 et 21 du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat ;

2° de

mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros, avec intérêt...

Vu, 1°, sous le n° 283475, la requête, enregistrée le 4 août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Philippe B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler pour excès de pouvoir le deuxième alinéa de l'article 3, les articles 4 et 5, le deuxième alinéa de l'article 6, le troisième alinéa de l'article 7, les premier et deuxième alinéas de l'article 10, le troisième alinéa de l'article 12 et les articles 19 et 21 du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat ;

2° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 12 juillet 2005, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°, sous le n° 284964 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre 2005 et 9 janvier 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS, dont le siège est 11, Place Dauphine à Paris (75053) ; l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu, 3°, sous le n° 285065, la requête, enregistrée le 13 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. François A, demeurant ... et la SELARL CABINET A, dont le siège est ... ; M. A et la SELARL CABINET A demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, et notamment son article 21 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques publié par le décret n° 81-76 du 29 janvier 1981 ;

Vu le code civil ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le nouveau code de procédure civile ;

Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de M. B, de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS, de M. A et de la SELARL CABINET A sont dirigées contre le même décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles déontologiques de la profession d'avocat ; qu'elles présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur l'intervention présentée pour l'Union des jeunes avocats de Paris :

Considérant que l'Union des jeunes avocats de Paris a intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur la légalité du décret attaqué :

Sur les moyens mettant en cause la légalité de l'ensemble du décret :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : « Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre./ Ils présentent notamment : 1° Les conditions d'accès à la profession d'avocat ainsi que les incompatibilités, les conditions d'inscription au tableau et d'omission du tableau et les conditions d'exercice de la profession dans les cas prévus aux articles 6 à 8-1 ; 2° Les règles de déontologie ainsi que la procédure et les sanctions disciplinaires (...) ; qu'aux termes de l'article 17 de la même loi : « Le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits. Sans préjudice des dispositions de l'article 21-1, il a pour tâche, notamment : 1° D'arrêter et, s'il y a lieu, de modifier les dispositions du règlement intérieur (...) ; 3° De maintenir les principes de probité, de désintéressement, de modération et de confraternité sur lesquels repose la profession et d'exercer la surveillance que l'honneur et l'intérêt de ses membres rendent nécessaire (...) ; 5° De traiter toute question intéressant l'exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs (...) ; 10° D'assurer dans son ressort l'exécution des décisions prises par le Conseil national des barreaux » ; enfin, qu'aux termes de l'article 21-1 de la même loi, issu des lois du 31 décembre 1990 et du 11 février 2004 : « Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil national des barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat » ;

Considérant que, pour l'application de ces dispositions législatives, il appartient au Premier ministre de faire usage du pouvoir réglementaire que lui confère l'article 21 de la Constitution pour fixer les règles de déontologie de la profession d'avocat ; que cette compétence s'exerce, en vertu de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971, par décret en Conseil d'Etat ; que le respect du principe d'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, énoncé au même article, n'impliquait aucunement qu'une partie des règles de déontologie fût soustraite à sa compétence pour être réservée à celle des instances ordinales ; que l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, qui a reconnu au Conseil national des barreaux un pouvoir réglementaire pour unifier les règles et usages de la profession, n'a pas eu davantage pour objet ou pour effet de réduire la compétence du Premier ministre ; que, par ailleurs, celui-ci pouvait légalement réunir dans un même texte les principales règles relatives à la déontologie des avocats, y compris en reproduisant celles d'entre elles qui sont fixées par une norme de niveau supérieur ;

Considérant, en deuxième lieu, que le décret, qui a été pris le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu, n'est pas au nombre des textes dont l'article R. 123-20 du code de justice administrative réserve l'examen à l'assemblée générale du Conseil d'Etat ; que si le 3° de cet article permet de renvoyer à l'examen de l'assemblée générale les affaires dont l'importance le justifie, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de contrôler l'appréciation à laquelle se livrent les autorités compétentes pour décider d'un tel renvoi ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant le Conseil d'Etat aurait été irrégulière ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que fussent consultés le Conseil national des barreaux et la conférence des bâtonniers préalablement à l'adoption du décret contesté ; qu'au surplus, le moyen manque en fait ;

Considérant, enfin, que la circonstance que le pouvoir réglementaire n'aurait pas imposé aux notaires des sujétions comparables à celles que le décret attaqué impose aux avocats est sans incidence sur la légalité de celui-ci, le principe d'égalité entre ces deux professions différentes ne pouvant être utilement invoqué ;

Sur les moyens dirigés contre certains articles du décret :

En ce qui concerne l'article 1er :

Considérant qu'eu égard au rôle de l'avocat, tel qu'il est défini, notamment, par la loi du 31 décembre 1971, les principes essentiels de la profession s'imposent à l'ensemble de son comportement ; qu'ainsi, l'auteur du décret a pu, à bon droit, mentionner que ces principes s'appliquent « en toutes circonstances » ;

En ce qui concerne l'article 2 :

Considérant que l'article 2 se borne à reprendre les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1971 aux termes desquelles la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante ;

En ce qui concerne l'article 3 :

Considérant que l'article 3 du décret rappelle et précise les principes essentiels de la profession d'avocat, comme le prévoit l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 ;

Considérant que l'obligation impartie à l'avocat de respecter les principes de délicatesse et de modération ne saurait être regardée comme incompatible avec le droit à la liberté d'expression garanti par l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel autorise, d'ailleurs, les restrictions qu'impliquent, notamment, la protection de la réputation ou des droits d'autrui et la garantie de l'autorité et de l'impartialité du pouvoir judiciaire ;

Considérant que le principe de modération énoncé par l'article 3 ne fait aucunement obstacle à l'application de la règle fixée par l'article 1134 du code civil selon laquelle les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

En ce qui concerne l'article 4 :

Considérant que l'article 4 du décret se borne à rappeler, sans méconnaître les articles 6, § 1, et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'obligation de respect du secret professionnel inhérente à l'exercice de la profession d'avocat, sous réserve des strictes exigences de sa propre défense et des dérogations prévues ou autorisées par la loi ;

En ce qui concerne l'article 5 :

Considérant que l'article 5 du décret se borne à faire du respect du secret de l'instruction, tel qu'il est institué par l'article 11 du code de procédure pénale, une obligation déontologique pour l'avocat ; qu'il réserve l'exercice des droits de la défense et ne méconnaît pas l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si, en vertu du troisième alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut, au cours de l'enquête et de l'instruction, rendre publics certains éléments objectifs tirés de la procédure « ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause », pour éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, la mission d'intérêt général ainsi assignée au Parquet ne prive pas de justification l'obligation faite à l'avocat de respecter le secret de l'enquête et de l'instruction et ne met pas en cause le principe du procès équitable ;

En ce qui concerne l'article 6 :

Considérant qu'en affirmant que la « profession d'avocat concourt à l'accès à la justice et au droit », l'article 6 du décret attaqué se borne à rappeler un principe figurant dans la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Considérant que si, aux termes du deuxième alinéa de cet article, « l'avocat est tenu de déférer aux désignations et commissions d'office, sauf motif légitime d'excuse ou d'empêchement admis par l'autorité qui a procédé à la désignation ou à la commission », ces dispositions ne sauraient être regardées comme instituant un travail forcé ou obligatoire au sens de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 8 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ; que, par ailleurs, eu égard aux dérogations prévues par le texte, l'obligation ainsi instituée ne porte pas atteinte à la liberté de conscience de l'avocat ;

En ce qui concerne l'article 7 :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de cet article, l'avocat « ne peut accepter l'affaire d'un nouveau client si le secret des informations données à un ancien client risque d'être violé ou lorsque la connaissance par l'avocat des affaires de l'ancien client favoriserait le nouveau client » ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il appartient au Premier ministre de fixer les règles de déontologie de la profession d'avocat, alors même que celles-ci auraient une incidence sur la liberté d'entreprendre des intéressés, dès lors que ne sont méconnus ni le respect de l'indépendance de l'avocat ni le caractère libéral de sa profession ; que la règle édictée par le troisième alinéa de l'article 7 ne méconnaît pas ces principes ;

Considérant que si cette règle peut avoir pour effet de limiter, pour les intéressés, la libre prestation de services garantie par l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne, l'intérêt général qui s'attache à préserver le secret professionnel et à éviter les conflits d'intérêt constitue une raison impérieuse justifiant des limitations à la libre prestation de services ; que la mesure en cause, qui est adaptée à l'objectif poursuivi, n'y porte pas une atteinte excessive ;

Considérant, enfin, que la règle contestée ne porte aucune atteinte au droit de propriété des avocats ;

En ce qui concerne l'article 8 :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 : « L'avocat doit justifier d'un mandat écrit sauf dans les cas où la loi ou le règlement en présume l'existence » ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'écarter l'application du principe dont s'inspirent les articles 416 et 417 du nouveau code de procédure civile, selon lequel l'avocat n'a pas à justifier d'un mandat écrit lorsqu'il représente son client en justice ;

En ce qui concerne l'article 10 :

Considérant qu'en indiquant qu' « à défaut de convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de la notoriété et des diligences de celui-ci », le décret se borne à reproduire les termes du deuxième alinéa de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que ces dispositions seraient entachés d'illégalité ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, par ailleurs, que le pouvoir réglementaire pouvait mettre à la charge de l'avocat, sans porter atteinte à son indépendance ou au caractère libéral de sa profession, l'obligation d'informer régulièrement son client de l'évolution prévisible du montant des honoraires ; qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que la difficulté de prévoir une telle évolution en matière juridictionnelle ferait obstacle à l'exercice de cette obligation ;

En ce qui concerne l'article 12 :

Considérant que le troisième alinéa de l'article 12 prévoit qu'un compte détaillé faisant ressortir les frais et débours, les émoluments tarifés et les honoraires doit être délivré par l'avocat « à la demande de son client ou du bâtonnier, ou lorsqu'il en est requis par le président du tribunal de grande instance ou le premier président de la cour d'appel, saisis d'une contestation en matière d'honoraires ou débours ou en matière de taxe » ;

Considérant que le législateur a, par le 9° de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971, confié au conseil de l'ordre l'attribution de vérifier la tenue de la comptabilité des avocats ; qu'en donnant au bâtonnier la possibilité de demander la production du compte détaillé de l'avocat, le pouvoir réglementaire s'est borné à assurer l'exécution de la loi, sans en méconnaître les dispositions ; qu'une telle demande, qui s'inscrit dans une phase préparatoire, ne porte aucune atteinte aux droits de l'avocat, dès lors que celui-ci est tenu d'établir un compte détaillé ; que le requérant n'invoque aucun principe ni aucune règle de nature à mettre en cause l'absence de voie de recours contre l'obligation pour un avocat de présenter sa comptabilité ; que la circonstance que le décret ne prévoie pas d'autorité compétente pour demander la production d'un compte au bâtonnier est sans incidence sur la légalité de la disposition contestée ;

Considérant, par ailleurs, que si le décret impose à l'avocat de délivrer le compte détaillé au président du tribunal de grande instance ou au premier président de la cour d'appel lorsqu'il en est requis, il n'édicte, par lui-même, aucune règle relative à la procédure qui doit être suivie dans le cadre de la contestation en matière d'honoraires, débours ou taxes ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait le principe général de la procédure civile selon lequel les parties introduisent et conduisent l'instance ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'article 15 :

Considérant que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 15 relatives à la publicité seraient contraires aux principes essentiels et aux traditions de la profession n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne l'article 16 :

Considérant que les exigences du procès équitable s'appliquent à l'ensemble des parties ; que le pouvoir réglementaire pouvait ainsi, à l'article 16, légalement rappeler que l'avocat se conforme à ces exigences, « se comporte loyalement à l'égard de la partie adverse » et « respecte les droits de la défense et le principe du contradictoire » ;

En ce qui concerne l'article 18 :

Considérant que la règle mentionnée au premier alinéa de l'article 18, selon laquelle « l'avocat chargé d'assister un client dans une négociation ne peut conduire de pourparlers qu'en présence de son client ou avec l'accord de ce dernier », ne méconnaît pas le principe de l'indépendance de l'avocat ;

En ce qui concerne l'article 19 :

Considérant que l'article 19 fixe les règles applicables à l'avocat qui succède à un confrère ;

Considérant que s'il résulte de cet article, combiné avec l'article 14, que les contestations portant sur la restitution de pièces sont réglées suivant la procédure prévue en matière de montant et de recouvrement d'honoraires, le moyen tiré de ce que cette procédure serait illégale n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il appartient au Premier ministre de fixer les règles de déontologie de la profession d'avocat, dès lors que ne sont méconnus ni le respect de l'indépendance de l'avocat ni le caractère libéral de sa profession ; que le premier alinéa de l'article 19, selon lequel « sauf accord préalable du bâtonnier, l'avocat qui accepte de succéder à un confrère ne peut défendre les intérêts du client contre son prédécesseur », ne méconnaît pas ces principes ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient entachées d'excès de pouvoir ne peut qu'être écarté ; qu'elles ne portent aucunement atteinte à l'exercice des droits de la défense ou à la liberté d'entreprendre, dès lors que le client qui entend défendre ses intérêts peut recourir à un autre avocat ; que le pouvoir réglementaire a pu légalement investir le bâtonnier d'une telle mission sans méconnaître aucune disposition législative ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 : « Le nouvel avocat s'efforce d'obtenir de son client qu'il règle les sommes restant éventuellement dues à un confrère précédemment saisi du dossier. S'il reçoit du client un paiement alors que des sommes restent dues à son prédécesseur, il en informe le bâtonnier » ; que ces dispositions ne méconnaissent ni les principes de confraternité et de délicatesse, ni le secret professionnel ;

Considérant, enfin, que les dispositions du troisième alinéa ne méconnaissent aucune règle ou principe s'imposant au pouvoir réglementaire ;

En ce qui concerne l'article 21 :

Considérant que le Premier ministre, compétent pour fixer les règles de déontologie de la profession, l'est nécessairement pour prévoir des dispositions spécifiques aux avocats honoraires, qui continuent d'appartenir à l'Ordre ; qu'aucune disposition législative ne faisait obstacle à ce qu'il attribuât au bâtonnier la faculté d'autoriser l'avocat honoraire à consulter ou à rédiger des actes ; que la circonstance que le décret ne précise pas les conditions dans lesquelles le bâtonnier est amené à exercer cette prérogative est sans incidence sur sa légalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B, l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS, M. A et la SELARL CABINET A ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat ; que les conclusions de M. B, et de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de l'Union des jeunes avocats de Paris est admise.

Article 2 : Les requêtes de M. B, de l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS, de M. A et de la SELARL CABINET A sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe B, à l'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS, à M. François A, à la SELARL CABINET A, au garde des sceaux, ministre de la justice, et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 283475
Date de la décision : 15/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - AUTORITÉS DISPOSANT DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE - RÈGLES RELATIVES À LA PROFESSION D'AVOCAT - COMPÉTENCES RESPECTIVES DU PREMIER MINISTRE - DU CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX ET DES CONSEILS DE L'ORDRE [RJ1].

01-02-02-01 Il appartient au Premier ministre de faire usage du pouvoir réglementaire que lui confère l'article 21 de la Constitution pour fixer les règles de déontologie de la profession d'avocat. Cette compétence s'exerce, en vertu de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, par décret en Conseil d'Etat. Le respect du principe d'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, énoncé au même article, n'implique aucunement qu'une partie des règles de déontologie soit soustraite à sa compétence pour être réservée à celle des instances ordinales. L'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, qui a reconnu au Conseil national des barreaux un pouvoir réglementaire pour unifier les règles et usages de la profession, n'a pas eu davantage pour objet ou pour effet de réduire la compétence du Premier ministre. Par ailleurs, celui-ci peut légalement réunir dans un même texte les principales règles relatives à la déontologie des avocats, y compris en reproduisant celles d'entre elles qui sont fixées par une norme de niveau supérieur.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - MAGISTRATS ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - AUXILIAIRES DE LA JUSTICE - AVOCATS - EXERCICE DE LA PROFESSION - A) RÈGLES RELATIVES À LA PROFESSION - COMPÉTENCES RESPECTIVES DU PREMIER MINISTRE - DU CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX ET DES CONSEILS DE L'ORDRE [RJ1] - B) NÉCESSITÉ DE JUSTIFIER D'UN MANDAT ÉCRIT POUR LA REPRÉSENTATION DES CLIENTS EN JUSTICE - ABSENCE.

37-04-04-01-02 a) Il appartient au Premier ministre de faire usage du pouvoir réglementaire que lui confère l'article 21 de la Constitution pour fixer les règles de déontologie de la profession d'avocat. Cette compétence s'exerce, en vertu de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, par décret en Conseil d'Etat. Le respect du principe d'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, énoncé au même article, n'implique aucunement qu'une partie des règles de déontologie soit soustraite à sa compétence pour être réservée à celle des instances ordinales. L'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971, qui a reconnu au Conseil national des barreaux un pouvoir réglementaire pour unifier les règles et usages de la profession, n'a pas eu davantage pour objet ou pour effet de réduire la compétence du Premier ministre. Par ailleurs, celui-ci peut légalement réunir dans un même texte les principales règles relatives à la déontologie des avocats, y compris en reproduisant celles d'entre elles qui sont fixées par une norme de niveau supérieur.,,b) Les dispositions du premier alinéa de l'article 8 du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, aux termes desquelles « l'avocat doit justifier d'un mandat écrit sauf dans les cas où la loi ou le règlement en présume l'existence » n'ont ni pour objet ni pour effet d'écarter l'application du principe dont s'inspirent les articles 416 et 417 du nouveau code de procédure civile, selon lequel l'avocat n'a pas à justifier d'un mandat écrit lorsqu'il représente son client en justice.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - FORMES DE LA REQUÊTE - MINISTÈRE D'AVOCAT - NÉCESSITÉ DE JUSTIFIER D'UN MANDAT ÉCRIT POUR LA REPRÉSENTATION DES CLIENTS EN JUSTICE - ABSENCE.

54-01-08-02 Les dispositions du premier alinéa de l'article 8 du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, aux termes desquelles « l'avocat doit justifier d'un mandat écrit sauf dans les cas où la loi ou le règlement en présume l'existence » n'ont ni pour objet ni pour effet d'écarter l'application du principe dont s'inspirent les articles 416 et 417 du nouveau code de procédure civile, selon lequel l'avocat n'a pas à justifier d'un mandat écrit lorsqu'il représente son client en justice.


Références :

[RJ1]

Cf. 17 novembre 2004, Société d'exercice libéral Landwell et associés et Société d'avocats Ey Law, n°268075, p. 427.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2006, n° 283475
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:283475.20061115
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