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15/11/2006 | FRANCE | N°275808

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 15 novembre 2006, 275808


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Bernadette A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 8 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de la décision du 28 octobre 2003 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a décidé de suspendre le versement de sa pension de retraite du 1er janvier au 30 novembre 2002 et d'autre part, du titre de perception émis le 18 février 2004 par

le trésorier-payeur général du Val-de-Marne ;

Vu les autres...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Bernadette A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 8 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de la décision du 28 octobre 2003 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a décidé de suspendre le versement de sa pension de retraite du 1er janvier au 30 novembre 2002 et d'autre part, du titre de perception émis le 18 février 2004 par le trésorier-payeur général du Val-de-Marne ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Karbouch-Polizzi, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Luc-Thaler, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa version applicable à l'espèce : Les dispositions du présent titre sont applicables aux personnels civils et militaires des collectivités suivantes : / 1° Administrations de l'Etat, des départements et des communes, des départements et territoires d'outre-mer, des offices et établissements publics de ces collectivités à caractère administratif ; / 2° Offices, établissements publics ou entreprises publiques à caractère industriel ou commercial et dont la liste est fixée par décret contresigné par le ministre des finances dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ; / 3° Organismes publics ou privés dont le budget de fonctionnement est alimenté en permanence et pour plus de 50 p. 100 de son montant, soit par des taxes fiscales ou parafiscales, soit par des cotisations rendues obligatoires en vertu d'un texte légal ou réglementaire, soit par des subventions allouées par l'une des collectivités visées au présent article, 1° et 2°. ; qu'aux termes de l'article L. 86 du même code applicable en l'espèce : Les titulaires de pension qui ont été rayés des cadres soit sur leur demande, soit d'office par mesure de discipline, avant d'avoir atteint la limite d'âge qui leur était applicable dans leur ancien emploi, et qui perçoivent une rémunération d'activité servie par l'une des collectivités énumérées à l'article L. 84, ne peuvent bénéficier de leur pension avant d'avoir atteint l'âge correspondant à cette limite d'âge, sauf à percevoir, si la pension est supérieure à la nouvelle rémunération d'activité, une somme égale à l'excédent de la pension sur le montant de cette rémunération. / Toutefois, peuvent cumuler intégralement le montant de leur pension avec celui des émoluments correspondant à l'emploi qui leur est confié : (...) / 3° Les titulaires de pensions, dont la rémunération annuelle d'activité n'excède pas le quart du montant de la pension ou le montant du traitement afférent à l'indice 100 fixé par l'article 1er du décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948 et les textes subséquents. ;

Considérant qu'ils résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a cumulé du 2 décembre 1996 au 30 novembre 2002 une rémunération versée par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et une pension civile de retraite à jouissance immédiate acquise en application de l'article L. 4-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite à compter du 1er mars 1992 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a suspendu le 28 octobre 2003 le versement de sa pension du 1er janvier au 30 novembre 2002, au motif que sa rémunération excédait à la fois le montant du traitement afférent à l'indice 100 fixé par l'article premier du décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948 et le montant de sa pension ; que Mme A demande l'annulation du jugement du 8 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de la décision du 28 octobre 2003 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a décidé de suspendre le versement de sa pension de retraite du 1er janvier au 30 novembre 2002 et d'autre part, du titre de perception émis le 18 février 2004 à son encontre par le trésorier-payeur général du Val-de-Marne ;

Considérant que le terme de rémunération annuelle mentionné par les dispositions de l'article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite précitées doit être entendu comme désignant les sommes effectivement dues au pensionné au titre d'une année civile, par l'un des organismes énumérés à l'article L. 84 ; que la prime d'intéressement n'est cependant due aux salariés, tant dans son principe que dans son montant, que lorsque les objectifs conventionnels de l'organisme employeur ont été atteints ; qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que les résultats des organismes d'assurance maladie du régime général sont connus en fin d'année civile et que la prime d'intéressement qui en résulte, est de ce fait calculée et versée au cours du premier semestre de l'année suivante ; que, dès lors, le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la prime d'intéressement de 150,91 euros versée à Mme A en juin 2003 par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France en application du protocole d'accord du 28 juin 2002 relatif à la mise en place de l'intéressement dans les organismes du régime général de sécurité sociale, devait être prise en compte au titre de sa rémunération annuelle pour l'année 2002 ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception émis par le trésorier payeur-général du Val-de-Marne le 28 octobre 2004 :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le cas mentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation. Cette décision ou cette pièce doit être accompagnée de copies dans les conditions fixées à l'article R. 411-3 ;

Considérant que la demande de Mme A au tribunal administratif n'était pas accompagnée du titre de perception du 28 octobre 2004 ; que, par ailleurs, elle n'établit pas avoir adressé au comptable qui a pris en charge ce titre, dans les deux mois suivant sa notification, une réclamation en application des dispositions du décret modifié du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; que, dès lors, sa demande était irrecevable ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2003 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a suspendu le versement de sa pension de retraite :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 441-4 du code du travail : Les sommes attribuées aux bénéficiaires en application de l'accord d'intéressement n'ont pas le caractère de rémunération, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741-10 du code rural, ni de revenu professionnel au sens de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 731-14 du code rural pour l'application de la législation de la sécurité sociale et ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération, au sens des mêmes articles, en vigueur dans l'entreprise ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales ou contractuelles (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 92 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa version applicable à l'espèce : Pour l'application des règles tracées à l'article L. 86, sont considérés comme émoluments les sommes allouées sous quelque dénomination que ce soit à raison de services rémunérés à la journée, au mois ou à l'année ou forfaitairement, sous la forme d'une indemnité ou d'une allocation quelconque. ;

Considérant que si les primes d'intéressement ne peuvent être regardées comme des rémunérations pour le calcul des cotisations des assurances sociales des accidents du travail et des allocations familiales, les articles L. 86 et R. 92 du code des pensions civiles et militaires de retraite ont entendu inclure dans les émoluments servant de comparaison entre d'une part, la pension de retraite et d'autre part, le revenu tiré d'une activité salariée, l'ensemble des sommes perçues à ce titre par le pensionné ;

Considérant cependant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne pouvait inclure dans la rémunération de Mme A pour 2002, la prime d'intéressement qui lui a été versée en 2003 ; que la rémunération de l'intéressée au titre de l'année 2002 n'excédait pas le montant du traitement afférent à l'indice 100 fixé par l'article 1er du décret du 10 juillet 1948 ; que, par suite, à supposer même que cette rémunération ait excédé le quart du montant de sa pension, Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a suspendu le versement de sa pension de retraite ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 8 octobre 2004 est annulé.

Article 2 : La décision du 28 octobre 2003 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie suspendant le versement de sa pension de retraite de Mme A du 1er janvier au 30 novembre 2002 est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A devant le tribunal administratif de Melun est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Bernadette A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

48-02-01-04-03 PENSIONS. PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE. QUESTIONS COMMUNES. LIQUIDATION DES PENSIONS. BONIFICATIONS. - PRIME D'INTÉRESSEMENT - A) PRISE EN COMPTE DANS LES ÉMOLUMENTS (ART. L. 86 ET R. 92 DU CODE DES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE) - B) ANNÉE DE RATTACHEMENT (ART. L. 86 DU MÊME CODE).

48-02-01-04-03 a) Si les primes d'intéressement ne peuvent être regardées comme des rémunérations pour le calcul des cotisations des assurances sociales des accidents du travail et des allocations familiales, les articles L. 86 et R. 92 du code des pensions civiles et militaires de retraite ont entendu inclure dans les émoluments servant de comparaison entre d'une part, la pension de retraite et d'autre part, le revenu tiré d'une activité salariée, l'ensemble des sommes perçues à ce titre par le pensionné.,,b) Le terme de rémunération annuelle mentionné par les dispositions de l'article L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être entendu comme désignant les sommes effectivement dues au pensionné au titre d'une année civile, par l'un des organismes énumérés à l'article L. 84. La prime d'intéressement n'est cependant due aux salariés, tant dans son principe que dans son montant, que lorsque les objectifs conventionnels de l'organisme employeur ont été atteints. Une prime d'intéressement octroyée à raison des résultats des organismes d'assurance maladie du régime général, qui sont connus en fin d'année civile, ne peut légalement être prise en compte au titre de la rémunération annuelle de l'intéressé au titre de cette année dès lors qu'elle est calculée et versée au cours du premier semestre de l'année suivante.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 nov. 2006, n° 275808
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mme Agnès Karbouch-Polizzi
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : LUC-THALER

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 15/11/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 275808
Numéro NOR : CETATEXT000008242067 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-11-15;275808 ?
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