La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/09/2006 | FRANCE | N°296169

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 12 septembre 2006, 296169


Vu la requête, enregistrée le 4 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X... B, épouse A, demeurant ... ; Mme B, épouse A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de l'exécution de la décision du 25 janvier 2006 par laquelle le consul général de France à Abidjan a refusé la délivrance d'un visa de long séjour à l'enfant mineur Japhet C ;

2°) d'enjoindre au consul général de délivrer le visa demandé, sous astrei

nte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiem...

Vu la requête, enregistrée le 4 août 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X... B, épouse A, demeurant ... ; Mme B, épouse A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative la suspension de l'exécution de la décision du 25 janvier 2006 par laquelle le consul général de France à Abidjan a refusé la délivrance d'un visa de long séjour à l'enfant mineur Japhet C ;

2°) d'enjoindre au consul général de délivrer le visa demandé, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation dudit conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qu'il a exercée ;

elle expose que, demeurant en France sous couvert d'une carte de résident, elle a obtenu une autorisation de regroupement familial pour faire venir auprès d'elle l'enfant Japhet C, né le 4 janvier 2002 ; que toutefois la demande de visa faite au profit de ce dernier a été refusée au motif que la filiation avec Mme B, épouse A n'avait pas été établie ; qu'en conséquence, l'autorisation préfectorale de regroupement familial a été retirée ; qu'elle produit au dossier les pièces qui établissent de manière certaine la filiation du jeune Japhet C et de son père Germain C, demandeur du visa ; que le refus de visa doit dès lors être annulé comme contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'enfant autorisé à rejoindre sa mère ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu en date du 9 août 2006 l'accusé de réception par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France de la demande qui lui a été adressée le 3 août 2006 par Mme B, épouse A ;

Vu, enregistré le 31 août 2006, le mémoire présenté par le ministre des affaires étrangères, en réponse à la communication qui lui a été donnée du pourvoi ; il conclut au rejet de la requête ;

il expose que les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante sont irrecevables ; que le préfet de la Gironde a décidé, par un arrêté du 16 janvier 2006 non contesté, de ne pas autoriser le regroupement familial sollicité ; que ce motif, qu'il entend invoquer expressément, justifie à lui seul le refus opposé par le consul général, initialement fondé sur l'absence de justification des liens de filiation entre la requérante et l'enfant ; subsidiairement que la copie intégrale de l'acte de naissance de l'enfant fait apparaître que l'officier d'état civil a signé seul alors que Mme B, épouse A soutient que le registre a été signé par la personne qu'elle présente comme le père de l'enfant ; que la copie de la page du registre parvenue aux autorités françaises est différente de celle produite par la requérante ; qu'en raison de ces incertitudes le lien de filiation ne peut être regardé comme établi ; que la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoquée ; que Mme B, épouse A, ne s'explique pas sur les raisons pour lesquelles elle a quitté son pays sans son enfant en 2003 ; qu'elle n'invoque aucune circonstance particulière justifiant de l'urgence ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, Mme X... B, épouse A, d'autre part le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 7 septembre 2006 à 14 heures, au cours de laquelle, après audition de Me Z..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Mme B, épouse A et du représentant du ministre des affaires étrangères, il a été décidé de prolonger l'instruction jusqu'au lundi 11 septembre à 12 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 11 septembre 2006, présenté pour Mme B, épouse A et qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

Considérant qu'a été transmise au Conseil d'Etat une demande d'aide juridictionnelle au nom de Mme B, épouse A ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre provisoirement la requérante au bénéfice de cette aide, par application des dispositions de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et de réexamen :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution d'une décision administrative ne peut être suspendue par le juge des référés qu'à la double condition que soit invoqué un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision et qu'il y ait urgence ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme B, épouse A soutient avoir donné naissance à un fils, Japhet, le 4 janvier 2002 ; qu'elle a quitté la Côte-d'Ivoire, pays dont elle a la nationalité, le 10 février 2003, pour s'installer en France, où elle demeure régulièrement ; qu'elle a entrepris des démarches pour faire venir l'enfant auprès d'elle et obtenu du préfet de la Gironde, le 23 février 2005, une autorisation de regroupement familial ; que M. Y... C, se disant père de l'enfant, a alors présenté une demande de visa de long séjour afin de permettre à ce dernier de rejoindre sa mère en France ; que, toutefois, par décision du 25 janvier 2006, cette demande a été rejetée, au motif que l'acte d'état civil présenté ne permettait pas d'établir la filiation entre l'enfant et Mme B, épouse A ; que celle-ci justifie avoir saisi de ce refus la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France instituée par le décret du 10 novembre 2000 ;

Considérant que si, en l'état du dossier soumis à l'appui de la demande de visa déposée à Abidjan au profit de l'enfant dont Mme B, épouse A soutient être la mère, les actes d'état civil produits n'étaient pas de nature à établir la filiation revendiquée, il résulte tant des déclarations faites à l'audience par l'intéressée que des pièces qui ont été produites avant la clôture de l'instruction, notamment de la copie du carnet de santé de l'enfant remise à la maternité à la requérante, d'une décision de retranscription d'état civil prise par le procureur de Bouaké le 26 avril 2000 et enfin d'un jugement du 12 juillet 2004 par lequel le tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau, statuant en chambre du conseil, a confié l'exercice des droits de la puissance paternelle exercés par M. Y... C, qualifié de père de son enfant, à Mme X... B, épouse A d'une part, que les objections opposées par le ministre aux documents d'état civil produits peuvent être écartées, d'autre part que la filiation entre Mme B épouse A et l'enfant Japhet C, né le 4 janvier 2002, ne peut être sérieusement contestée ; que, dans ces conditions, les moyens tirés par la requérante de ce que la décision serait entachée d'une erreur de fait et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont propres à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ;

Considérant en outre que, compte tenu du délai pendant lequel Mme B, épouse A s'est trouvée séparée de son enfant, la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite ;

Considérant qu'il en résulte qu'il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de refus de visa du consul général de France à Abidjan en date du 25 janvier 2006 ; que, toutefois, la présente décision n'implique pas la délivrance du visa demandé, dès lors notamment que la décision préfectorale de regroupement familial délivrée à Mme B, épouse A, a été abrogée par un arrêté du préfet de la Gironde en date du 16 janvier 2006 ; qu'il y a lieu seulement d'ordonner à la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France de procéder à l'examen du recours dont l'a saisie la requérante compte tenu des motifs de la présente ordonnance, dans un délai d'un mois suivant sa notification ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement au conseil de la requérante de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de ce conseil, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qu'il a exercée ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : Mme B, épouse A est admise provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Il est ordonné la suspension de l'exécution de la décision en date du 25 janvier 2006 par laquelle le consul général de France à Abidjan a refusé la délivrance d'un visa de long séjour à l'enfant Japhet C.

Article 3 : Il est enjoint à la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France de procéder au réexamen de la demande de visa présentée pour l'enfant Japhet C, au vu des motifs de la présente ordonnance, dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

Article 4 : L'Etat versera au conseil de Mme B, épouse A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qu'il a exercée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme X... B, épouse A et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 296169
Date de la décision : 12/09/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 sep. 2006, n° 296169
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:296169.20060912
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award