Vu la saisine, enregistrée le 6 octobre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES défère au Conseil d'Etat, en application de l'article L. 52-15, troisième alinéa, du code électoral, le cas de Mlle Nicole A, candidate tête de liste à l'élection territoriale partielle à laquelle il a été procédé dans le Territoire des Iles du Vent le 13 février 2005 pour la désignation de représentants à l'assemblée de la Polynésie française ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée le 19 mai 2006 pour Mlle A ;
Vu les notes en délibéré présentées les 7 et 12 juin 2006 par M. C ;
Vu la nouvelle note en délibéré de M. C, enregistrée le 25 juillet 2006 ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Henri Savoie, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mlle A,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de M. C :
Considérant que la décision à rendre sur la saisine de la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES n'est pas susceptible de préjudicier aux droits de M. C ; que dès lors, l'intervention de M. C n'est pas recevable ;
Sur la saisine de la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne (...)/ Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant, après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection (...) » ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : « Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales./ Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité./ Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office » ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES a saisi le Conseil d'Etat du cas de Mlle A, candidate tête de liste à l'élection territoriale partielle à laquelle il a été procédé dans le Territoire des Iles du Vent le 13 février 2005 pour la désignation de représentants à l'assemblée de la Polynésie française, dont elle a rejeté le compte en raison de ce qu'il faisait apparaître en recettes des sommes provenant d'une association qui n'était ni un parti ni un groupement politique au sens des dispositions de l'article L.52-8 du code électoral ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
Considérant qu'eu égard à l'objet de la législation relative, d'une part, à la transparence financière de la vie politique, d'autre part, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assignée un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi, qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire qui peut être soit une personne physique dont le nom est déclaré à la préfecture, soit une association de financement agréée par la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle A a bénéficié du soutien financier et matériel de l'association NO OE O TE NUNAA pour le financement de sa campagne électorale ; qu'elle a porté en recettes de son compte de campagne une somme de 1 500 000 francs CFP au titre de la contribution financière de cette association et une somme de 195 000 francs CFP correspondant à des avantages en nature mis à sa disposition par cette association ; que, si les statuts de cette association lui assignent un but politique, il est constant qu'elle ne relève pas des articles 8 à 9-1 de la loi du 11 mars 1988 et qu'elle ne s'était pas soumise, à la date des opérations électorales en cause, aux règles fixées aux articles 11 à 11-7 de ladite loi ; que, par suite, elle ne constituait pas un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral ; que Mlle A doit donc être regardée comme ayant bénéficié de la part d'une personne morale d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 ; qu'eu égard au montant des dons, provenant de cette association, encaissés par la candidate, c'est à bon droit que la commission a rejeté son compte de campagne ;
Considérant que si Mlle A soutient que l'association qui a illégalement participé au financement de sa campagne avait été régulièrement constituée, que le financement qu'elle a reçu de cette association n'a pas été consenti de manière occulte, que cette association a eu recours à un mandataire financier postérieurement aux opérations électorales en cause et que la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES avait approuvé un précédent compte de campagne faisant état de financements versés par cette même association, aucune de ces circonstances ne permet, eu égard à la nature et à la clarté de la règle méconnue, d'établir la bonne foi de Mlle A ; qu'il y a donc lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral, de déclarer Mlle A inéligible en qualité de représentant à l'assemblée de la Polynésie française pendant un an à compter de la présente décision et de la déclarer démissionnaire d'office de son mandat de représentant à cette même assemblée ;
Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 116 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : « La constatation par le Conseil d'Etat de l'inéligibilité d'un ou de plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus déclarés inéligibles. Le Conseil d'Etat proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste » ; qu'en application de ces dispositions, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de proclamer élu Mme Thilda B, inscrite sur la liste où figurait Mlle A immédiatement après le dernier élu de cette liste ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mlle A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que M. C, intervenant en défense, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat verse à l'intéressé la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de M. C n'est pas admise.
Article 2 : Mlle A est déclarée inéligible en qualité de représentant à l'assemblée de la Polynésie française pendant un an à compter de la présente décision et démissionnaire d'office de son mandat de représentant à cette même assemblée.
Article 3 : Mme Thilda B est proclamée élue en qualité de représentant à l'assemblée de la Polynésie française.
Article 4 : Les conclusions de Mlle A et de M. C tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES, à Mlle Nicole A, à Mme Thilda B, à M. René Georges C et au ministre de l'outre-mer.