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26/07/2006 | FRANCE | N°269259

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 26 juillet 2006, 269259


Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 mai 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé ses arrêtés du 28 avril 2004 décidant la reconduite à la frontière ainsi que le placement en rétention administrative de M. Hany A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Melun

Vu les autres p

ièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme e...

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 3 mai 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé ses arrêtés du 28 avril 2004 décidant la reconduite à la frontière ainsi que le placement en rétention administrative de M. Hany A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Melun

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Mallet, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. A a fait valoir qu'entré en France en 2000, il avait rencontré en 2002 une ressortissante française avec laquelle il projetait de se marier, il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de ce que la vie commune des intéressés n'a commencé qu'en août 2004, soit postérieurement à la date à laquelle l'arrêté litigieux a été pris, et de ce que le séjour en France de M. A était irrégulier, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DU VAL-DE-MARNE en date du 28 avril 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que le PREFET DU VAL-DE-MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a retenu ce motif pour annuler, par le jugement attaqué, son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté litigieux, M. A était titulaire d'un visa d'entrée sur le territoire français ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant, toutefois, que, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. A, le PREFET DU VAL-DE-MARNE est recevable à soulever ce moyen pour la première fois en appel ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de M. A, trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui peuvent être substituées à celles du 1°, dès lors, en premier lieu, que M. A s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut être accueilli ;

Considérant que, par un arrêté du 18 novembre 2002, régulièrement publié, le PREFET DU VAL-DE-MARNE a donné à M. Perret, secrétaire général de la préfecture, délégation pour signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Sur la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : « I. Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3º) Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application de l'article 22 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français (…) » ;

Considérant que la décision du 28 avril 2004 plaçant M. A en rétention administrative est motivée par l'absence de moyens de transport immédiatement disponibles à destination de l'Egypte ; que, toutefois, s'il n'est pas contesté que le départ de M. A pour l'Egypte ne pouvait, dès lors, se faire immédiatement, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la mesure litigieuse, l'intéressé, qui était sur le point de contracter un mariage avec une ressortissante française, justifiait disposer d'une adresse fixe et était en possession d'un passeport en cours de validité ; que, dans les circonstances de l'espèce, il présentait des garanties de représentation suffisantes ; que, par suite, le PREFET DU VAL-DE-MARNE ne pouvait légalement le placer en rétention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU VAL-DE-MARNE n'est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant qu'il a annulé son arrêté en date du 3 avril 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'exécution de la présente décision, qui confirme l'arrêté de reconduite à la frontière dont a fait l'objet M. A, n'implique pas qu'il soit enjoint au PREFET DU VAL-DE-MARNE de délivrer à ce dernier une carte de séjour d'un an portant la mention « vie privée et familiale » ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction de M. A ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 3 mai 2004 du tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 28 avril 2004 du PREFET DU VAL-DE-MARNE décidant la reconduite à la frontière de M. A.

Article 2 : Les conclusions de M. A présentées devant le tribunal administratif de Melun et tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DU VAL-DE-MARNE en date du 28 avril 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DU VAL-DE-MARNE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions à fin d'injonction présentées devant le Conseil d'Etat par M. A et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-DE-MARNE, à M. Hany A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 269259
Date de la décision : 26/07/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2006, n° 269259
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Mallet
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:269259.20060726
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