Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août 2003 et 5 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pascal A, demeurant ... ; M. Pascal A demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de la décision du 23 avril 2003 du Conseil des marchés financiers qui a prononcé à son encontre le retrait de sa carte professionnelle pour une durée de dix ans et une sanction pécuniaire de 60 000 euros ;
2°) la mise à la charge de l'Autorité des marchés financiers de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 juillet 2006, présentée pour M. Pascal A ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le décret n° 96-872 du 30 octobre 1996 ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles R. 623-1 à R. 623 ;7 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Françoise Bechtel, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. Pascal A et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du Autorités des marchés financiers,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Pascal A se pourvoit contre une décision du 23 avril 2003 par lequel le Conseil des marchés financiers lui a infligé une sanction de retrait de sa carte professionnelle pour une durée de dix ans, assortie d'une sanction pécuniaire de 60 000 euros et d'une mesure de publicité ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le rapport présenté au conseil figurait au nombre des pièces mises à la disposition de l'intéressé, conformément aux exigences du décret du 3 octobre 1996 alors applicable ; que la circonstance que le rapporteur a participé à la délibération n'est pas, eu égard à ses compétences et dès lors qu'il n'est pas allégué qu'il aurait excédé les pouvoirs qui lui sont confiés par les textes, de nature à caractériser une méconnaissance du principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le principe de publicité des débats prévu par le même texte n'a pas été méconnu dès lors que, l'intéressé disposait devant le Conseil d'Etat d'un recours de pleine juridiction ;
Considérant qu'en vertu de l'article 6 du décret du 30 octobre 1996, applicable à la procédure en cause, l'instance disciplinaire, composée de six membres, ne peut siéger que si cinq membres sont présents ; qu'il est pas contesté que sur les six membres de la formation disciplinaire, cinq étaient présents au cours de laquelle l'affaire a été examinée ; qu'il résulte de l'instruction que le président de la formation disciplinaire à été délégué dans ses fonctions par le président du Conseil des marchés financiers, comme l'exige l'article 1er du même texte ;
Considérant que la circonstance que le rapport d'enquête a été, en cours de procédure, transmis au parquet est sans influence sur la régularité de la procédure disciplinaire que cette transmission ait d'ailleurs eu lieu sur demande du procureur de la République ou à l'initiative du conseil des marchés financiers ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, qui est suffisamment motivée, aurait été prise sur une procédure irrégulière ;
Sur le bien fondé de la décision attaquée :
Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que le contrôle engagé sur le fonctionnement de la société Mercury Capital Markets (MCM) a conduit le Conseil des marchés financiers à engager des poursuites disciplinaires tant à l'encontre de la société qu'à l'encontre de ses dirigeants et collaborateurs ; que les articles L. 622-4 et L. 622-5 du code monétaire et financier ont prévu que des poursuites disciplinaires puissent distinctement être engagées tant à l'encontre de la personne morale qu'à l'encontre des personnes physiques qui la dirigent ou la font fonctionner ; que M. Pascal A, directeur général de la société Mercury Capital Markets (MCM) à l'époque des poursuites, n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'il aurait fait l'objet de poursuites en lieu et place de la société MCM ultérieurement dissoute ;
Considérant en deuxième lieu qu'il résulte de l'instruction que le retard dans l'affectation de certaines opérations sur le compte des clients finaux qui constituent des manquements au regard de l'article 3-4-12 du règlement général du conseil des marchés financiers sont établis ; qu'en revanche ne sont pas établis les tarifs excessifs appliqués aux ordres de la banque San Paolo ; que M. Pascal A a pu à bon droit, en sa qualité de dirigeant de la société MCM , être regardé comme impliqué dans les retards d'imputation qui résultent d'opérations réalisées par deux de ses collaborateurs ; que ces retards, de même que le défaut de communication au Conseil des marchés financiers des conditions tarifaires de l'accord passé avec la banque San Paolo traduisent en outre un défaut de mise en place des contrôles internes des services d' investissements exigés des dirigeants par l'article 2-4-15 du règlement général du Conseil des marchés financiers ;
Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article 3-1-1 du règlement général du conseil des marchés financiers : « Les activités mentionnées à l'article 2-1-1 sont exercées avec diligence, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l'intégrité du marché » ; qu'au nombre des activités mentionnées à l'article 2-1-1 figurent les activités de réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers ainsi que l'activité de négociation pour compte propre ; que, pour sanctionner l'achat de titres pour le compte d'un investisseur institutionnel à des prix plus élevés que ceux du marché sans que ceux-ci aient pu être justifiés, le Conseil des marchés financiers s'est fondé sur ce que la rémunération prise par écart de cours était supérieure aux pratiques habituelles du prestataire en matière de courtage ; qu'il ressort toutefois des explications données par les dirigeants de la MCM à l'occasion de l'enquête menée dans le cadre du litige par la sixième sous-section de la Section du contentieux du Conseil d'Etat en application de l'article R. 623-1 du code de justice administrative et qui n'ont pas pu être utilement contestées par l'Autorité des marchés financiers, que la société MCM intervenait sur le marché obligataire de gré à gré dans le cadre d'une activité donnant lieu à contrepartie ; que si dans le dernier état de ses écritures l'Autorité des marchés financiers soutient que la société MCM , bien qu'agissant en vue d'une contrepartie, aurait agi sur ordre pour le compte de clients, il résulte de l'instruction que les opérations à l'origine des poursuites n'ont donné lieu à aucune passation d'ordres ; qu'ainsi l'activité de la société MCM à raison des opérations en cause doit être regardée comme une activité de négociation pour compte propre ;
Considérant qu'il en résulte qu'en reprochant aux personnes poursuivies d'avoir méconnu la règle selon laquelle doit prévaloir l'intérêt du client, qui ne trouve pas à s'appliquer aux opérations réalisées par un prestataire de services d'investissement lorsqu'il réalise une opération dans son propre intérêt, le Conseil des marchés financiers a entaché, sur ce point, sa décision d'erreur de droit ;
Considérant, il est vrai, que la même disposition exige que dans toutes les opérations, quelle que soit leur nature, soit respectée « l'intégrité du marché » ; que cette règle a pour but d'assurer que, de manière générale, le comportement de ceux qui sont habilités à y intervenir ne porte atteinte ni à la sécurité de la place ni à sa réputation et qu'elle interdit dès lors que soient réalisées des opérations qui seraient anormales, ou frauduleuses en raison notamment de leur caractère dissimulé ou exagérément risqué ; que cette interprétation est confirmée par les termes de l'article 3-4-2 du même règlement selon lesquels : « le prestataire habilité s'assure qu'un collaborateur qui effectue une prestation à un prix différent d'un prix de marché disponible pour cette transaction au moment de sa réalisation, peut en expliquer les raisons sur requête du conseil » ;
Considérant toutefois que lorsque, dans ce cadre, le Conseil des marchés financiers ou l'Autorité des marchés financiers reproche à un prestataire d'avoir réalisé une opération anormale de nature à porter atteinte à l'intégrité du marché, il lui appartient de donner les éléments précis qui permettent de la qualifier comme telle ou comme une opération frauduleuse ;
Considérant qu'alors même qu'il n'est pas contestable que Multifonds a acheté à la société MCM des titres à un prix plus élevé que celui qu'il aurait pu, au même moment, obtenir, il ne résulte ni des pièces du dossier ni de la mesure d'instruction ordonnée par la sous-section et alors que cette circonstance ne peut à elle seule faire regarder la transaction comme une opération qui porte atteinte à l'intégrité des marchés, que des éléments précis qui permettraient de la qualifier comme telles ont été établis par le Conseil des marchés financiers ;
Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction que le Conseil des marchés financiers a à bon droit estimé que les dirigeants de la société MCM avaient manqué aux obligations qui leur incombent en vertu des articles 7-1-6 et 7-1-18 du règlement de communiquer aux personnes chargées du contrôle tous les documents qu'elles estiment utiles à leur mission et d'apporter leur concours au contrôle avec diligence et loyauté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que seule une partie des manquements qui avaient justifié les poursuites devant le Conseil des marchés financier doit être retenu ; que, compte tenu de leur nature et de leur gravité, il y a lieu de maintenir la sanction pécuniaire de 60 000 euros conjointement mise à la charge de M. Pascal A avec M. Stéphane A ainsi que la décision de publier cette sanction, mais de substituer la sanction d'un blâme à celle du retrait de la carte professionnelle ; que M. Pascal A est par suite fondé à demander dans cette mesure la réformation de la décision attaquée ;
Considérant qu'il y a lieu en l'espèce de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 2 000 euros à verser à M. Pascal A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Un blâme est substitué à la sanction de retrait de la carte professionnelle infligé à M. Pascal A par la décision du Conseil des marchés financiers du 23 avril 2003.
Article 2 : La décision du conseil des marchés financiers, du 23 avril 2003 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.
Article 3 : L'Autorité des marchés financier versera la somme de 2 000 euros à M. Pascal A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article. 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pascal A, à l'Autorité des marchés financiers et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.