Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE SEINE-ET-MARNE ; le PREFET DE SEINE-ET-MARNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 7 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 1er septembre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X... A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention franco ;tunisienne du 17 mars 1988 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun, en faisant référence pour apprécier le bien-fondé du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, successivement à la «situation actuelle » du requérant et au « processus en cours de construction d'un nouveau couple », n'a pas entaché son jugement d'une contradiction de motifs ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 29 juillet 2004, de l'arrêté du 26 juillet 2004 par lequel le PREFET DE SEINE-ET- MARNE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière, M. A vivait maritalement avec une ressortissante française qui attendait un enfant qu'il avait déjà reconnu ; que, dans les circonstances de l'espèce, nonobstant la circonstance qu'il n'ait pas encore mené à son terme la procédure de divorce avec une autre ressortissante française qu'il avait épousé en février 2003, l'arrêté de reconduite à la frontière porte à la vie familiale de M. A une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; qu'il a par conséquent méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont M. A est fondé à se prévaloir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE SEINE-ET- MARNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé sa décision de reconduire à la frontière de M. A ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Laugier et Caston, avocat de M. A renonce à percevoir la part contributive de l'Etat il y a lieu de faire application et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros demandée par ladite société à ce titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE SEINE-ET-MARNE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera 2 000 euros à la SCP Laugier et Caston en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE SEINE-ET-MARNE, à M. X... A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.