Vu 1°/, sous le n° 282275, la requête, enregistrée le 11 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est ... et la CIMADE, dont le siège est ... ; le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI) et la CIMADE demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2005 ;617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d'attente pris en application des articles L. 111 ;9, L. 551 ;2, L. 553 ;6, L. 821 ;5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'il organise le placement en rétention administrative de familles, y compris de mineurs, qu'il enferme la recevabilité de la demande d'asile émanant d'étrangers placés en rétention dans un délai de cinq jours et qu'il prévoit que les demandeurs d'asile placés en rétention ne bénéficient pas de la mise à disposition et de la prise en charge d'un interprète ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun des requérants de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°/, sous le n° 282982, la requête, enregistrée le 25 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par AMNESTY INTERNATIONAL SECTION FRANCAISE, dont le siège est ... ; AMNESTY INTERNATIONAL SECTION FRANCAISE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2005 ;617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d'attente pris en application des articles L. 111 ;9, L. 551 ;2, L. 553 ;6, L. 821 ;5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'il organise le placement en rétention administrative de familles, y compris de mineurs, qu'il enferme la recevabilité de la demande d'asile émanant d'étrangers placés en rétention dans un délai de cinq jours et qu'il prévoit que les demandeurs d'asile placés en rétention ne bénéficient pas de la mise à disposition et de la prise en charge d'un interprète ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………
Vu 3°/, sous le n° 283157, la requête, enregistrée le 27 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est ... ; l'ASSOCIATION LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2005 ;617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d'attente pris en application des articles L. 111 ;9, L. 551 ;2, L. 553 ;6, L. 821 ;5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'il organise le placement en rétention administrative de familles, y compris de mineurs, qu'il enferme la recevabilité de la demande d'asile émanant d'étrangers placés en rétention dans un délai de cinq jours et qu'il prévoit que les demandeurs d'asile placés en rétention ne bénéficient pas de la mise à disposition et de la prise en charge d'un interprète ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
…………………………………………………………………………
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de la CIMADE,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées tendent à l'annulation des mêmes dispositions du décret du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d'attente pris en application des articles L. 111 ;9, L. 551 ;2, L. 553 ;6, L. 821 ;5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur l'article 10 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551 ;3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « A son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Il lui est notamment indiqué que sa demande d'asile ne sera plus recevable pendant la période de rétention si elle est formulée plus de cinq jours après cette notification » ; qu'aux termes de l'article 10 du décret attaqué : « L'étranger maintenu dans un centre de rétention qui souhaite demander l'asile présente sa demande dans le délai de cinq jours à compter de la notification qui lui a été faite de ce droit conformément à l'article L. 551 ;3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile… La demande d'asile formulée en centre ou en local de rétention est présentée selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 1er du décret du 14 août 2004… Si l'intéressé est retenu en centre de rétention administrative, la décision du directeur général de l'office est transmise au centre de rétention par télécopie, par voie électronique sécurisée ou par porteur au plus tard à l'échéance du délai de 96 heures prévu à l'article 3 du décret susmentionné… » ;
Considérant, d'une part, que les dispositions critiquées, qui se bornent à rappeler, en application de l'article L. 551 ;3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les demandes d'asile présentées par les étrangers placés en rétention ne sont plus recevables devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pendant la période de rétention si elles sont formulées plus de cinq jours après la notification des droits susceptibles d'être exercés en ce domaine, ne méconnaissent, par elles-mêmes, aucune disposition législative, ni aucun principe s'imposant au pouvoir réglementaire ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prohibant les traitements inhumains ou dégradants, doit également être écarté, au motif que les décisions fixant le pays de destination accompagnant d'éventuelles mesures d'éloignement doivent, elles-mêmes, respecter ces stipulations ; que les associations ne sauraient utilement se prévaloir d'une méconnaissance de l'article 33 ;1 de la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dès lors que cet article ne s'applique qu'aux étrangers auxquels a été reconnue la qualité de réfugié ;
Considérant, d'autre part, que l'intérêt particulier qui s'attache au règlement rapide de la situation des demandeurs d'asile placés en centre de rétention administrative justifie que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides se prononce sur leur demande dans le délai le plus bref compatible avec le respect de l'exercice, par les intéressés, de leurs droits ; que le délai de 96 heures n'est pas insuffisant au regard de cette exigence ; que les dispositions précitées de l'article 10 du décret attaqué prescrivant la transmission de la décision de l'office au plus tard à l'expiration du délai de 96 heures n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, de réduire ce délai ;
Sur l'article 14 :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 du décret attaqué : « Les centres de rétention administrative susceptibles d'accueillir des familles disposent, en outre, de chambres spécialement équipées, et notamment de matériels de puériculture adaptés » ;
Considérant que ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir légalement pour effet de permettre aux autorités préfectorales de prendre des mesures privatives de liberté à l'encontre des familles des personnes placées en rétention ; qu'elles visent seulement à organiser l'accueil des familles des étrangers placés en rétention ; qu'il s'ensuit que le pouvoir réglementaire était compétent pour édicter de telles dispositions, qui n'ont méconnu ni les articles L. 511 ;4 et L. 521 ;4 ni aucune autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les articles 3 ;1 et 37 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Sur l'article 18 :
Considérant qu'aux termes de l'article 18 du décret attaqué : « L'administration met un interprète à disposition des étrangers maintenus en zone d'attente ou en local de rétention administrative qui ne comprennent pas le français, dans le seul cas des procédures de non-admission ou d'éloignement dont ils font l'objet. Dans les autres cas, la rétribution du prestataire est à la charge de l'étranger » ;
Considérant que ni les articles L. 111 ;7, L. 111 ;8, L. 551 ;2 et L. 723 ;2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition législative, ni aucun principe s'imposant au pouvoir réglementaire ne font obligation à l'Etat d'assumer les frais résultant de l'assistance des interprètes mis à la disposition des demandeurs d'asile dans le cadre de la présentation des demandes d'asile ;
Considérant que si les associations requérantes font valoir que ces dispositions sont incompatibles avec la proposition de directive du Conseil relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant ;
Considérant que si les associations requérantes soutiennent que les demandeurs d'asile ne sont pas tous placés dans une situation identique, dès lors que certains maîtrisent la langue française ou peuvent avoir recours, à leur charge, à un interprète, cette circonstance de pur fait ne saurait révéler une différence dans la situation juridique des intéressés ; qu'elle est, dès lors, sans incidence sur le respect du principe d'égalité ;
Considérant que les conclusions aux fins d'annulation présentées par le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, la CIMADE, AMNESTY INTERNATIONAL SECTION FRANCAISE et la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que les associations requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes n°s 282275, 282982 et 283157 sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES, à la CIMADE, à AMNESTY INTERNATIONAL SECTION FRANCAISE, à LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.