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25/01/2006 | FRANCE | N°265964

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 25 janvier 2006, 265964


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 20 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE, dont le siège social est à Saillant (63710) Saint-Nectaire ; la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en date du 22 janvier 2004 modifiant l'arrêté du 18 mars 2003 relatif à la détermination des quantités de référence

des acheteurs de lait pour la période allant du 1er avril 2003 au 31 mars...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars et 20 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE, dont le siège social est à Saillant (63710) Saint-Nectaire ; la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales en date du 22 janvier 2004 modifiant l'arrêté du 18 mars 2003 relatif à la détermination des quantités de référence des acheteurs de lait pour la période allant du 1er avril 2003 au 31 mars 2004 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil des Communautés européennes du 28 décembre 1992 ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 2002-1001 du 16 juillet 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil des Communautés européennes en date du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers : 1. Le prélèvement est dû sur toutes les quantités de lait ou d'équivalent-lait commercialisées pendant la période de douze mois (…). Il est réparti entre les producteurs qui ont contribué au dépassement. / Selon la décision de l'Etat membre, la contribution des producteurs au paiement du prélèvement dû est établie, après réallocation ou non des quantités de référence inutilisées, soit au niveau de l'acheteur en fonction du dépassement subsistant après avoir réparti, proportionnellement aux quantités de référence dont chacun de ces producteurs dispose, les quantités de référence inutilisées, soit au niveau national en fonction du dépassement de la quantité de référence dont chacun de ces producteurs dispose ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 16 juillet 2002 relatif à la maîtrise de la production du lait de vache : (…) Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture, pris après avis du conseil de direction de l'ONILAIT, fixe, pour chaque campagne, (…) les conditions d'utilisation des références individuelles si les producteurs qui en disposent ne les utilisent pas en tout ou partie au cours de la campagne en cause (….) ; que selon l'article 5 de l'arrêté du 18 mars 2003, pris en application de ces dispositions pour la période du 1er avril 2003 au 31 mars 2004 : (…) A partir du 1er juillet 2003, les acheteurs peuvent consentir des allocations provisoires, dans les conditions définies par le présent arrêté. / Les quantités susceptibles d'être redistribuées à titre d'allocations provisoires correspondent aux disponibilités des acheteurs. Ces dernières sont appréciées à partir de la prévision des sous-réalisations individuelles, qui sont égales à la différence entre les quantités de référence des producteurs qui ne sont pas en dépassement et leurs livraisons à la fin de la campagne. / Au sens du présent arrêté, l'allocation provisoire correspond à un pourcentage, déterminé au niveau de l'acheteur, de la quantité de référence du producteur. Ce pourcentage ne peut pas excéder 10 %. / Il est identique pour tous les producteurs livrant à un même acheteur./ La somme des allocations provisoires attribuées par un acheteur ne peut pas excéder les quantités de référence qui ne sont pas utilisées par ses livreurs à la fin de la campagne 2003-2004. ; que selon l'article 7 du même arrêté : (…) A la fin de la campagne 2003-2004, si la somme des allocations provisoires octroyées par un acheteur : (…)/ - est supérieure aux disponibilités de l'acheteur, les allocations provisoires des producteurs qui lui livrent sont réduites de façon linéaire à due concurrence. (…) ;

Considérant que la société requérante demande l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2004 par lequel le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a modifié l'arrêté du 18 mars 2003 afin de fixer à compter du 1er octobre 2003 un nouveau mode de plafonnement du taux des allocations provisoires susceptibles d'être redistribuées par les acheteurs à leurs producteurs ; qu'elle conteste notamment les dispositions de son article 1er aux termes duquel : (…) Du 1er octobre 2003 au 28 février 2004, ce pourcentage ne peut pas excéder : / (…) Le taux notifié par chaque acheteur au titre de la fin de campagne 2002-2003, minoré de un point de pourcentage (…) ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la question faisant l'objet des dispositions litigieuses a été, conformément à l'article 2 précité du décret du 16 juillet 2002, soumise au conseil de direction de l'ONILAIT réuni le 27 novembre 2003 ; que le ministre n'était pas tenu de lui soumettre le texte même qui devait faire l'objet de l'arrêté attaqué ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les allocations provisoires attribuées par l'acheteur à certains producteurs susceptibles de dépasser les quantités de référence, afin de tenir compte d'éventuelles capacités inutilisées par d'autres producteurs, ne peuvent acquérir un caractère définitif qu'au terme de la campagne, lorsqu'est connue l'ampleur effective des quantités de référence inutilisées ; que le principe de confiance légitime ne fait donc pas obstacle à ce que les règles définies avant le début de campagne pour l'attribution de ces allocations provisoires soient modifiées au cours de cette campagne pour tenir compte, comme en l'espèce, de l'évolution de la production et du prix du lait ; qu'en revanche, dès lors que l'arrêté du 18 mars 2003 avait fixé les plafonds utilisés par les acheteurs pour organiser les réallocations individuelles, le ministre ne pouvait, sans méconnaître son obligation de ne disposer que pour l'avenir, décider que l'abaissement de ces plafonds s'appliquerait rétroactivement aux livraisons déjà effectuées ; que l'arrêté attaqué doit donc être annulé en tant qu'il applique le nouveau mode de calcul des réallocations à des livraisons effectuées entre le 30 septembre 2003 et la date de son entrée en vigueur ;

Considérant, enfin, que l'arrêté attaqué s'applique à l'ensemble des acheteurs et des producteurs de lait sur le territoire national ; que la circonstance invoquée, à la supposer établie, qu'en raison d'aléas climatiques, la région Auvergne aurait connu au cours de la campagne 2002-2003 un niveau de production exceptionnel contribuant à abaisser à 7 % seulement le taux des allocations provisoires, ne suffit pas à elle seule à caractériser une méconnaissance du principe d'égalité ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros que la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté du 22 janvier 2004 du ministre de l'agriculture est annulé en tant qu'il est applicable antérieurement à sa date d'entrée en vigueur.

Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LA LAITERIE DE LA MONTAGNE et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - RÉTROACTIVITÉ - ARRÊTÉ MINISTÉRIEL MODIFIANT CERTAINES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES RELATIVES À L'ORGANISATION DU MARCHÉ DU LAIT DE VACHE AU COURS D'UNE CAMPAGNE ANNUELLE - A) DISPOSITIONS MODIFIANT LES RÈGLES D'ATTRIBUTION D'ALLOCATIONS ANTÉRIEUREMENT FIXÉES À TITRE PROVISOIRE - ABSENCE D'ATTEINTE AU PRINCIPE DE CONFIANCE LÉGITIME [RJ1] - B) DISPOSITIONS MODIFIANT LES RÈGLES APPLICABLES À DES LIVRAISONS DÉJÀ EFFECTUÉES - RÉTROACTIVITÉ ILLÉGALE [RJ2].

01-08-02 Il résulte des dispositions des articles 5 et 7 de l'arrêté du 18 mars 2003, pris en application de l'article 2 du décret du 16 juillet 2002 relatif à la maîtrise de la production du lait de vache, que les allocations provisoires attribuées par l'acheteur à certains producteurs susceptibles de dépasser les quantités de référence, afin de tenir compte d'éventuelles capacités inutilisées par d'autres producteurs, ne peuvent acquérir un caractère définitif qu'au terme de la campagne, lorsqu'est connue l'ampleur effective des quantités de référence inutilisées.... ...a) Le principe de confiance légitime ne fait donc pas obstacle à ce que les règles définies avant le début de campagne pour l'attribution de ces allocations provisoires soient modifiées au cours de cette campagne pour tenir compte, comme en l'espèce, de l'évolution de la production et du prix du lait.... ...b) En revanche, dès lors que l'arrêté du 18 mars 2003 avait fixé les plafonds utilisés par les acheteurs pour organiser les réallocations individuelles, le ministre ne pouvait, sans méconnaître son obligation de ne disposer que pour l'avenir, décider que l'abaissement de ces plafonds s'appliquerait rétroactivement aux livraisons déjà effectuées. L'arrêté décidant cet abaissement doit donc être annulé en tant qu'il applique le nouveau mode de calcul des réallocations à des livraisons effectuées avant la date de son entrée en vigueur.

AGRICULTURE - CHASSE ET PÊCHE - PRODUITS AGRICOLES - ÉLEVAGE ET PRODUITS DE L'ÉLEVAGE - PRODUITS LAITIERS - MARCHÉ DU LAIT DE VACHE - ORGANISATION DES CAMPAGNES ANNUELLES - ARRÊTÉ MINISTÉRIEL MODIFIANT CERTAINES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES RELATIVES À UNE CAMPAGNE - A) DISPOSITIONS MODIFIANT LES RÈGLES D'ATTRIBUTION D'ALLOCATIONS ANTÉRIEUREMENT FIXÉES À TITRE PROVISOIRE - ABSENCE D'ATTEINTE AU PRINCIPE DE CONFIANCE LÉGITIME [RJ1] - B) DISPOSITIONS MODIFIANT LES RÈGLES APPLICABLES À DES LIVRAISONS DÉJÀ EFFECTUÉES - RÉTROACTIVITÉ ILLÉGALE [RJ2].

03-05-03-02 Il résulte des dispositions des articles 5 et 7 de l'arrêté du 18 mars 2003, pris en application de l'article 2 du décret du 16 juillet 2002 relatif à la maîtrise de la production du lait de vache, que les allocations provisoires attribuées par l'acheteur à certains producteurs susceptibles de dépasser les quantités de référence, afin de tenir compte d'éventuelles capacités inutilisées par d'autres producteurs, ne peuvent acquérir un caractère définitif qu'au terme de la campagne, lorsqu'est connue l'ampleur effective des quantités de référence inutilisées.... ...a) Le principe de confiance légitime ne fait donc pas obstacle à ce que les règles définies avant le début de campagne pour l'attribution de ces allocations provisoires soient modifiées au cours de cette campagne pour tenir compte, comme en l'espèce, de l'évolution de la production et du prix du lait.... ...b) En revanche, dès lors que l'arrêté du 18 mars 2003 avait fixé les plafonds utilisés par les acheteurs pour organiser les réallocations individuelles, le ministre ne pouvait, sans méconnaître son obligation de ne disposer que pour l'avenir, décider que l'abaissement de ces plafonds s'appliquerait rétroactivement aux livraisons déjà effectuées. L'arrêté décidant cet abaissement doit donc être annulé en tant qu'il applique le nouveau mode de calcul des réallocations à des livraisons effectuées avant la date de son entrée en vigueur.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE - MARCHÉ DU LAIT DE VACHE - ORGANISATION DES CAMPAGNES ANNUELLES - ARRÊTÉ MINISTÉRIEL MODIFIANT CERTAINES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES RELATIVES À UNE CAMPAGNE - A) DISPOSITIONS MODIFIANT LES RÈGLES D'ATTRIBUTION D'ALLOCATIONS ANTÉRIEUREMENT FIXÉES À TITRE PROVISOIRE - ABSENCE D'ATTEINTE AU PRINCIPE DE CONFIANCE LÉGITIME [RJ1] - B) DISPOSITIONS MODIFIANT LES RÈGLES APPLICABLES À DES LIVRAISONS DÉJÀ EFFECTUÉES - RÉTROACTIVITÉ ILLÉGALE [RJ2].

15-05-14 Il résulte des dispositions des articles 5 et 7 de l'arrêté du 18 mars 2003, pris en application de l'article 2 du décret du 16 juillet 2002 relatif à la maîtrise de la production du lait de vache, que les allocations provisoires attribuées par l'acheteur à certains producteurs susceptibles de dépasser les quantités de référence, afin de tenir compte d'éventuelles capacités inutilisées par d'autres producteurs, ne peuvent acquérir un caractère définitif qu'au terme de la campagne, lorsqu'est connue l'ampleur effective des quantités de référence inutilisées.... ...a) Le principe de confiance légitime ne fait donc pas obstacle à ce que les règles définies avant le début de campagne pour l'attribution de ces allocations provisoires soient modifiées au cours de cette campagne pour tenir compte, comme en l'espèce, de l'évolution de la production et du prix du lait.... ...b) En revanche, dès lors que l'arrêté du 18 mars 2003 avait fixé les plafonds utilisés par les acheteurs pour organiser les réallocations individuelles, le ministre ne pouvait, sans méconnaître son obligation de ne disposer que pour l'avenir, décider que l'abaissement de ces plafonds s'appliquerait rétroactivement aux livraisons déjà effectuées. L'arrêté décidant cet abaissement doit donc être annulé en tant qu'il applique le nouveau mode de calcul des réallocations à des livraisons effectuées avant la date de son entrée en vigueur.


Références :

[RJ1]

Rappr. s'agissant de la légalité de telles dispositions au regard du principe de non-rétroactivité, Assemblée, 8 juin 1979, Confédération générale des planteurs de betterave, p. 269.,,

[RJ2]

Comp. même décision.


Publications
Proposition de citation: CE, 25 jan. 2006, n° 265964
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Séners
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU

Origine de la décision
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Date de la décision : 25/01/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 265964
Numéro NOR : CETATEXT000008237635 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-01-25;265964 ?
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