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28/12/2005 | FRANCE | N°276859

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 28 décembre 2005, 276859


Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA, dont le siège est 14, chemin Rieu à Genève 17 (1211) (Suisse), représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA, venant aux droits de la société RJ Reynolds International Geneva Branch BV, demande au Conseil d'Etat :

1°) de rectifier pour erreur matérielle la décision du 15 juillet 2004 du Conseil d'Etat, en tant que celle-ci, après avoir annu

lé la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'in...

Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA, dont le siège est 14, chemin Rieu à Genève 17 (1211) (Suisse), représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA, venant aux droits de la société RJ Reynolds International Geneva Branch BV, demande au Conseil d'Etat :

1°) de rectifier pour erreur matérielle la décision du 15 juillet 2004 du Conseil d'Etat, en tant que celle-ci, après avoir annulé la décision implicite du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie refusant d'homologuer la modification des prix de vente au détail des cigarettes qu'elle avait présentée dans sa demande du 5 février 1997, a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi ;

2°) statuant au fond sur le litige qui lui est soumis, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 9 105 085, 8 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 octobre 2005, présentée pour la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Sauron, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du Conseil d'Etat n°188214 et 196309 du 15 juillet 2004 aurait été notifiée à la société suisse aux droits desquels vient la requérante avant la date du 23 septembre 2004, figurant comme date de réception sur la télécopie de la lettre du consulat général de France à Genève transmettant cette décision à cette société ; qu'ainsi, eu égard à l'application du délai de distance de deux mois prévu pour les requérants domiciliés à l'étranger, la présente requête en rectification d'erreur matérielle, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le lundi 24 janvier 2005, n'est pas tardive ;

Sur les conclusions à fin de rectification d'erreur matérielle :

Considérant que le fait pour le Conseil d'Etat d'avoir statué au vu d'un dossier ne comportant pas un mémoire adressé par une partie au secrétariat du contentieux, lequel l'a effectivement enregistré avant la clôture de l'instruction, constitue une erreur matérielle ; que, pour l'application des dispositions de l'article R. 833-1 du code de justice administrative, une telle erreur doit être regardée comme susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire non seulement lorsque ce mémoire contenait des conclusions ou des moyens nouveaux, mais encore lorsque ce mémoire ajoutait à une argumentation déjà présentée des précisions nouvelles dont l'omission a pu fausser l'appréciation portée par le Conseil d'Etat ;

Considérant que la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA, venant aux droits de la société RJ Reynolds international Geneva Branch BV, demande la rectification de la décision susmentionnée du 15 juillet 2004, en tant qu'elle a refusé d'indemniser le préjudice né de la faute commise par le ministre de l'économie et des finances en refusant d'homologuer la demande, présentée au service des douanes le 5 février 1997 par la société RJ Reynolds International Geneva Branch BV et son représentant pour la France, la société RJ Reynolds Tobacco France, d'abaissement du prix de vente en France des cigarettes Winston ;

Considérant que, pour refuser cette indemnisation, la décision attaquée relève d'une part que, dans les circonstances de l'espèce, le délai raisonnable dont l'administration disposait pour statuer sur la demande d'homologation, était de quatre mois alors même qu'une note interne au service des douanes prévoyait un délai maximum de onze semaines, d'autre part que les sociétés, en se bornant à faire valoir que ce refus d'homologation les aurait privées de la possibilité de récupérer des parts du marché, n'établissent pas avoir subi un préjudice direct et certain, compte tenu tant de la brièveté de la période allant du 5 juin au 30 août 1997 que de l'incidence qu'aurait eue la baisse des prix demandée sur le montant de leur bénéfice ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant de rendre sa décision le Conseil d'Etat n'a pas pris en compte le mémoire en réplique présenté par lesdites sociétés, enregistré au secrétariat du contentieux le 14 décembre 1999, et le rapport d'expertise contractuelle qui y était joint ; que dans ces documents, les sociétés exposaient que leur préjudice résultait de l'impossibilité où le refus fautif de l'administration les avait mises d'engager, contre un nouveau concurrent arrivé sur le marché en novembre 1996, une guerre de prix dans la période utile qu'elles situaient entre mars et juin 1997, et chiffraient leur préjudice, dont l'évaluation avait jusqu'alors été arrêtée au 30 août 1997, en comparant les résultats réels de la commercialisation en France des cigarettes Winston sur l'ensemble de l'année 1997, avec ce qu'ils eussent été dans l'hypothèse où cette guerre de prix aurait pu être engagée dès le début mars ; que dans ces conditions, l'erreur matérielle commise par le Conseil d'Etat en ne prenant pas en compte ce mémoire et ce rapport a été de nature à influer sur le rejet desdites conclusions indemnitaires ; que la décision du Conseil d'Etat est donc entachée d'erreur matérielle en tant qu'elle a statué sur les conclusions indemnitaires ; que dès lors la présente requête est recevable et qu'il y a lieu de statuer à nouveau sur lesdites conclusions ;

Sur les conclusions indemnitaires:

Considérant qu'ainsi que l'admet la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA dans ses dernières écritures, l'abstention de l'administration des douanes à accueillir la demande d'homologation des prix abaissés présentée le 5 février 1997 n'est devenue fautive qu'à partir du 5 juin 1997 ; que dans ces conditions, eu égard à l'argumentation contenue dans le mémoire du 14 décembre 1999 et le rapport y annexé, selon laquelle la période dans laquelle eut pu être utilement engagée une guerre de prix contre la cigarette Winfield, arrivée sur le marché en novembre 1996 était comprise entre le début mars et la fin juin 1997, la société n'établit pas l'imputabilité directe et certaine de son préjudice à la faute commise par l'administration en n'homologuant pas, dès le 5 juin 1997, la baisse de prix sollicitée ; que par suite les conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans la présente instance :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais engagés par la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : les visas de la décision n°188214 et 196309 du 15 juillet 2004 sont complétés ainsi qu'il suit :

Vu le mémoire présenté par les sociétés requérantes, enregistré comme ci-dessus le 14 décembre 1999 ; dans ce mémoire, les sociétés évaluent le préjudice qu'elles ont subi pour l'ensemble de l'année 1997 à la somme de 59 725 420 F, et justifient ce montant par une étude effectuée par M. Nussenbaum, expert financier, comparant les résultats effectifs de la commercialisation en France des cigarettes Winston en 1997, par rapport à ce qu'ils eussent été si la baisse de prix sollicitée avait été autorisée dès le 5 mars 1997, alors que la période utile pour une guerre de prix contre les cigarettes Winfield, apparues sur le marché en novembre 1996, s'étendait sur les mois de mars à juin 1997 ;

Vu la note en délibéré produite le 13 octobre 2005 par la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA, venant aux droits de la société RJ Reynolds international Geneva Branch BV ;

Les motifs de la décision n° 188214 et 196309 du 15 juillet 2004 sont modifiés ainsi qu'il suit : ... sur les conclusions aux fins indemnitaires:/

Considérant qu'ainsi que l'admet la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA dans ses dernières écritures, l'abstention de l'administration des douanes à accueillir la demande d'homologation des prix abaissés présentée le 5 février 1997 n'est devenue fautive qu'à partir du 5 juin 1997 ; que dans ces conditions, eu égard à l'argumentation contenue dans le mémoire du 14 décembre 1999 et le rapport y annexé, selon laquelle la période dans laquelle eut pu être utilement engagée une guerre de prix contre la cigarette Winfield, arrivée sur le marché en novembre 1996 était comprise entre le début mars et la fin juin 1997, la société n'établit pas l'imputabilité directe et certaine du préjudice qu'elle a subi à la faute commise par l'administration en n'homologuant pas, dès le 5 juin 1997, la baisse de prix sollicitée ; que par suite ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées ; (le reste sans changement).

Article 2 : L'Etat versera à la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA une somme de 3 000 euros au titre des frais qu'elle a engagés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA est rejeté.

Article 4 : la présente décision sera notifiée à la SOCIETE JT INTERNATIONAL SA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 276859
Date de la décision : 28/12/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Rectif. d'erreur matérielle

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2005, n° 276859
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Sauron
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:276859.20051228
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