La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2005 | FRANCE | N°229790

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 28 décembre 2005, 229790


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Josiane X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande du 24 octobre 2000 tendant à l'abrogation des décrets n° 90-1231 du 31 décembre 1990, n° 91-58 du 10 janvier 1991, de l'arrêté ministériel du 18 janvier 1991, des décrets n° 92-932 du 7 septembre 1992, n° 92-978 du 10 septembre 1992 et de l'arrêté ministériel du 11 septembre 1992 concernant la carrière

des personnels et exploitants publics de La Poste et France Télécom ;

2°) d...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Josiane X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande du 24 octobre 2000 tendant à l'abrogation des décrets n° 90-1231 du 31 décembre 1990, n° 91-58 du 10 janvier 1991, de l'arrêté ministériel du 18 janvier 1991, des décrets n° 92-932 du 7 septembre 1992, n° 92-978 du 10 septembre 1992 et de l'arrêté ministériel du 11 septembre 1992 concernant la carrière des personnels et exploitants publics de La Poste et France Télécom ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de procéder à l'abrogation des décrets et arrêtés susvisés, sous astreinte de 1 000 F (152,45 euros) par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 F (762,25 euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu le décret du 12 août 1937 portant publication de la convention n° 29 de l'organisation internationale du travail du 29 juin 1930 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977 ;

Vu la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, notamment son article 9 ;

Vu la loi n° 83-450 du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, modifiée, relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;

Vu le décret n° 82-450 du 28 mai 1982, modifié, relatif au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 82-451 du 28 mai 1982, modifié, relatif aux commissions administratives paritaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Suzanne von Coester, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de France Télécom,

- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant le Conseil d'Etat :

Considérant que l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impose pas aux parties de produire sous peine d'irrégularité de la procédure, mais impose seulement de mettre les parties en mesure de le faire ; que le Premier ministre a été invité à produire des observations ; qu'ainsi, Mme X n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du Premier ministre rejetant la demande de Mme X tendant à l'abrogation des décrets du 31 décembre 1990, du 10 janvier 1991, du 7 septembre 1992, du 10 septembre 1992 et des arrêtés interministériels du 18 janvier 1991 et du 11 septembre 1992 :

En ce qui concerne les décrets :

Sur les moyens tirés de ce que la loi du 2 juillet 1990 serait contraire à la Constitution et à l'ordonnance organique du 29 décembre 1958 :

Considérant qu'il n'appartient au Conseil d'Etat statuant au contentieux ni de statuer sur la régularité de la procédure d'adoption de la loi du 2 juillet 1990 au regard de l'article 70 de la Constitution et de l'ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, ni d'apprécier la conformité des dispositions de cette loi à la Constitution et au principe à valeur constitutionnelle d'égalité ; que, par suite, ces moyens ne sont pas susceptibles d'être utilement invoqués devant le Conseil d'Etat ;

Sur les moyens tirés de la méconnaissance de conventions internationales :

Considérant que Mme X ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui ne figure pas au nombre des textes diplomatiques ratifiés dans les conditions fixées par l'article 55 de la Constitution ;

Considérant que ni la loi du 2 juillet 1990, ni les décrets des 31 décembre 1990, 10 janvier 1991 et 7 septembre 1992 ne portent atteinte à la liberté du travail ni n'organisent un travail forcé ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ces textes seraient contraires aux stipulations de l'article 4-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquelles « nul ne peut être astreint à un travail forcé ou obligatoire », ou à celles de la convention n° 29 de l'Organisation internationale du travail en date du 29 juin 1930, régulièrement ratifiée par la loi du 19 juin 1937 et publiée par décret du 12 août 1937, qui interdisent le travail forcé ;

Sur le moyen tiré de l'incompatibilité de la loi du 2 juillet 1990 et des textes pris pour son application avec la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977 :

Considérant que la directive 77/187/CEE du Conseil, du 14 février 1977, concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements, ne faisait pas obligation à l'Etat de maintenir dans ses effectifs les travailleurs tels que Mme X dont l'emploi avait été transféré à France Télécom ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la loi du 2 juillet 1990 et des textes pris pour son application seraient contraires à la directive précitée doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de ce que le Gouvernement n'aurait pas été compétent pour prendre par décret les dispositions attaquées :

Considérant qu'il appartenait au Gouvernement, en application de la loi du 2 juillet 1990, de prendre les dispositions réglementaires auxquelles la loi renvoyait ; que Mme X n'est pas fondée à soutenir que les décrets dont elle demande l'abrogation auraient excédé l'habilitation législative ainsi consentie ou auraient été pris en méconnaissance des articles 34 et 37 de la Constitution ;

Sur le moyen tiré du défaut de consultation du Conseil d'Etat préalablement à l'adoption du décret du 10 janvier 1991 et du décret du 10 septembre 1992 :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, rendu applicable aux fonctionnaires de La Poste et de France Télécom par l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée : « Des décrets en Conseil d'Etat portant statuts particuliers précisent, pour les corps de fonctionnaires, les modalités d'application de la présente loi » ; qu'il ressort des pièces du dossier que les décrets du 10 janvier 1991 et du 10 septembre 1992 ne relèvent pas des statuts particuliers devant faire l'objet d'une consultation du Conseil d'Etat ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur le moyen tiré du défaut de consultation du conseil supérieur de la fonction publique préalablement aux décrets du 31 décembre 1990, du 10 janvier 1991 et du 10 septembre 1992 :

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, rendu applicable aux fonctionnaires de La Poste et de France Télécom par l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée : « Les statuts particuliers.. peuvent déroger, après avis du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat prévu à l'article 13... à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer » ; qu'il ressort des pièces du dossier que les décrets litigieux ne comportent aucune disposition dérogatoire devant être soumise au conseil supérieur de la fonction publique ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur le moyen tiré du défaut de consultation de la commission supérieure du personnel et des affaires sociales du service public des postes et télécommunications préalablement au décret du 7 septembre 1992 :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les actes pris après avis de la commission supérieure du personnel et des affaires sociales instituée par le décret n° 90-1122 du 18 décembre 1990 relatif à la commission supérieure du personnel et des affaires sociales du service public des postes et télécommunications, en tant que leur régularité serait mise en cause sur le fondement de la composition irrégulière de cette commission entre le 1er janvier 1991 et le 18 juillet 1995 » ;

Considérant que, pour demander l'annulation du refus d'abrogation qu'elle attaque, la requérante soutient que le décret susvisé du 7 septembre 1992 a été pris sur avis d'une commission supérieure du personnel et des affaires sociales du service public des postes et télécommunications irrégulièrement composée ; qu'en vertu de l'article 9 de la loi du 3 janvier 2003 précitée, la composition de la commission supérieure du personnel et des affaires sociales du service public des postes et télécommunications à la date des décrets en cause n'est plus susceptible d'être discutée par la voie contentieuse ;

Sur le moyen tiré de ce que le décret du 31 décembre 1990 aurait été pris sur avis d'un comité technique paritaire central incompétent pour en connaître :

Considérant qu'il ressort de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1990 que les deux exploitants publics La Poste et France Télécom ont été créés à compter du 1er janvier 1991 et que jusqu'à cette date le comité technique paritaire central était compétent en application du décret n° 85-1078 du 4 octobre 1985 relatif aux comités techniques paritaires de l'administration des postes et télécommunications, pour connaître des projets de décrets relatifs au statut du personnel des postes et télécommunications ; que le comité technique central consulté le 3 décembre 1990 sur le projet de décret susvisé était, dès lors, compétent pour en connaître ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de ce que les décrets litigieux auraient un effet rétroactif illégal :

Considérant que la requérante soutient que l'article 3 du décret du 10 janvier 1991, l'article 19 du décret du 7 septembre 1992, l'article 2 du décret du 10 septembre 1992, qui prévoient une date d'entrée en vigueur antérieure à leur publication sont entachés d'un effet rétroactif illégal en tant qu'ils font remonter respectivement les effets de ces décrets au 1er janvier et au 1er juillet 1992 ; que, cependant, à la date à laquelle la requérante a demandé l'abrogation de ces dispositions, soit le 24 octobre 2000, celles-ci avaient produit tous leurs effets ; qu'ainsi, le moyen ne peut être utilement invoqué pour contester le refus de les abroger ;

Sur le moyen tiré de ce que le décret du 31 décembre 1990 porterait atteinte aux droits acquis des fonctionnaires et aurait pour effet de retirer illégalement des actes créateurs de droit :

Considérant que les fonctionnaires des postes et télécommunications sont dans une situation statutaire et n'ont aucun droit acquis au maintien de la réglementation antérieure ; qu'aucun principe général du droit ne fait obstacle à ce que cette réglementation soit modifiée ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne les arrêtés ministériels du 18 janvier 1991 et du 11 septembre 1992 :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 18 janvier 1991, pris sur le fondement du décret du 10 janvier 1991, et de ce que l'arrêté du 11 septembre 1992, pris sur le fondement du décret du 10 septembre 1992, seraient dépourvus de base légale du fait de l'illégalité de ces deux décrets ne peut qu'être écarté ;

Considérant que, dès lors qu'ils avaient produit tous leurs effets à la date à laquelle la requérante en a demandé l'abrogation, le moyen tiré de leur entrée en vigueur rétroactive ne peut être utilement invoqué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice des communautés européennes, que les conclusions dirigées contre la décision implicite de refus du Premier ministre d'abroger les décrets n° 90-1231 du 31 décembre 1990, n° 91-58 du 10 janvier 1991, l'arrêté ministériel du 18 janvier 1991, des décrets n° 92-932 du 7 septembre 1992, n° 92-978 du 10 septembre 1992 et l'arrêté ministériel du 11 septembre 1992 ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme X au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Josiane X, à France Télécom, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 déc. 2005, n° 229790
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Suzanne von Coester
Rapporteur public ?: Mme de Silva
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 28/12/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 229790
Numéro NOR : CETATEXT000008255149 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-12-28;229790 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award