Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 janvier et 14 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL MAHE ET COMPAGNIE, dont le siège est ..., Les Metz à Jouy-en-Josas (78350), représentée par son gérant en exercice ; la SARL MAHE ET COMPAGNIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 7 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 14 octobre 1997 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à la réduction des compléments de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985, d'une part, à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1984 et 1985 et des pénalités y afférentes, d'autre part ;
2°) statuant au fond, de la décharger des impositions litigieuses et des pénalités y afférentes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre-François Mourier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SARL MAHE ET COMPAGNIE,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL MAHE ET COMPAGNIE, qui réalise des panneaux publicitaires et de fléchage de zones industrielles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1983 à 1985 ; qu'à la suite de cette vérification, l'administration fiscale a regardé comme fictives sept factures de la société Cérim réglées par la société requérante, a réintégré les montants correspondants dans le bénéfice imposable de ladite société et a refusé la déduction de taxe sur la valeur ajoutée correspondante, en assortissant les droits supplémentaires à ces deux titres des pénalités pour mauvaise foi ;
Considérant que pour rejeter l'argumentation de la société requérante à l'appui de la réalité des prestations en cause, la cour a relevé que les factures litigieuses concernent une activité de prospection, avec réalisation de plans et piquetage d'implantation sur place, que la société ne produit aucun contrat la liant à la société Cerim pour des prestations de service dans le cadre d'une telle activité, que le seul contrat produit à la demande de l'administration et non daté ne couvre pas l'activité très large de prospection au titre de laquelle les factures ont été établies et que les autres documents produits n'apportent pas la preuve de sa réalité ; qu'elle a, ainsi, suffisamment motivé son arrêt ;
Considérant qu'en citant, parmi les éléments de nature à lui permettre d'apprécier la réalité des prestations en cause, le seul contrat produit par la société requérante, la cour n'a pas jugé qu'un tel document était obligatoire, mais seulement que celui qui était produit n'apportait pas, avec les autres pièces du dossier, la preuve de la réalité de ces prestations ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur commise par la cour au regard des règles de la preuve en exigeant un contrat écrit manque en fait ;
Considérant qu'en jugeant qu'il résultait de l'instruction que l'application des pénalités pour absence de bonne foi était justifiée par le caractère grave des infractions consistant en une majoration des frais généraux à l'aide de factures ne reflétant pas un travail effectif de la part du fournisseur, une minoration d'actif net, des majorations abusives de frais généraux déductibles, le non paiement de l'impôt sur les sociétés et d'autres impôts et taxes, des retards importants dans le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, et des prêts consentis sans intérêt, et en relevant que le service avait, dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 11 février 1987, énuméré les manquements justifiant lesdites pénalités et précisé leur fondement légal, la cour a répondu au moyen tiré de ce que l'administration n'établissait pas la mauvaise foi du contribuable et ne justifiait pas les pénalités ;
Sur l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 39 du code général des impôts, applicable en vertu de l'article 209 du même code pour la détermination de l'impôt sur les sociétés, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment les frais généraux de toute nature ; que la déduction de tels frais n'est cependant admise que s'ils constituent une charge effective, ont été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise et sont appuyés par des justifications suffisantes ; que la SARL MAHE ET COMPAGNIE, qui supportait la charge initiale de la preuve de la réalité de ses charges, a produit les factures de la société Cerim ; que l'administration a soutenu devant la cour que la société ne produisait pas un contrat entre les parties ayant date certaine, que le seul contrat produit mentionnait des prestations différentes de celles figurant sur les factures, qu'il n'était ni daté ni signé et n'indiquait pas le montant de la rémunération des démarches que la société Cerim se proposait d'effectuer, que les factures ne précisaient pas les services rendus et n'étaient pas assorties de justificatifs, que les autres documents produits étaient accessibles à toute personne en faisant la demande et qu'aucun marché n'avait été obtenu à la suite d'une intervention de la société Cerim ; qu'en se fondant sur plusieurs de ces constatations pour remettre en cause la réalité des travaux mentionnés sur les factures produites par la société requérante, la cour n'a pas inversé la charge de la preuve ;
Sur la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou de complaisance ; qu'il ressort toutefois des énonciations mêmes de l'arrêt attaqué que la cour s'est fondée sur l'argumentation mentionnée ci-dessus de l'administration fiscale et qu'elle a fait sienne, pour regarder comme fictives les prestations en cause ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'elle aurait commise au regard de la dévolution de la charge de la preuve ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL MAHE ET COMPAGNIE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt, en date du 7 novembre 2002, de la cour administrative d'appel de Paris ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SARL MAHE ET COMPAGNIE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL MAHE ET COMPAGNIE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.