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23/11/2005 | FRANCE | N°276467

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 23 novembre 2005, 276467


Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Sylvie A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 16 décembre 2004 par laquelle le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a fixé à 8,5 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable à compter du 1er janvier 2005 ;

2°) d'enjoindre au premier président de fixer ce taux à un niveau qui ne saurait être inférieur à 9 % ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1

270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu l...

Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Sylvie A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 16 décembre 2004 par laquelle le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a fixé à 8,5 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable à compter du 1er janvier 2005 ;

2°) d'enjoindre au premier président de fixer ce taux à un niveau qui ne saurait être inférieur à 9 % ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le décret n° 2003-1284 du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire prévoit, à son article 1er, qu'une indemnité peut être allouée aux magistrats de l'ordre judiciaire exerçant leurs fonctions en juridiction ; que cette indemnité, destinée à rémunérer l'importance et la valeur des services rendus et à tenir compte des sujétions afférentes à l'exercice de leurs fonctions, comprend notamment une prime modulable attribuée, en vertu de l'article 3 du décret, « en fonction de la contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire » ; que l'article 7 du décret précise que « La prime modulable est calculée en pourcentage du traitement indiciaire brut. Elle est versée mensuellement. / Le montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable pour les magistrats du siège, d'une part, et du parquet, d'autre part (…), est déterminé par application d'un taux moyen à la masse des traitements indiciaires des magistrats concernés. / Le taux d'attribution individuelle de la prime modulable est fixé : / - pour les magistrats exerçant en juridiction, (…) par le procureur général près la cour d'appel ou le procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel pour chaque magistrat du parquet de leur ressort, sur proposition du chef de juridiction sous l'autorité duquel est placé le magistrat pour ceux qui sont affectés dans une juridiction du premier degré (…) » ; que l'arrêté interministériel du 17 septembre 2004, pris pour l'application de ce décret et applicable à la prime modulable attribuée au titre du premier trimestre 2005, précise à son article 2 : « Le taux moyen de la prime modulable (…) est fixé à 8%. / Le taux maximal d'attribution individuelle de cette prime est fixé à 15 % (…) » ;

Considérant que Mme A, juge au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 16 décembre 2004, par laquelle le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre a fixé à 8,5 % le taux d'attribution individuelle de sa prime modulable ;

Sur le moyen tiré de l'illégalité du décret du 26 décembre 2003 au regard des dispositions du statut de la magistrature :

Considérant que si Mme A excipe, à l'encontre de la décision attaquée, de l'illégalité du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime indemnitaire de certains magistrats de l'ordre judiciaire au regard des dispositions du statut de la magistrature, le moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée :

Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, doivent notamment être motivées les décisions qui infligent une sanction ou qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;

Considérant, d'une part, que la décision par laquelle l'autorité qui en est chargée détermine, dans les conditions fixées par le décret cité du 26 décembre 2003 et l'arrêté du 17 septembre 2004 pris pour son application, le montant des indemnités d'un magistrat au regard de sa contribution au bon fonctionnement du service public de la justice, n'a en aucun cas le caractère d'une sanction disciplinaire ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort d'aucune des dispositions réglementaires fixant le régime de la prime modulable, non plus que d'aucun texte législatif ni d'aucun principe, que les magistrats aient droit à ce que cette prime leur soit attribuée à un taux déterminé ; qu'il suit de là qu'en fixant au taux de 8,5 % la prime modulable de Mme A, la décision attaquée n'a refusé à l'intéressée aucun avantage dont l'attribution constituerait un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de ce que Mme A n'a pas été mis à même de présenter préalablement ses observations :

Considérant qu'il ne résulte d'aucun texte législatif ou réglementaire, ni d'aucun principe, que les agents susceptibles de bénéficier d'une prime qui tient compte de leur manière de servir doivent être mis à même de présenter leurs observations préalablement à la décision de l'administration d'en fixer le taux ou de modifier celui-ci, quel qu'ait été le montant antérieurement accordé ; que, par ailleurs, la décision par laquelle l'autorité qui en est chargée détermine le taux de la prime modulable d'un magistrat ne revêt, comme il a été dit ci-dessus, aucun caractère disciplinaire et ne relève pas de l'évaluation statutaire prévue par l'ordonnance organique portant statut de la magistrature ; que si l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui, au surplus, ne s'applique pas dans les relations entre l'administration et ses agents, prévoit que : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales », il résulte de ce qui a été dit plus haut que la décision d'attribuer un taux de prime modulable n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées par application de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;

Sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant à 8,5 % le taux de prime contesté, le premier président de la cour d'appel de Basse-Terre ait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dernières dispositions et de mettre à la charge de Mme A la somme que demande le garde des sceaux, ministre de la justice, au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le garde des sceaux, ministre de la justice, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Sylvie A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 23 nov. 2005, n° 276467
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Aguila

Origine de la décision
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Date de la décision : 23/11/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 276467
Numéro NOR : CETATEXT000008225175 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-11-23;276467 ?
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