Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 3 et 18 mai 2005, présentés pour M. Jean-Jacques Y, domicilié ... ; il demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 21 avril 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 8 juin 2004 du maire de la commune de Saint-Denis-de-la-Réunion accordant à Mme Jacqueline X un permis de construire ;
2°) d'ordonner la suspension de ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3.500 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Henri Savoie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. Y, de Me Le Prado, avocat de Mme X et de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la commune de Saint-Denis-de-la-Réunion,
- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y demande l'annulation de l'ordonnance en date du 21 avril 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'arrêté du 8 juin 2004 du maire de la commune de Saint-Denis-de-la-Réunion accordant à Mme X un permis de construire ;
Sur la fin de non recevoir opposée par Mme X ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.421-39 du code de l'urbanisme : « Mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins du bénéficiaire, dès la notification de la décision d'octroi et pendant toute la durée du chantier » ; qu'aux termes de l'article A.421-7 du même code, l'affichage doit comprendre : « le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du (…) bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature des travaux et, s'il y a lieu, la superficie du terrain, la superficie de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la construction exprimée en mètres par rapport au sol naturel et l'adresse de la mairie où le dossier peut être consulté » ; qu'il ne ressort pas des pièces mises au dossier par Mme X, à qui incombe la charge de prouver la réalité, la régularité et la continuité de cette formalité, que le permis de construire qui lui a été délivré le 8 juin 2004 ait été affiché dans les conditions de durée et de continuité prévues à l'article R. 421-39 du code de l'urbanisme et que l'affichage ait contenu l'ensemble des mentions prévues par l'article A. 421-7 du même code ; qu'il suit de là que, le délai de recours contentieux n'ayant pas couru à l'encontre de M. Y, Mme X n'est pas fondée à soutenir que le pourvoi formé par lui devant le tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion le 6 avril 2005 aurait été présenté tardivement et serait, dès lors, irrecevable et que, par voie de conséquence, la demande de suspension déposée le même jour devant le juge des référés du même tribunal ne pourrait qu'être rejetée ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; que la construction d'un bâtiment autorisée par un permis de construire présente un caractère difficilement réversible et que, par suite, lorsque la suspension d'un permis de construire est demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d'urgence est en principe satisfaite ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la date à laquelle il a statué, la toiture de la construction en cause n'était pas posée et que le bâtiment n'était ni hors d'eau, ni hors d'air ; que, par suite, en se fondant, pour conclure à ce que M. Y ne justifiait pas de l'urgence à demander la suspension de l'arrêté du 8 juin 2004 du maire de Saint-Denis-de-la-Réunion, sur le fait qu'il n'avait présenté une demande de suspension de cet arrêté que plusieurs mois après cette date sans indiquer en quoi cette seule circonstance serait de nature à renverser la présomption d'urgence énoncée ci-dessus, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion a commis une erreur de droit ; qu'en relevant que la construction aurait été presque achevée, il a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que M. Y est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution du permis de construire en cause, M. Y fait valoir que ce permis est contraire à l'article 10 du règlement du lotissement applicable en l'espèce, que la construction autorisée comporte trois niveaux au lieu d'un seul autorisé et que la construction autorisée dépasse la hauteur maximale de 4 mètres par rapport au terrain naturel prévue pour les immeubles situés en limite séparative ; qu'en l'état du dossier soumis au juge des référés du Conseil d'Etat, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 8 juin 2004 du maire de la commune de Saint-Denis-de-la-Réunion ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. Y la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X, qui n'est pas dans la présente affaire la partie perdante, la somme que M. Y demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : l'ordonnance en date du 21 avril 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis-de-la-Réunion est annulée.
Article 2 : la demande de suspension présentée par M. Y est rejetée.
Article 3 : les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : la présente décision sera notifiée à M. Jean-Jacques Y, à Mme Jacqueline X et à la commune de Saint-Denis-de-la-Réunion.
Copie en sera adressée au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.