Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 9 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 3 février 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Messaoud A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée alors en vigueur ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations Me Luc-Thaler, avocat de M. Messaoud A,
- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification le 7 octobre 2002 de la décision du 30 septembre 2002 du PREFET DE L'EURE lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois que M. A s'est rendu le 3 février 2004 à une convocation des services de police de la circonscription d'Evreux dans le cadre d'une enquête diligentée par le procureur de la République pour vérifier la sincérité de son projet de mariage avec Mlle B, de nationalité française ; qu'il a alors été placé en garde en vue et s'est vu notifier un arrêté du PREFET DE L'EURE ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de reconduire M. A à la frontière a été prise après que les services préfectoraux ont été informés du projet de mariage de l'intéressé et qu'ils ont estimé qu'il pouvait revêtir un caractère frauduleux ; qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, notamment à la précipitation avec laquelle l'administration a agi, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant eu pour motif déterminant de prévenir le mariage de M. A avec Mlle B ; qu'il est, dès lors, entaché de détournement de pouvoir ; qu'ainsi, le PREFET DE L'EURE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 3 février 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE L'EURE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'EURE, à M. Messaoud A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.