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27/07/2005 | FRANCE | N°260931

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 27 juillet 2005, 260931


Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Marcel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la demande qui lui a été adressée le 16 juin 2003 et tendant à la révision de sa pension de retraite qui lui a été concédée par arrêté du 15 juillet 2002 et à ce que lui soit accordée la bonification d'ancienneté d'un an par enfant pr

vue par le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires d...

Vu la requête, enregistrée le 9 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Marcel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de deux mois par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la demande qui lui a été adressée le 16 juin 2003 et tendant à la révision de sa pension de retraite qui lui a été concédée par arrêté du 15 juillet 2002 et à ce que lui soit accordée la bonification d'ancienneté d'un an par enfant prévue par le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au ministre de modifier les bases de liquidation de sa pension en tenant compte de cette bonification et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste Laignelot, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la présente affaire, institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là qu'en tant qu'il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors même que M. X aurait assuré l'éducation de ses enfants, l'arrêté du 15 juillet 2002 portant concession à l'intéressé de sa pension de retraite est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui a refusé le bénéfice de cette bonification ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction ; qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. X a, comme il le fait valoir, assuré la charge et l'éducation de ses trois enfants ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire de modifier les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 100 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté du 15 juillet 2002 concédant à M. X sa pension de retraite est annulé en tant qu'il n'a pas accordé à l'intéressé le bénéfice d'une bonification d'ancienneté d'un an par enfant.

Article 2 : Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire modifiera en conséquence de l'article 1er de la présente décision les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Marcel X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 260931
Date de la décision : 27/07/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2005, n° 260931
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de Vulpillières
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste Laignelot
Rapporteur public ?: M. Verclytte

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:260931.20050727
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