Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 29 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société de droit suisse TECENET AG, dont le siège est 27, Parkstrasse à Baden (5400), en Suisse, représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE TECENET AG demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 23 janvier 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 11 août 1998 du tribunal administratif de Strasbourg rejetant sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard et de la majoration de 5 % prévus à l'article 1731-1 du code général des impôts dont a été assortie la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre du mois de janvier 1993 à raison de l'activité exercée par son établissement de Mulhouse ;
2°) statuant au fond, de lui accorder, à titre principal, la décharge de ces intérêts et de cette majoration, à titre subsidiaire, la réduction du montant de ces intérêts, dans la mesure où ceux-ci ne sauraient courir jusqu'au 5 août 1993 inclus ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bénard, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la SOCIETE TECENET AG et de Me Foussard, avocat du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Nancy que la société de droit suisse TECENET AG, qui disposait à Mulhouse d'un établissement dont l'activité était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, était redevable, au titre du mois de janvier 1993, de droits de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 78 443 143 F ; que, pour le règlement de ces droits, les sociétés Eurôcable Vidéocommunications Sud-Alsace, Eurôcable Vidéocommunications Centre-Alsace et Eurôcable Vidéocommunications Nord-Alsace, toutes trois apparentées à la SOCIETE TECENET AG, ont, par conventions conclues le 23 février 1993 avec le receveur principal des impôts de Mulhouse, renoncé à demander au Trésor public le remboursement de différents crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elles étaient titulaires, à hauteur du montant des droits dont était redevable la société requérante ; que l'administration, estimant que ces crédits de taxe n'étaient ni certains, ni liquides, ni exigibles à la date de la cession, et ne pouvaient valoir paiement qu'à la date de signature de la décision de remboursement par l'ordonnateur, soit le 5 août 1993, a assujetti les droits dus par la SOCIETE TECENET AG aux intérêts de retard et à la majoration de 5 % prévus, en cas de retard de paiement, par les dispositions de l'article 1731 du code général des impôts ; que la SOCIETE TECENET AG se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 janvier 2003 de la cour administrative d'appel de Nancy rejetant son appel dirigé contre le jugement du 11 août 1998 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge de ces intérêts de retard et de cette majoration ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1731 du code général des impôts : 1. Tout retard dans le paiement des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques qui doivent être versés aux comptables de la direction générale des impôts (...) donne lieu au versement de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 5 % du montant des sommes dont le versement a été différé ; que, par ailleurs, aucune disposition du code général des impôts, notamment ses articles 1692 à 1697, ne prévoit que les dettes de taxe sur la valeur ajoutée puissent être acquittées par le moyen de la cession de créances ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1291 du code civil : La compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles ; que si aucun texte législatif ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne fait obstacle à ce que l'autorité responsable du recouvrement de l'impôt affecte, par la voie de la compensation, au règlement des diverses impositions dont un contribuable est redevable les sommes versées par celui-ci en paiement d'un autre impôt dont il a été ultérieurement reconnu, en tout ou partie, non passible, et qui se trouvent ainsi disponibles, c'est à la condition, toutefois, que les deux dettes réciproques de l'Etat et du contribuable soient l'une et l'autre liquides et exigibles ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, que, pour écarter l'argumentation de la SOCIETE TECENET AG, qui soutenait que les conventions conclues le 23 février 1993 avaient eu pour conséquence d'éteindre sa dette fiscale dès cette date, la cour administrative d'appel de Nancy a regardé ces conventions comme valant acceptation par le receveur principal des impôts de Mulhouse de la substitution des sociétés cocontractantes à la requérante comme débitrices de la taxe sur la valeur ajoutée due par celle-ci, en vue de la compensation entre la dette ainsi transférée et les crédits de taxe sur la valeur ajoutée détenus par ces mêmes sociétés ; qu'après avoir constaté, par une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation, que faute d'avoir fait l'objet d'une décision de remboursement émanant de l'ordonnateur, ces crédits de taxe sur la valeur ajoutée n'étaient pas devenus liquides et exigibles, la cour a pu, sans erreur de droit, juger que, les conditions de la compensation n'étant pas remplies, ces conventions n'avaient pas eu pour effet de libérer la société requérante de sa dette de taxe sur la valeur ajoutée avant l'intervention, le 5 août 1993, de la décision de remboursement ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'administration aurait conservé pendant la période du 23 février au 5 août 1993 les crédits de taxe sur la valeur ajoutée détenus sur le Trésor par les sociétés Eurôcable Vidéocommunications Sud-Alsace, Eurôcable Vidéocommunications Centre-Alsace et Eurôcable Vidéocommunications Nord-Alsace, dont le montant total était supérieur à la dette de la SOCIETE TECENET AG, est sans incidence sur l'existence d'un retard dans le paiement de cette dette justifiant l'application de l'article 1731 du code général des impôts ; que, par suite, la SOCIETE TECENET AG n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions précitées de l'article 1731 du code général des impôts étaient applicables au litige ;
Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de ce que les créances de taxe sur la valeur ajoutée en cause seraient devenues liquides et exigibles dès l'expiration du délai imparti à l'administration pour statuer sur les demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui étaient soumises, est nouveau en cassation et n'est pas d'ordre public ; que ce moyen est, par suite, irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TECENET AG n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui dans la présente instance n'est pas la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE TECENET AG au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE TECENET AG est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TECENET AG et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.