La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2005 | FRANCE | N°273661

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 17 juin 2005, 273661


Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hamidou X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Mamoudzou, saisi par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en application de l'article L. 52-15 du code électoral, a annulé l'élection de M. X en qualité de conseiller général du canton de Koungou et l'a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pour une durée

d'un an ;

2°) de rejeter la saisine de la commission nationale des com...

Vu la requête, enregistrée le 28 octobre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hamidou X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 27 septembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Mamoudzou, saisi par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en application de l'article L. 52-15 du code électoral, a annulé l'élection de M. X en qualité de conseiller général du canton de Koungou et l'a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller général pour une durée d'un an ;

2°) de rejeter la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, d'approuver son compte de campagne et de valider son élection ; à titre subsidiaire, de dire qu'il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible, en application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Julie Burguburu, Auditeur,

- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Stéphane Verclytte, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision en date du 8 juillet 2004, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. X, candidat à l'élection de conseiller général dans le canton de Koungou (Mayotte) ; que, saisi par la commission en vertu des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral, le tribunal administratif de Mamoudzou a, par jugement du 27 septembre 2004, déclaré inéligible M. X aux fonctions de conseiller général pour une durée d'un an et a annulé les élections cantonales organisées les 21 et 28 mars 2004 dans le canton de Koungou ;

Considérant qu'en se bornant à constater que le montant des dépenses que M. X a réglé lui-même, sans passer par l'intermédiaire de son mandataire financier s'élevait, après déduction d'une somme de 285 euros, correspondant aux frais de l'une des réceptions données après l'élection et donc dépourvue de caractère électoral, à 1 215 euros, sans répondre à l'argumentation du requérant selon lequel 700 euros devaient encore être déduits de ce montant, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ; qu'ainsi, son jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 334-4 du code électoral : Les dispositions du titre Ier du livre Ier du présent code sont applicables dans la collectivité départementale de Mayotte, à l'exception du premier alinéa de l'article L. 66 (…) ; qu'aux termes de l'article L. 52 ;4 du code électoral, inséré au titre Ier du livre Ier du code électoral : Tout candidat à une élection désigne un mandataire au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée le mandataire financier. (…) / Le mandataire recueille, pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. (…) ; qu'aux termes de l'article L. 52 ;15 du même code : La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. / (…) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (…) ; qu'aux termes de l'article L. 118 ;3 du même code : Saisi par la commission instituée par l'article L. 52 ;14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie ou relever le candidat de cette inéligibilité. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office. ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 197 du même code, applicable à l'élection des conseillers généraux : Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52 ;12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. ; qu'en raison de la finalité de ces dispositions, l'obligation de recourir à un mandataire constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut, en principe, être dérogé ; que, toutefois, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis à la double condition que leur montant global soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ; qu'enfin, l'obligation faite aux candidats de ne régler les dépenses de leur campagne que par l'intermédiaire du mandataire financier ne s'applique qu'à compter de la désignation de celui-ci ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association de financement électoral désignée par M. X a fait l'objet d'une déclaration en préfecture le 15 février 2004 ; qu'il résulte de l'instruction que la somme de 700 euros, dont il soutient qu'il s'agissait d'un chèque de caution encaissé par erreur par un fournisseur antérieurement à la création de l'association de financement, correspond en réalité au paiement d'une facture en date du 31 mars 2004 faisant suite à un devis en date du 5 mars 2004 ; qu'ainsi cette somme doit être incluse dans le montant des dépenses réglées directement par le candidat, qui s'élève, après déduction d'une somme de 285 euros, correspondant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aux frais de l'une des réceptions données après l'élection et donc dépourvue de caractère électoral, à 1 215 euros ; que les dépenses réglées directement par le candidat représentent ainsi 28 % du total des dépenses engagées, dont le montant doit être ramené, après déduction de frais de réception engagés postérieurement au scrutin, à la somme de 4 254 euros, et 11 % du plafond des dépenses électorales autorisées ; que dès lors, M. X a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 52-4 du code électoral ; que par suite, c'est à bon droit que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. X ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, eu égard au caractère substantiel de la formalité que celui-ci a méconnue, à l'absence d'ambiguïté des dispositions législatives qui la prévoient et au montant des sommes en cause, de faire application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral ; qu'il y a donc lieu de déclarer M. X inéligible en qualité de conseiller général pour une durée d'un an à compter de la présente décision et d'annuler son élection en qualité de conseiller général du canton de Koungou ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Mamoudzou du 27 septembre 2004 est annulé.

Article 2 : L'élection de M. X en qualité de conseiller général du canton de Koungou est annulée.

Article 3 : M. X est déclaré inéligible en qualité de conseiller général pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Hamidou X, à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-005-04-02-04 ÉLECTIONS ET RÉFÉRENDUM. - DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ÉLECTIONS. - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DÉPENSES ÉLECTORALES. - COMPTE DE CAMPAGNE. - DÉPENSES. - OBLIGATION DE RECOURIR À UN MANDATAIRE OU À UNE ASSOCIATION DE FINANCEMENT (ART. L. 52-4 DU CODE ÉLECTORAL) - TOLÉRANCE ADMISE POUR LE RÈGLEMENT DIRECT DE MENUES DÉPENSES PAR LE CANDIDAT - CONDITIONS CUMULATIVES - FAIBLESSE DE CES DÉPENSES PAR RAPPORT AU TOTAL DES DÉPENSES RETRACÉES DANS LE COMPTE DE CAMPAGNE - CARACTÈRE NÉGLIGEABLE AU REGARD DU PLAFOND DE DÉPENSES AUTORISÉES (ART. L. 52-11 DU MÊME CODE) [RJ1].

28-005-04-02-04 En raison de la finalité des dispositions poursuivies par l'article L. 52-4 du code électoral, l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de la campagne constitue une formalité substantielle à laquelle il ne peut, en principe, être dérogé. Toutefois, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis à la double condition que leur montant global soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du même code.


Références :

[RJ1]

Rappr. Cons. Const., 27 février 2003, n°2002-3180, A.N., Nièvre (2ème circ.) ;

Ab. jur. 8 juillet 2002, Mme Dumas, p. 264.


Publications
Proposition de citation: CE, 17 jui. 2005, n° 273661
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Julie Burguburu
Rapporteur public ?: M. Verclytte
Avocat(s) : SCP GATINEAU

Origine de la décision
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Date de la décision : 17/06/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 273661
Numéro NOR : CETATEXT000008235088 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-06-17;273661 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award