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17/06/2005 | FRANCE | N°271780

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 17 juin 2005, 271780


Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 22 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 1er juillet 2004 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à la demande de M. Fernand Y, d'une part, annulé sa décision en date du 23 décembre 2002 refusant de réviser la pension militaire de retraite de M. Y et a, d'autre part, enjoint au ministre de procéder,

dans le délai de deux mois à compter de la notification du prés...

Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 22 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 1er juillet 2004 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à la demande de M. Fernand Y, d'une part, annulé sa décision en date du 23 décembre 2002 refusant de réviser la pension militaire de retraite de M. Y et a, d'autre part, enjoint au ministre de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, à la révision de sa pension et de la revaloriser rétroactivement à compter du 1er septembre 1964 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne signé à Rome le 25 mars 1957 ;

Vu le traité instituant l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992, notamment son protocole n° 2 ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine de Salins, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue du décret du 23 mai 1951, qui étaient en vigueur à la date à laquelle la pension de M. Y lui a été concédée : « La pension et la rente viagère d'invalidité peuvent être révisées à tout moment en cas d'erreur ou d'omission quelle que soit la nature de celles ;ci. Elles peuvent être modifiées ou supprimées si la concession en a été faite dans des conditions contraires aux prescriptions du présent code » et de l'article 74 du même code : « Sauf l'hypothèse où la production tardive de la demande de liquidation ne serait pas imputable au fait personnel du pensionné, il ne pourra y avoir lieu en aucun cas au rappel de plus de deux années d'arrérages antérieurs à la date du dépôt de la demande de pension » ;

Considérant qu'en estimant que le fait pour M. Y d'avoir attendu le 25 novembre 2002 pour solliciter la révision de sa pension qui a été liquidée à compter du 1er novembre 1964 ne résultait pas d'un fait personnel imputable à ce dernier alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aucune circonstance ne l'empêchait de se prévaloir dès la date de liquidation de sa pension des stipulations de l'article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne, les premiers juges ont inexactement qualifié les faits qui leur étaient ainsi soumis ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours, le jugement en date du 1er juillet 2004 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en date du 23 décembre 2002 refusant le bénéfice de la bonification et a accordé la révision de celle ;ci avec effet rétroactif à compter du 1er septembre 1964 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821 ;2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant que, sauf disposition législative contraire, il est procédé au calcul de la pension d'un fonctionnaire en fonction des circonstances de fait et des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette pension lui est concédée ; qu'à la date du 1er novembre 1964 à partir de laquelle la pension militaire de retraite de M. Y lui a été concédée, les dispositions du 2° de l'article 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue du décret du 23 mai 1951, auxquelles renvoie l'article 13 du même code pour la détermination des services pris en compte dans la constitution du droit à une pension militaire d'ancienneté, prévoyaient que les services effectués peuvent être bonifiés comme suit : « les femmes fonctionnaires obtiennent une bonification de service d'une année pour chacun des enfants qu'elles ont eus » ; que la loi du 26 décembre 1964 a abrogé ces dispositions à l'égard des fonctionnaires et des militaires dont les droits à pension résultant de la radiation des cadres se sont ouverts après son entrée en vigueur, soit le 1er décembre 1964, et n'a pas ouvert la possibilité aux personnes dont la retraite a été concédée avant sa date d'entrée en vigueur de se prévaloir, après cette date, des dispositions de l'article L. 12 du nouveau code pour demander la révision de leur pension ; que, dans ces conditions, les droits éventuels à bonification d'ancienneté pour enfants dont M. Y était susceptible de bénéficier, doivent être appréciées non en fonction des dispositions de cet article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction actuellement en vigueur qu'il invoque, mais au regard des dispositions précitées de l'article 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue du décret du 23 mai 1951 et en fonction des circonstances de fait et des autres dispositions en vigueur à la date du 1er novembre 1964 à partir de laquelle sa pension de retraite lui a été concédée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne signé à Rome le 25 mars 1957 : « Chaque Etat membre assure au cours de la première étape et maintient par la suite l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail » ; que, toutefois, le protocole n° 2 sur l'article 119 du traité annexé au traité instituant la Communauté européenne dans sa version issue du traité signé à Maastricht le 7 février 1992 stipule que « aux fins de l'article 119, des prestations en vertu d'un régime professionnel de sécurité sociale ne seront pas considérées comme rémunération si et dans la mesure où elles peuvent être attribuées aux périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national » ; que la Cour de justice des Communautés européennes a estimé dans son arrêt du 28 septembre 1994 (C ;7/93 Beune) que les stipulations de ce protocole s'appliquent au versement de prestations dues par un régime de pension de la nature de celles en litige dans la présente affaire et attribuées aux périodes d'emploi comprises entre le 8 avril 1976 et le 17 mai 1990, la Cour ayant, dans son arrêt du 8 avril 1976 dans l'affaire 43 ;75, jugé que « sauf en ce qui concerne les travailleurs qui ont introduit antérieurement un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente, l'effet direct de l'article 119 ne peut être invoqué à l'appui de revendications relatives à des périodes de rémunération antérieures à la date du présent arrêt » ; que ces limitations dans le temps de l'effet direct de l'article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne font obstacle à ce que soit satisfaite une demande se rapportant à un droit à pension ouvert pendant la période qui va du 1er janvier 1962 au 17 mai 1990 et se rapportant à des périodes d'emploi antérieures à cette dernière date ; qu'il en résulte que la pension versée à M. Y, qui lui a été concédée à compter du 1er novembre 1964 et se rapporte à des périodes d'emploi toutes antérieures au 17 mai 1990, ne peut se voir appliquer le principe d'égalité des rémunérations au sens des stipulations précitées de l'article 119 du traité de Rome ; que, dès lors, l'intéressé, qui n'avait pas introduit de demande avant le 17 mai 1990, ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations pour faire obstacle à l'application du 2° de l'article 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite en ce qu'il réserve « aux femmes fonctionnaires » le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an pour chaque enfant qu'elles ont eu ; que, par suite, les conclusions de la demande de M. Y tendant à l'annulation de la décision en date du 23 décembre 2002 refusant de réviser sa pension pour tenir compte des enfants qu'il a eus doivent être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 1er juillet 2004 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Y devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, au ministre de la défense et à M. Fernand Y.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 271780
Date de la décision : 17/06/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2005, n° 271780
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mme Catherine de Salins
Rapporteur public ?: M. Devys

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:271780.20050617
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