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20/05/2005 | FRANCE | N°265283

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 20 mai 2005, 265283


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 mars 2004, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 26 janvier 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Mustapha X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondame...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 mars 2004, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le PREFET DE L'EURE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 février 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 26 janvier 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Mustapha X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. Mustapha X,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour annuler l'arrêté du PREFET DE L'EURE décidant la reconduite à la frontière de M. X, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce que l'intéressé établissait qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué et que, devant ainsi bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il ne pouvait faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ;

Considérant, toutefois, que les documents produits par M. X, notamment pour les années 1995 à 1997, pour lesquelles l'intéressé produit des enveloppes à son nom, comportant deux adresses différentes, ainsi qu'une attestation d'hébergement pour la période du 1er janvier au 16 septembre 1997 qui porte la mention d'une troisième adresse, ne permettent pas d'établir la présence sur le territoire français de M. X depuis plus de dix ans ; que les attestations de proches produites par l'intéressé, dépourvues de précisions, ne peuvent être regardées comme constituant des justificatifs probants et suffisants ; que, par suite le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en vigueur à la date attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le PREFET DE L'EURE a refusé à M. X, de nationalité turque, par une décision en date du 24 novembre 2003, notifiée à l'intéressé le 13 décembre 2003, la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, M. X, qui s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification de cette décision, se trouvait dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger sur le fondement des dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X a été signé par M. Stéphane Guyon, secrétaire général de la préfecture de l'Eure ; que, par un arrêté en date du 26 juillet 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département le 29 juillet 2002, le PREFET DE L'EURE a donné à M. Guyon délégation à l'effet de signer les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué n'aurait pas été signé, ou l'aurait été par une personne incompétente, manque en fait ;

Considérant que si l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée prévoit la consultation de la commission du titre de séjour lorsque le préfet envisage de refuser de délivrer une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis, ce dernier n'est toutefois tenu de saisir cette commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions énoncées à cet article et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X ne remplissait pas les conditions énoncées au 3° de l'article 12 bis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le PREFET DE L'EURE, en lui refusant un titre de séjour le 24 novembre 2003, aurait méconnu les dispositions des articles 12 bis et 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut qu'être écarté ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il a noué de nombreuses relations en France et qu'il vit maritalement avec une Française, il ressort des pièces du dossier que ce concubinage date du mois de novembre 2003 ; qu'ainsi, le PREFET DE L'EURE n'a pas, en décidant la reconduite à la frontière de M. X, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

Considérant que si M. X fait valoir que, d'origine kurde, il a été incarcéré pendant trois ans en raison de sa lutte en faveur du peuple kurde et que plusieurs membres de sa famille ont été interpellés ou exécutés, l'intéressé dont les nombreuses demandes d'admission au statut de réfugiés ont d'ailleurs été rejetées n'apporte aucune précision au soutien de ses allégations ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant la Turquie comme pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'EURE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 26 janvier 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X à destination de la Turquie ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. X :

Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'ainsi, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCP Coutard-Mayer, avocat de M. X, demande au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens, ainsi que la somme demandée en première instance par M. X ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 9 février 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rouen et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'EURE, à M. Mustapha X, et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 265283
Date de la décision : 20/05/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 2005, n° 265283
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:265283.20050520
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