Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Angelo X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 13 mai 2003 accordant son extradition aux autorités italiennes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros à la SCP Defrenois et Levis, sous réserve qu'elle renonce en contrepartie à percevoir la part contributive de l'Etat conformément à l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Sophie Liéber, Auditeur,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de M. CUCCU,
- les conclusions de Mme Isabelle de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant d'une part, que le décret du 13 mai 2003 accordant aux autorités italiennes l'extradition de M. X vise la demande d'extradition et fait mention de la peine d'un an de réclusion et de 4 000 000 lires d'amende, prononcée le 18 mars 1996 par la cour d'appel de Milan pour détention de cocaïne, et de celle de 8 mois d'emprisonnement et de 10 000 000 lires d'amende, prononcée le 28 octobre 1996 pour infractions fiscales, par le tribunal d'Ascoli Piceno, auxquelles l'intéressé a été condamné ; qu'il vise l'échange de lettres des 19 mars et 4 avril 2003 effectué en application de la réserve émise lors de la ratification de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 par le gouvernement français, à propos de l'article 5 de cette convention, selon laquelle, en matière d'infractions fiscales, l'extradition est accordée « s'il en a été décidé par simple échange de lettres dans chaque cas particulier » ; que le même décret constate que les faits pour lesquels l'extradition est accordée, répondent aux exigences posées par l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, qu'ils sont punissables en droit français et ne sont pas prescrits ; que le décret relève que ces faits n'ont pas un caractère politique et qu'il n'apparaît pas que la demande d'extradition, motivée par une infraction de droit commun, ait été présentée aux fins de poursuivre ou de punir l'intéressé pour des considérations de race, de religion, de nationalité, ou d'opinions politiques ou que sa situation risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ; qu'ainsi ledit décret, qui n'avait pas à préciser la nature des infractions fiscales pour lesquelles M. X a fait l'objet d'une condamnation pénale, satisfait aux exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant d'autre part, que la demande d'extradition des autorités italiennes était accompagnée, conformément aux prescriptions du a) du 2 de l'article 12 de la convention précitée, de l'expédition authentique de l'ordonnance d'unification des peines susmentionnée ; qu'il ne résulte d'aucune stipulation de la convention européenne d'extradition, ni d'aucun autre texte que les autorités italiennes auraient dû également transmettre au gouvernement français les originaux ou les expéditions authentiques des décisions de justice portant condamnation de M. X et que les traductions fournies auraient dû être revêtues d'un timbre, d'une signature ou d'un sceau garantissant leur authenticité ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant que le requérant fait valoir que le décret attaqué serait entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il accorde l'extradition pour des peines prescrites en droit français ; qu'aux termes de l'article 10 de la convention susmentionnée : « L'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la partie requérante soit de la partie requise » ; qu'en vertu de l'article 133-3 du code pénal : « Les peines prononcées pour un délit se prescrivent par cinq années révolues à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive » ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 mars 1927, cette loi s'applique « aux points qui n'auraient pas été réglementés par les traités » ; que l'article 10 précité de la convention européenne d'extradition ne précisant pas la date à laquelle il y a lieu de se placer pour apprécier la prescription de l'action ou de la peine, les dispositions applicables sur ce point sont celles du 5° de l'article 5 de la loi du 10 mars 1927, selon lesquelles la prescription de la peine s'apprécie à la date de l'arrestation de l'individu réclamé ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, dont les condamnations par la justice italienne sont devenues irrévocables le 21 mars 1997, a été placé sous écrou extraditionnel le 28 février 2002 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon ; que, dès lors, en vertu des dispositions précitées, la prescription des peines pour lesquelles l'extradition de ce dernier a été demandée, n'était pas acquise en droit français à la date de son arrestation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 10 mai 2003 accordant son extradition aux autorités italiennes ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCP Defrenois-Levis demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCP Defrenois-Levis, à M. Angelo X et au garde des sceaux, ministre de la justice.