Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre 2002 et 23 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES, dont le siège est ... (06000), représentée par son président-directeur général en exercice ; la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 27 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé, à la demande de la Y... Santa-Maria et de la Fondation Lenval, le jugement du 22 octobre 1999 du tribunal administratif de Nice annulant la décision du ministre du travail et des affaires sociales en date du 17 mars 1997, en tant que cette décision a autorisé l'établissement précité à regrouper, sur le site de la Fondation Lenval, 30 lits d'obstétrique au lieu de 25, et a, d'autre part, rejeté l'appel incident formé par la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique, notamment l'article L. 712-17-1 dans sa rédaction issue de la loi n° 94-43 du 19 janvier 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Cossa, avocat de la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la Y... Santa-Maria et de la Fondation Lenval,
- les conclusions de Mme X... de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 27 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé un jugement du tribunal administratif de Nice censurant la décision du ministre du travail et des affaires sociales en date du 17 mars 1997 autorisant la Y... Santa-Maria à regrouper trente lits d'obstétrique, au lieu de vingt-cinq lits, et a rejeté comme étant irrecevables les conclusions incidentes de la société requérante dirigées contre ce jugement, en tant qu'il n'avait pas annulé dans sa totalité l'autorisation litigieuse ;
Considérant qu'en estimant que, ce faisant, la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES soulevait un litige distinct de celui soulevé par la Fondation Lenval qui, en sa qualité d'appelant principal, contestait l'annulation partielle elle-même prononcée par les premiers juges, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur les appels principaux de la Fondation Lenval et de la Y... Santa-Maria :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.712-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction qui résulte de l'article 32 de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 : ... Par dérogation au 1° de l'article L. 712-9, l'autorisation de regroupement ou de conversion peut être accordée à des établissements situés dans une zone sanitaire dont les moyens excèdent les besoins de la population tels qu'ils sont pris en compte par la carte sanitaire. Cette autorisation, outre les conditions prévues aux 2° et 3° de l'article L. 712-9, est subordonnée aux conditions suivantes : 1°) Chaque opération de regroupement ou de conversion, même simultanée, doit être assortie d'une réduction du nombre des lits ou des places autorisés. Cette réduction tient compte des excédents de moyens constatés dans la zone considérée ; ... Le regroupement ou la conversion est subordonné, s'il y a lieu, au retrait de l'autorisation relative à la partie des installations ou activités de soins insuffisamment occupées, utilisées ou mises en oeuvre dans les conditions d'appréciation prévues à l'article L. 712-17-1. Dans ce cas, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation ou le ministre chargé de la santé, dans le cas mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 712-16, informe le titulaire de l'autorisation de son intention de procéder à son retrait partiel dans le respect d'une procédure contradictoire définie par voie réglementaire... ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 712-17-1 du même code, dans sa rédaction introduite par l'article 37 de l'ordonnance précitée : Les critères d'appréciation et de calcul des taux d'occupation des installations, d'utilisation des équipements ou du niveau des activités de soins, ainsi que la période mentionnée au premier alinéa, sont fixés par voie réglementaire. Cette période peut varier en fonction de la nature des installations, équipements ou activités de soins, sans pouvoir être inférieure à deux ans. Il est tenu compte, pour la période antérieure à la date de publication de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, des taux d'occupation, niveau d'utilisation, niveau d'activité et capacité publiés dans les statistiques officielles du ministère des affaires sociales prenant en compte les déclarations faites par les établissements ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le regroupement est subordonné, le cas échéant, au retrait de l'autorisation relative à la partie des installations insuffisamment occupées selon des conditions d'appréciation, que le deuxième alinéa de l'article L. 712-17-1 précité confie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser ; qu'un tel décret est intervenu postérieurement à la date de la décision attaquée ; que, par suite, les critères d'appréciation et de calcul des capacités excédentaires mentionnées à cet alinéa n'étant pas définis, les dispositions législatives susmentionnées étaient à cette date privées d'effet ;
Considérant que, si la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES soutient, dans ses écritures en défense, que le décret n° 95-121 du 31 janvier 1995, codifié à l'article D. 712-13-2 du code de la santé publique, permettait à l'administration d'imposer à la Fondation Lenval une réduction de moyens lors du regroupement envisagé, ce décret, qui n'est pas un décret en Conseil d'Etat, a été pris non pour l'application de l'article L. 712-17-1 du code de la santé publique mais pour celle des dispositions du 1er alinéa de l'article L. 712-11 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance précitée du 24 août 1996, qui tient compte des excédents constatés dans la zone sanitaire concernée ; que, par suite, les règles instituées par ce décret ne trouvaient pas à s'appliquer à la présente espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur la sous-occupation des installations de la Polyclinique, évaluée sur la base des critères résultant du deuxième alinéa de l'article L. 712-17-1, pour annuler la décision du ministre du travail et des affaires sociales en date du 17 mars 1997 en tant qu'elle autorisait le regroupement demandé pour trente lits au lieu de vingt-cinq ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES ;
Considérant que l'omission dans la décision ministérielle litigieuse de certains visas, ainsi que le fait que celle-ci n'ait pas repris les motifs mentionnés dans l'arrêté préfectoral du 24 juin1996, sont sans incidence sur la légalité de cette décision ;
Considérant que cette décision ministérielle énonce les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est fondée ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'autorisation contestée répondait aux besoins de la population au sens du 1° de l'article L. 712-9 du code de la santé publique, tels qu'ils étaient définis par la carte sanitaire, dans la mesure où la situation se caractérisait, à la date de la décision attaquée, par un déficit en lits de gynécologie-obstétrique, par suite de l'intervention d'un arrêté préfectoral constatant la caducité de l'autorisation délivrée au centre universitaire de Nice pour des lits de même nature ; que, par suite, le ministre du travail et des affaires sociales était fondé à accorder l'autorisation sur le fondement de l'article L. 712-9 du code de la santé publique, sans qu'il ait été besoin de mettre en oeuvre la procédure de dérogation prévue pour les regroupements de lits dans une zone dont les moyens excèdent les besoins de la population, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 712-11 du même code ;
Considérant que si la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES soutient que la demande de regroupement litigieuse n'était pas compatible avec les objectifs du schéma régional d'organisation sanitaire et social, ainsi que de l'annexe de ce schéma, il est constant que ce schéma prévoyait la création d'un seul centre mère-enfant sur le site de la Fondation Lenval, et qu'il existait, à la date de la demande de regroupement contesté, deux centres de ce type à la Fondation Lenval et au centre hospitalier universitaire de Nice ; que si l'annexe au schéma sanitaire envisageait le regroupement de seulement vingt-deux lits de la Y... Santa-Maria vers un autre établissement, le fait que la décision litigieuse porte sur trente lits, ne suffit pas à la faire regarder comme incompatible avec les objectifs de cette annexe ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 2° de l'article L. 712-9 doit être écarté ;
Considérant que si la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES soutient que l'établissement d'accueil ne satisfait pas aux conditions techniques de fonctionnement mentionnées au 3° de l'article L. 712-9 précité et, en l'espèce, aux conditions en matière de personnel, un tel moyen manque en fait ;
Considérant que la circonstance que, par un arrêté en date du 30 octobre 1995, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur n'ait autorisé, au vu d'une situation de la carte sanitaire d'ailleurs différente, que le regroupement de seize lits d'obstétrique sur le site de la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES, ne permet pas, à elle-seule, de regarder la décision litigieuse comme méconnaissant le principe d'égalité ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Fondation Lenval et la Y... Santa-Maria sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé partiellement la décision du ministre des affaires sociales du 17 mars 1997 en tant qu'elle autorisait le regroupement de trente lits au lieu de vingt-cinq ;
Sur l'appel incident de la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la Fondation Lenval ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les moyens invoqués par la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES à l'appui de son appel incident, qui sont identiques à ceux qui viennent d'être examinés, doivent être écartés ; qu'ainsi, l'appel incident de la clinique ne peut qu'être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, la somme que la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES une somme de 3 500 euros au titre des frais exposés, tant en appel que devant le Conseil d'Etat par la Fondation Lenval et par la Y... Santa-Maria et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 27 juin 2002 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 22 octobre 1999 est annulé, en tant qu'il a annulé la décision du ministre du travail et des affaires sociales du 17 mars 1997, en tant qu'elle autorise sur le site de la Fondation Lenval le regroupement de trente lits de gynécologie-obstétrique au lieu de vingt-cinq.
Article 3 : Les conclusions de la demande de la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES dirigées contre la décision du ministre du travail et des affaires sociales du 17 mars 1997, en tant qu'elle autorise sur le site de la Fondation Lenval le regroupement de trente lits de gynécologie-obstétrique au lieu de vingt-cinq sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions incidentes de la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES devant la cour administrative d'appel ainsi que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES versera à la Fondation Lenval et à la Y... Santa-Maria la somme globale de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CLINIQUE SAINT-GEORGES, à la Fondation Lenval, à la Y... Santa-Maria et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.