Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 3 octobre 2003, présentée par M. Jean-Luc X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 26 mars 2003, par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident, dont il a été victime le 14 janvier 2003, ensemble la décision implicite résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le recours gracieux, dont il l'avait saisi le 10 juin 2003 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice :
Considérant que, sauf le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours dudit délai ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 26 mars 2003 a été notifiée à M. X le 11 avril 2003 ; que celui-ci a formé, le 10 juin 2003, soit dans le délai de recours contentieux ouvert contre ladite décision, un recours gracieux, qui n'a été rejeté que par une décision implicite acquise le 10 août 2003 ; que la requête de M. X, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 octobre 2003, soit dans le délai de deux mois à compter du rejet du recours gracieux formé contre la décision du 26 mars 2003, n'était, dès lors, pas tardive ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée à ladite requête par le garde des sceaux, ministre de la justice, doit être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : 1° En activité... ; que selon l'article 68 : les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après. ; qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : Le fonctionnaire en activité a droit : ...2° à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient ... d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, applicables aux magistrats, que tout accident survenu lorsqu'un agent public est en mission, doit être regardé comme un accident de service, alors même qu'il serait survenu à l'occasion d'un acte de la vie courante, sauf s'il a eu lieu lors d'une interruption de cette mission pour des motifs personnels ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, magistrat, chef de l'inspection des services pénitentiaires, en mission les 13 et 14 janvier 2003 au centre de détention de Mauzac (Dordogne), qui avait passé la nuit dans un hôtel sis à Lalinde, localité voisine de ce centre, a, dans la matinée du 14 janvier 2003, glissé dans la salle de bain de sa chambre d'hôtel et s'est blessé en heurtant le bord de la baignoire ; que la circonstance que cet accident soit survenu à l'occasion d'un acte de la vie courante n'était pas de nature à lui faire perdre le caractère d'accident de service ; que, dès lors, M. X est fondé à soutenir qu'en refusant de reconnaître comme accident de service l'accident dont il a été victime le garde des sceaux, ministre de la justice, a fait une inexacte application des règles énoncées ci-dessus ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 26 mars 2003, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. X sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Luc X et au garde des sceaux, ministre de la justice.