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28/07/2004 | FRANCE | N°256493

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 28 juillet 2004, 256493


Vu la requête introductive d'instance, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai 2003, 15 décembre 2003 et 16 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mlle Kani X, demeurant chez ... ; Mlle X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2003 par lequel le préfet des Yvelines a dé

cidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour ...

Vu la requête introductive d'instance, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai 2003, 15 décembre 2003 et 16 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mlle Kani X, demeurant chez ... ; Mlle X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2003 par lequel le préfet des Yvelines a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le Mali comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à payer à la SCP Bore et Xavier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de la SCP Boré, de Salve de Bruneton, avocat de Mlle X,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, contrairement à ce que soutient Mlle X, la minute du jugement attaqué est revêtue de la signature du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles et de celle du greffier ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-8 du code de justice administrative manque en fait ;

Considérant qu'il ressort des mentions du jugement en date du 26 mars 2003 que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a répondu à l'exception de nationalité française soulevée par Mlle X en indiquant les éléments de fait et de droit fondant son refus de poser la question préjudicielle de la nationalité de l'intéressée ; que, dans ces conditions, l'intéressée n'est fondée à soutenir ni que le jugement attaqué serait irrégulier parce qu'il n'aurait pas répondu à un moyen contenu dans sa demande devant le juge de première instance, ni qu'il serait entaché d'une insuffisance de motivation ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la française :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité malienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 27 mai 2002, de la décision du préfet des Yvelines du 21 mai 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, devant le tribunal administratif de Versailles, Mlle X n'a pas contesté la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 13 février 2003 ; que, par suite, si l'intéressée invoque devant le Conseil d'Etat le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté, cette prétention, fondée sur une cause juridique distincte de celles sur lesquelles reposaient les moyens soulevés en première instance, constituent une demande nouvelle, présentée pour la première fois en appel et, par suite, non recevable ;

Sur l'exception de nationalité :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française incombe a celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française et que l'exception de nationalité ne constitue, en vertu de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier d'une part, que les parents de Mlle X aient conservé la nationalité française après l'accession à l'indépendance du Mali et d'autre part, qu'ils aient été réintégré dans la nationalité française ; que, par suite, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a pu, sans commettre d'erreur de droit, ni entacher sa décision d'incompétence, juger qu'aucune question sérieuse quant à la nationalité de la requérante ne lui était soumise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement du 26 mars 2003 serait entaché d'erreur de droit et d'incompétence pour avoir tranché une question préjudicielle ressortant de la compétence du juge judiciaire, doit être écarté ;

Sur les autres moyens :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X n'a présenté aucune demande d'asile territorial ; qu'elle ne peut, par conséquent, se prévaloir des dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952, lesquelles ne concernent que les demandes d'asile territorial, à l'encontre de l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où vit notamment son enfant ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour de Mlle X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet des Yvelines n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que si Mlle X soutient qu'elle craint des poursuites et des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne fournit aucun document probant à l'appui de ses allégations ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de Mlle X n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à Mlle X un titre de séjour sont irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer la somme que la SCP Bore et Xavier, avocat de Mlle X, demande en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, pour les frais que les requérants auraient exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mlle X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Kani X, au préfet des Yvelines et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 256493
Date de la décision : 28/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 256493
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Tuot
Rapporteur public ?: M. Keller
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:256493.20040728
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