Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 janvier et 2 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Yin X épouse Y, demeurant ... Y, ... ; Mme X épouse Y demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 22 décembre 2000 par laquelle la commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 octobre 1995 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la commission des recours des réfugiés ;
3°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 10 000 F (1 524 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Salesse, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de Mme X épouse Y,
- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952, la commission des recours des réfugiés est notamment composée d'un représentant du conseil de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; que la commission ne statuant pas sur des contestations à caractère civil ni en matière pénale, le moyen tiré de l'incompatibilité de ces dispositions législatives avec les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites en séance publique ne permettent de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes actuelles et personnelles alléguées, la commission des recours des réfugiés, qui devait se prononcer sur les conclusions présentées par la requérante au titre des craintes personnelles qu'elle alléguait, s'est livrée, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des faits de la cause qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 2 du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés modifié par le paragraphe 2 de l'article 1er du protocole signé le 31 janvier 1967 à New York, la qualité de réfugié est notamment reconnue à toute personne (...) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ; que les principes généraux du droit applicables aux réfugiés, résultant notamment des stipulations de la convention de Genève, exigent, en vue d'assurer pleinement au réfugié la protection prévue par ladite convention, que la même qualité soit reconnue à la personne de la même nationalité qui, à la date à laquelle le réfugié a demandé son admission au statut, était unie à lui par le mariage ou entretenait avec lui une liaison suffisamment stable et continue pour former avec lui une famille, ainsi qu'aux enfants de ce réfugié qui étaient mineurs au moment de leur entrée en France ; que si ces mêmes principes n'imposent pas que le même statut soit reconnu à l'ensemble des personnes qui se trouvent, ou se trouvaient dans le pays d'origine, à la charge du réfugié, ils peuvent cependant être invoqués par un ascendant incapable, dépendant matériellement et moralement d'un réfugié à la double condition que cette situation particulière de dépendance ait existé dans le pays d'origine du réfugié avant l'arrivée de celui-ci en France et qu'elle ait donné lieu à une mesure de tutelle plaçant l'intéressé sous la responsabilité du réfugié ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commission des recours, après avoir relevé que Mme X épouse Y, de nationalité cambodgienne, était entrée en France en janvier 1995 à l'âge de 75 ans afin d'y rejoindre ses fils qui avaient fui le Cambodge en 1975 et avaient obtenu depuis le statut de réfugié en France, a pu sans erreur de droit se fonder sur la circonstance que l'intéressée n'était pas dans une situation de dépendance à l'égard de ses fils avant l'arrivée de ces derniers en France pour rejeter le recours dont elle était saisie ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 31 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente espèce, la partie perdante, la somme que demande Mme X épouse Y au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X épouse Y n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la commission des recours en date du 22 décembre 2000 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme X épouse Y est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Yin X épouse Y, à l'office français de protection des réfugiés et apatrides et au ministre des affaires étrangères.