La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2004 | FRANCE | N°253908

France | France, Conseil d'État, 9eme sous-section jugeant seule, 15 juillet 2004, 253908


Vu la requête, enregistrée le 5 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Michel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a refusé de réviser la pension de retraite qui lui a été concédée afin que lui soit accordée la bonification d'ancienneté d'un an par enfant prévue par le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de prescrire à l'administr

ation de lui accorder le bénéfice de cette bonification d'ancienneté du chef de ses...

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Michel X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a refusé de réviser la pension de retraite qui lui a été concédée afin que lui soit accordée la bonification d'ancienneté d'un an par enfant prévue par le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de prescrire à l'administration de lui accorder le bénéfice de cette bonification d'ancienneté du chef de ses deux enfants dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales :

Considérant que M. X demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande qu'il a formé le 27 décembre 2001 tendant à la révision de sa pension civile afin que lui soit reconnu le bénéfice de la bonification d'ancienneté d'un an par enfant en application du b) de l'article 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que cette demande doit être regardée comme implicitement rejetée à la date du 27 février 2002, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que deux réponses d'attente aient été adressées par l'administration au requérant ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande de révision de sa pension sont recevables ;

Sur le fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne : 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail ; que les pensions servies par le régime français de retraite des fonctionnaires entrent dans le champ d'application de ces stipulations ; que, nonobstant les stipulations de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, le principe de l'égalité des rémunérations s'oppose à ce qu'une bonification, pour le calcul d'une pension de retraite, accordée aux personnes qui ont assuré l'éducation de leurs enfants, soit réservée aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l'éducation de leurs enfants seraient exclus du bénéfice de cette mesure ;

Considérant que le b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable à la présente affaire, institue, pour le calcul de la pension, une bonification d'ancienneté d'un an par enfant dont il réserve le bénéfice aux femmes fonctionnaires ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'une telle disposition est incompatible avec le principe de l'égalité des rémunérations tel qu'il est affirmé par le traité instituant la Communauté européenne et par l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au Traité sur l'Union européenne ; qu'il suit de là que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a refusé à M. X le bénéfice de la bonification d'ancienneté prévue par ce texte, alors même qu'il aurait assuré l'éducation de ses deux enfants, est entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. X est fondé à demander pour ce motif l'annulation de cette décision ;

Considérant que M. X demande qu'il soit prescrit au ministre compétent de le faire bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant que le contentieux des pensions civiles et militaires de retraite est un contentieux de pleine juridiction, qu'il appartient, dès lors, au juge saisi de se prononcer lui-même sur les droits des intéressés, sauf à renvoyer à l'administration compétente, et sous son autorité, le règlement de tel aspect du litige dans des conditions précises qu'il lui appartient de lui fixer ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X a, comme il le fait valoir, assuré la charge et l'éducation de ses deux enfants ; que dans la mesure où sont maintenues des dispositions plus favorables aux fonctionnaires de sexe féminin ayant assuré l'éducation de leurs enfants, en ce qui concerne la bonification d'ancienneté retenue pour le calcul de la pension civile de retraite, M. X a droit, ainsi qu'il a été dit plus haut, au bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, alors applicable, du chef de ses deux enfants ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de modifier, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 750 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a refusé de réviser la pension de M. X afin que lui soit accordée la bonification d'ancienneté d'un an par enfant est annulée.

Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie modifiera, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, les conditions dans lesquelles la pension de M. X lui a été concédée et revalorisera rétroactivement cette pension.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 750 euros à M. X en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Michel X, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 253908
Date de la décision : 15/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 2004, n° 253908
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:253908.20040715
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award