Vu le recours, enregistré le 22 août 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, a, sur appel de la société Alitalia, réformé partiellement le jugement du 3 juillet 1997 du tribunal administratif de Paris et accordé à la société la décharge du complément de taxe d'apprentissage auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;
Vu la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Julie Burguburu, Auditeur,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société Alitalia,
- les conclusions de M. Guillaume Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la succursale française de la société italienne de navigation aérienne Alitalia a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991 ; qu'à la suite de ce contrôle, cette société a été assujettie à la taxe d'apprentissage au titre des années 1990 et 1991 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit contre l'arrêt en date du 28 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a déchargé la société Alitalia des impositions correspondantes ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par la société Alitalia :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision de dégrèvement intervenue en faveur de la société Alitalia postérieurement à l'introduction du pourvoi formé par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'a été prise, contrairement à ce qu'affirme la société, qu'en vue d'assurer l'exécution de l'arrêt du 28 mai 2002 de la cour administrative d'appel de Paris prononçant la décharge des impositions contestées et ne peut, ainsi, être regardée comme constituant un acquiescement aux prétentions de la société ; que par suite, les conclusions à fin de non-lieu présentées par celle-ci ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 224 du code général des impôts : Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage (...) ; qu'aux termes de l'article 225 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : La taxe est assise sur les salaires, selon les bases et modalités prévues aux articles 231 et suivants. ; qu'aux termes du 1 de l'article 231 du même code, relatif à la taxe sur les salaires : les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments (...) ; qu'en vertu de ces dispositions, la taxe est due par tout employeur établi en France à raison des rémunérations qu'il verse à son personnel salarié travaillant en France ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et qu'il n'est pas contesté que la succursale en France de la société Alitalia, doit être regardée comme un employeur établi en France au sens des dispositions du 1 de l'article 231 précité ; que la circonstance que certains des personnels employés par la succursale sont détachés en France par le siège social établi à l'étranger ne fait pas obstacle à ce que leurs rémunérations soient incluses dans l'assiette de la taxe ; que, dans ces conditions, la cour administrative d'appel de Paris, en jugeant que les salaires versés par la succursale à ces personnels, qui travaillaient en France en exécution de contrats de détachement d'une durée d'un an renouvelable, ne devaient pas être inclus dans l'assiette de la taxe d'apprentissage en litige, a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la cour a accordé, pour ce motif, à la société Alitalia la décharge des impositions à la taxe d'apprentissage à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1990 et 1991 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond ;
En ce qui concerne le principe de l'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du 2° du 2 de l'article 224 du code général des impôts, la taxe d'apprentissage est due par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 (...) ; qu'aux termes de l'article 246 du même code : les bénéfices réalisés par les entreprises de navigation maritime ou aérienne établies à l'étranger et provenant de l'exploitation de navires ou d'aéronefs étrangers sont exonérés d'impôts à condition qu'une exemption réciproque et équivalente soit accordée aux entreprises françaises de même nature ; que, d'autre part, aux termes de l'article 7 de la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958 : Les bénéfices provenant de l'exploitation d'entreprises de navigation maritime ou aérienne ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve le siège de la direction effective de l'entreprise, à condition que les navires ou aéronefs battent pavillon ou possèdent la nationalité dudit Etat ; que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
Considérant, en premier lieu, que la société Alitalia est passible de l'impôt sur les sociétés en application des dispositions de l'article 206 du code général des impôts, et par suite, redevable de la taxe d'apprentissage en application des dispositions du 2° du 2 de l'article 224 précitées ; que si elle est exonérée de l'impôt sur les bénéfices qu'elle réalise en France en vertu des stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958 précitées, aucune stipulation de cette convention ne vise la taxe d'apprentissage ; qu'ainsi, bien qu'exonérée de l'impôt sur les sociétés, elle reste dans son champ d'application et par suite redevable de la taxe d'apprentissage ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la société demande, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'interprétation administrative contenue dans l'instruction administrative du 1er juin 1976 reprise dans la documentation de base n° 4 L 2111, aux termes de laquelle : Il est admis de ne pas réclamer la taxe d'apprentissage aux sociétés et collectivités passibles de l'impôt sur les sociétés mais qui en sont intégralement exonérées, cette instruction mentionne qu'en définitive, l'exonération de fait est applicable aux collectivités énumérées par l'article 207-1 (1° à 2° bis, et 4° à 8°) du code général des impôts, dont elle précise la liste et au nombre desquelles ne figurent pas les entreprises de navigation maritime ou aérienne ; qu'ainsi la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, à l'encontre du principe de son assujettissement à la taxe professionnelle, d'une instruction administrative dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 22 bis de la convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958, introduit dans cette convention par un avenant en date du 6 décembre 1965 : Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation. ; que le fait d'assujettir à la taxe d'apprentissage un employeur établi en France, quelle que soit sa nationalité, ne peut être regardé comme constituant une discrimination au regard des stipulations précitées de la convention fiscale franco-italienne ; qu'il en est de même au regard des stipulations des articles 52 et 53 du Traité instituant la Communauté européenne, dans leur rédaction alors applicable ;
En ce qui concerne l'assiette de l'imposition :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus les personnels détachés par le siège social de la société Alitalia étaient employés par la succursale française qui leur versait leurs salaires pour une période d'au moins un an, renouvelable une fois ; qu'ils exerçaient leur activité dans les locaux de l'établissement parisien de la société ; qu'ainsi, leurs rémunérations devaient être inclues dans l'assiette de la taxe d'apprentissage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Alitalia n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Alitalia demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1, 2 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 28 mai 2002 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Alitalia devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 juillet 1997 rejetant sa demande en décharge de la taxe d'apprentissage à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1990 et 1991, à raison de sa succursale en France, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Alitalia au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la société Alitalia.