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05/07/2004 | FRANCE | N°259287

France | France, Conseil d'État, 10eme sous-section jugeant seule, 05 juillet 2004, 259287


Vu la requête, enregistrée le 7 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Fatimata Y, épouse Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y, épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la conven

tion européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordo...

Vu la requête, enregistrée le 7 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Fatimata Y, épouse Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y, épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Laurence Herry, Auditeur,

- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel du PREFET DE POLICE :

Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme Y, épouse Y :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 mai 2003 a été notifié au PREFET DE POLICE par lettre recommandée avec accusé de réception le 7 juillet 2003 ; que la requête, enregistrée par télécopie le 7 août 2003 et régularisée le 8 août 2003, a été déposée dans le délai d'un mois du recours contentieux fixé à l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que la référence, dans sa requête, d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 19 août 1998 ne concernant pas Mme Y, épouse Y ne constitue qu'une erreur de plume sans influence sur sa recevabilité ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y, épouse Y, ressortissante malienne née en 1978, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 3 mai 2003, de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme Y, épouse Y a fait valoir qu'elle est entrée en France le 20 septembre 1999 ; qu'elle est mariée depuis 1993 avec un ressortissant malien entré en France depuis 1999 et titulaire d'un titre de séjour étudiant et qu'ils ont eu un enfant né en octobre 2001 ; que cependant, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la brièveté de la vie commune des époux Y en France et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y, épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y, épouse Y ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que si à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme Y, épouse Y fait valoir que la mesure de reconduite à la frontière l'empêche de poursuivre ses études tout en travaillant afin de subvenir aux besoins de sa famille, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 30 mai 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 mars 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y, épouse Y ;

Sur les conclusions incidentes présentées par Mme Y, épouse Y :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ; que faute pour Mme Y, épouse Y d'avoir présenté une demande préalable à l'administration, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts sont irrecevables ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 30 mai 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris et le recours incident de Mme Y, épouse Y devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Fatimata Y, épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 10eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 259287
Date de la décision : 05/07/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2004, n° 259287
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mlle Laurence Herry
Rapporteur public ?: M. Donnat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:259287.20040705
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