Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 février 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y..., épouse Y ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y..., épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Laurence Herry, Auditeur,
- les conclusions de M. X... Donnat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêté (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., épouse Y, de nationalité azerbaïdjanaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 24 avril 2001 de l'arrêté du même jour du PREFET DE POLICE lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; quelle se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que si pour annuler l'arrêté en date du 14 novembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y..., épouse Y, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que le préfet de police n'avait pas examiné la réalité des risques allégués par l'intéressée en cas de retour en Azerbaïdjan au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est en tout état de cause inopérant à l'encontre d'une décision qui ne désigne aucun pays de renvoi ; qu'il suit de là que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, s'est fondé à tort sur ce moyen pour annuler le jugement ;
Considérant qu'il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y..., épouse Y devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que l'arrêté attaqué qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est par suite suffisamment motivé ;
Sur l'exception d'illégalité :
Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme Y..., épouse Y excipe de l'illégalité de la décision du 24 avril 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en raison des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour en Azerbaïdjan ; que ce moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision qui ne désigne aucun pays de renvoi ; qu'ainsi l'exception d'illégalité doit être écartée ;
Sur les autres moyens :
Considérant que pour contester le refus de titre de séjour qui lui a été opposé, Mme Y..., épouse Y fait valoir qu'elle est entrée en France avec sa fille, son gendre et leurs enfants et qu'elle est dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que dans les circonstances de l'espèce et eu égard à la brièveté de son séjour en France et à la circonstance que sa fille et son gendre sont eux mêmes en situation irrégulière, la décision litigieuse n'a pas porté à l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; qu'ainsi elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus le moyen tiré de ce que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques d'un retour dans son pays d'origine est inopérant à l'égard d'une décision qui ne désigne aucun pays de renvoi ;
Considérant de même que si à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme Y..., épouse Y fait valoir qu'elle est venue en France avec les membres de sa famille et qu'elle n'a plus aucune attache familiale dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que les membres de sa famille ont également fait l'objet d'arrêtés ordonnant leur reconduite à la frontière ; qu'ainsi, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de police du 14 novembre 2001 n'a pas porté à l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; qu'elle n'a dés lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté fixant le pays de destination :
Considérant qu'en indiquant dans le dispositif de son arrêté que Mme Y..., épouse Y sera reconduite vers le pays dont elle a la nationalité, le préfet de police doit être regardé comme ayant désigné l'Azerbaïdjan comme pays à destination duquel l'intéressée sera renvoyée ;
Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision prévoyant sa reconduite à destination de son pays d'origine, la requérante soutient qu'elle serait exposée à des risques si elle devait retourner en Azerbaïdjan en raison des menaces de persécution en raison de ses origines arméniennes ; que toutefois elle n'assortit ses allégations d'aucune justification propre à établir la réalité de ces risques dont ni l'office français de protection des réfugiés et apatrides ni la commission des recours des réfugiés n'ont d'ailleurs retenu l'existence ; que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait dès lors être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation du jugement du 25 février 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 14 novembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y..., épouse Y ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme Y..., épouse Y demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 25 février 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... épouse Y devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Y..., épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.