Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 mai 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Dieunor X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,
- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité haïtienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 25 octobre 2001, de la décision du PREFET DE POLICE du même jour lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré en France, en 1999, à l'âge de 18 ans, pour y rejoindre sa mère, qui y est établie depuis 1988, et cinq de ses six soeurs ; qu'à l'exception de l'une de ses soeurs - dont la situation a d'ailleurs été régularisée depuis lors- les membres de sa famille résidant en France étaient, à la date de l'arrêté litigieux, en situation régulière au regard des règles régissant le séjour des étrangers ; qu'il est constant que son père ainsi que la grand-mère qui l'a élevé, avec qui il vivait en Haïti, sont décédés ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'affaire, eu égard à l'absence d'attaches familiales effectives conservées par l'intéressé dans son pays d'origine, la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de M. X porte au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 mai 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, au motif que cet arrêté avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais non compris dans les dépens :
Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Vincent-Ohl, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que l'avocat de M. X demande à ce titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Vincent-Ohl, avocat de M. X, une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Dieunor X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.