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02/06/2004 | FRANCE | N°254400

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 02 juin 2004, 254400


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février 2003 et 7 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SELECOM, dont le siège est ... ; la SOCIETE SELECOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 24 octobre 2002 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'ordonnance du 21 juin 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à

la condamnation du syndicat mixte des télécommunications et du multimédi...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février 2003 et 7 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SELECOM, dont le siège est ... ; la SOCIETE SELECOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 24 octobre 2002 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'ordonnance du 21 juin 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes (SMTM) à lui verser une provision de 815 839,45 euros à raison du préjudice causé par l'inexécution du marché conclu avec ledit syndicat pour la réalisation de travaux d'équipement et d'installations sur des sites de télévision du département des Alpes-Maritimes ;

2°) de condamner le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes à lui verser la provision précitée et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Touraine, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE SELECOM et de Me Cossa, avocat du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes,

- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que dans le cadre d'un projet de désenclavement télévisuel du département des Alpes-Maritimes, le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes (SMTM) a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de la passation d'un marché à bons de commande pour la réalisation de travaux d'équipements et d'installations de plusieurs sites du département des Alpes-Maritimes ; que par une délibération de la commission d'appel d'offres du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes en date du 1er octobre 1999, la SOCIETE SELECOM a été désignée attributaire du marché ; que celle-ci a, après réception de deux bons de commande datés du 4 avril 2000 et du 28 juillet 2000, procédé à l'approvisionnement en composants et à la fabrication des matériels requis ; qu'en l'absence des autorisations nécessaires à l'installation des équipements demandés, la société n'a pu procéder qu'à l'équipement de 7 sites sur les 58 prévus ; qu'elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice de conclusions tendant à la condamnation du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes au versement à titre provisionnel d'indemnités en réparation du préjudice subi par elle du fait de l'exécution du contrat par la faute du maître de l'ouvrage ; que ces conclusions ont été rejetées par une ordonnance en date du 21 juin 2002 ; que la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SOCIETE SELECOM par une ordonnance en date du 24 octobre 2002 contre laquelle cette dernière se pourvoit en cassation ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ; qu'en application de ces dispositions, et nonobstant le caractère provisoire de la décision à prendre, il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de provision, d'examiner si en l'état de l'instruction les moyens qui lui sont présentés par le requérant, quels qu'ils soient, conduisent à regarder comme non sérieusement contestable l'obligation dont se prévaut ce dernier ; que, par suite, en estimant qu'il n'avait pas à se prononcer sur la question de savoir si le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes avait commis une faute dans l'exécution du marché le liant à la SOCIETE SELECOM, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, la SOCIETE SELECOM est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé-provision engagée par la SOCIETE SELECOM ;

Sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes :

Considérant que, si le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes soutient que le pourvoi de la SOCIETE SELECOM est irrecevable faute d'avoir été précédé d'une tentative de règlement amiable du différend qui les oppose, conformément aux stipulations de l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a adressé une lettre en date du 7 février 2002 au syndicat lui proposant une transaction amiable consistant à lui facturer le stock litigieux en attendant la réalisation du marché ; qu'en l'absence de réponse de la part du syndicat, la société a informé celui-ci, par un courrier du 6 mars 2002, qu'elle entendait saisir le juge des référés ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la SOCIETE SELECOM n'aurait tenté aucune procédure de règlement amiable du litige manque en fait et l'exception d'irrecevabilité soulevée par le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes doit être rejetée ;

Sur les conclusions relatives à la demande de provision :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes a été chargé, par le conseil général des Alpes-Maritimes, d'une mission destinée à permettre une meilleure réception des chaînes publiques, la Cinquième et ARTE, et de la chaîne privée M6 sur l'ensemble du territoire du département ; que, s'il ressort du cahier des clauses administratives particulières relatif au marché confié dans ce but à la SOCIETE SELECOM, qu'il appartenait à celle-ci de mettre en oeuvre l'ensemble des équipements et prestations décrits au présent document , celui-ci ne comporte aucune stipulation relative à l'obtention des autorisations d'émettre auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; qu'une convention tripartite entre le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes, Télédiffusion de France et ARTE/ La Cinquième, qui renvoie à ces chaînes le soin d'obtenir les fréquences nécessaires, a été signée le 10 décembre 2000, soit à une date très proche de la date prévisionnelle d'achèvement des travaux prévue par les deux bons de commande émis par le syndicat les 4 avril 2000 et 28 juillet 2000, dont la SOCIETE SELECOM a accusé réception respectivement les 20 avril et 28 juillet 2000 et qui fixaient l'échéance de l'installation des sites concernés aux 20 mai 2000 pour les premiers et au 15 décembre 2000 pour les autres ; qu'il appartenait à l'entreprise, compte tenu des délais impartis, de procéder à la commande du matériel nécessaire à l'installation desdits sites ; qu'en l'absence d'autorisation de la part du Conseil supérieur de l'audiovisuel, la SOCIETE SELECOM n'a pu réaliser que l'installation de sept sites, pour lesquels elle a facturé ses prestations au syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes à hauteur de 104 455,63 euros HT, et n'a pas été en mesure d'engager les travaux d'installation exigés pour les autres sites mentionnés par le marché ; qu'il résulte de ce qui précède que la non exécution du marché en cause relève du seul fait du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes ; que dans ces conditions, le paiement à la SOCIETE SELECOM du matériel qu'elle a acquis mais n'a pu utiliser, d'une valeur non contestée de 512 221 euros, et dont il n'est pas soutenu qu'il puisse être revendu ou utilisé à un autre usage que l'exécution du contrat, constitue une obligation qui n'est pas sérieusement contestable à la charge du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler l'ordonnance du juge du référé du tribunal administratif de Nice en date du 21 juin 2002 et de condamner le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes à payer à la SOCIETE SELECOM une provision de 512 221 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application desdites dispositions et de mettre à la charge du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes, qui est la partie perdante, le paiement de la somme de 2 500 euros à la SOCIETE SELECOM au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle, en revanche, à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes tendant à mettre à la charge de la SOCIETE SELECOM la somme exposée par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 24 octobre 2002 est annulée.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en date du 21 juin 2002 est annulée.

Article 3 : Le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes est condamné à verser à la SOCIETE SELECOM une provision de 512 221 euros.

Article 4 : Le syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes versera à la SOCIETE SELECOM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE SELECOM et les conclusions du syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SELECOM et au syndicat mixte des télécommunications et du multimédia des Alpes-Maritimes.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 254400
Date de la décision : 02/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015-04 PROCÉDURE - PROCÉDURES D'URGENCE - RÉFÉRÉ-PROVISION - CONDITIONS - CRÉANCE NON SÉRIEUSEMENT CONTESTABLE - EXISTENCE - ACHAT DE MATÉRIEL DANS LE CADRE D'UN MARCHÉ DONT L'INEXÉCUTION EST ENTIÈREMENT IMPUTABLE AU MAÎTRE DE L'OUVRAGE [RJ1].

54-03-015-04 Dans le cadre de l'exécution d'un marché, un maître de l'ouvrage s'engage à obtenir des autorisations administratives qu'il n'obtient finalement pas, alors que pour la bonne exécution du marché, l'entrepreneur avait déjà fait l'acquisition de matériel. La non exécution du marché en cause relève du seul fait du maître de l'ouvrage. Dans ces conditions, le paiement à l'entrepreneur du matériel qu'il a acquis mais n'a pu utiliser, et dont il n'est pas soutenu qu'il puisse être revendu ou utilisé à un autre usage que l'exécution du contrat, constitue une obligation qui n'est pas sérieusement contestable.


Références :

[RJ1]

Rappr. pour un acompte, 3 décembre 2003, Société Bernard Travaux Polynésie, n°253748, à mentionner aux tables ;

2 avril 2004, Société Imhoff, n°257392, à mentionner aux tables ;

pour un dommage survenu en cours d'exécution du contrat, décision du même jour, Commune de Cluny, n°230729, à mentionner aux tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2004, n° 254400
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: Mme Marisol Touraine
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; COSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:254400.20040602
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