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02/06/2004 | FRANCE | N°230729

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 02 juin 2004, 230729


Vu la requête enregistrée le 27 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE CLUNY, représentée par son maire, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville à Cluny (71250) ; la COMMUNE DE CLUNY demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 27 décembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon :

1°) a annulé l'ordonnance en date du 6 mars 2000 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Dijon, statuant en application de l'article R. 129 du code des tribunaux admi

nistratifs et des cours administratives d'appel, a condamné M. X, la socié...

Vu la requête enregistrée le 27 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE CLUNY, représentée par son maire, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville à Cluny (71250) ; la COMMUNE DE CLUNY demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 27 décembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon :

1°) a annulé l'ordonnance en date du 6 mars 2000 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Dijon, statuant en application de l'article R. 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a condamné M. X, la société Hydro-Géo et la société Socotec à lui verser solidairement une allocation provisionnelle de 800 000 F ;

2°) l'a condamnée à reverser à M. X et à la société Socotec les sommes réglées par ceux-ci en exécution de l'ordonnance annulée ;

3°) l'a condamnée à verser à la société Socotec d'une part et à la société Gondcaille, d'autre part, la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de la COMMUNE DE CLUNY, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. X, de Me Odent, avocat de la société Socotec et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société Hydro Géo,

- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que, par un marché conclu le 22 avril 1994, la COMMUNE DE CLUNY a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction d'une plate-forme sportive au lieu-dit Terre de Saint-Clair à M. X, architecte, et à la société Hydro Géo ; que la société Socotec a été chargée du contrôle technique du chantier par contrat du 7 octobre 1994 ; que les sociétés Gondcaille et Pothier ont reçu respectivement l'attribution des lots terrassements et espaces verts par des marchés conclus le 9 juin 1996, tandis que M. Jacquemin, géomètre, recevait une mission d'implantation et de contrôle des niveaux de réalisation du chantier ; que le 12 novembre 1996, alors que les travaux étaient pratiquement terminés, des désordres se sont produits sous la forme, d'une part, d'un glissement de terrain affectant les talus bordant la plate-forme et, d'autre part, d'un effondrement partiel de l'une des deux pistes d'athlétisme ; que saisi avant même l'établissement du décompte définitif du marché de travaux, sur le fondement de l'article R. 129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur, dont la substance est aujourd'hui reprise à l'article R. 541-1 du code de justice administrative, par la COMMUNE DE CLUNY d'une demande de provision au titre de l'action en responsabilité qu'elle avait parallèlement engagée au fond, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a accordé à la commune une indemnité provisionnelle représentant une partie du préjudice qu'elle estimait avoir subi ; que, sur appel de M. X, de la société Socotec et de la société Hydro Geo, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé l'ordonnance du premier juge et rejeté la demande présentée devant lui par la COMMUNE DE CLUNY ;

Considérant que si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné à l'une des parties au marché de verser à son cocontractant une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi ; que, par suite, en estimant qu'aucune demande de provision portant sur l'un des éléments de l'exécution d'un marché, quelle que soit sa nature, ne pouvait être portée devant le juge du référé-provision en l'absence d'un tel décompte, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée devant le tribunal administratif de Dijon ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'absence de décompte général et définitif ne fait pas obstacle à ce que soit demandée au juge des référés une allocation provisionnelle par l'une des parties à un marché de travaux publics qui pourrait se prévaloir d'une obligation non sérieusement contestable ; que si la cause d'une telle obligation peut naître de la faute commise par l'une des parties dans l'exécution du marché, le juge des référés ne peut toutefois faire droit à une demande de provision présentée dans le but d'obtenir réparation du préjudice né de cette faute que si la responsabilité de cette partie n'apparaît elle-même pas sérieusement contestable ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, que l'effondrement du talus a pu trouver sa cause non seulement dans les fautes commises par les constructeurs, mais aussi dans les pluies torrentielles qui se sont abattues sur le chantier à quelques jours de son terme ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE CLUNY ne peut se prévaloir d'une obligation non sérieusement contestable à l'encontre de ses cocontractants ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a partiellement fait droit à la demande formée devant lui par la COMMUNE DE CLUNY ; que M. X et la société Socotec, par leur appel principal, et la société Hydro-Géo, par son appel provoqué, sont ainsi fondés à demander l'annulation de ladite ordonnance et le rejet de la demande formée par la COMMUNE DE CLUNY devant le tribunal administratif ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident présentées par la COMMUNE DE CLUNY tendant à la condamnation de la société Gondcaille doivent être écartées ;

Considérant que l'exécution de la présente décision implique nécessairement que la COMMUNE DE CLUNY reverse, si elle ne l'a déjà fait, à M. X, à la société Socotec et à la société Hydro Géo, chacun en ce qui les concerne, les sommes qu'ils ont réglées en exécution de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la COMMUNE DE CLUNY les sommes de 2 000, 2 500 et 3 000 euros que demandent respectivement la société Socotec, la société Hydro Geo et M. X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 27 décembre 2000 est annulé.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Dijon en date du 6 mars 2000 est annulée.

Article 3 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Dijon par la COMMUNE DE CLUNY est rejetée.

Article 4 : La COMMUNE DE CLUNY reversera, si elle ne l'a déjà fait, à la société Socotec, à la société Hydro-Géo et à M. X les sommes réglées par ceux-ci pour l'exécution de l'ordonnance attaquée.

Article 5 : La COMMUNE DE CLUNY versera les sommes de 2 000, 2 500 et 3 000 euros respectivement à la société Socotec, la société Hydro Geo et à M. X en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE CLUNY, à la société Socotec, à la société Hydro Geo et à M. X.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT - RÈGLEMENT DES MARCHÉS - DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF - EFFETS DU CARACTÈRE DÉFINITIF - MARCHÉ DE TRAVAUX PUBLICS DONT LE DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF N'A PAS ENCORE ÉTÉ ÉTABLI - A) VERSEMENT D'UNE PROVISION - POSSIBILITÉ - EXISTENCE [RJ1] - B) RECEVABILITÉ D'UNE DEMANDE DE PROVISION FORMULÉE PAR LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE DU MARCHÉ À L'ENCONTRE DE SON COCONTRACTANT - EXISTENCE (SOL - IMPL - ) [RJ2].

39-05-02-01-02 a) Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné à l'une des parties au marché de verser à son cocontractant une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi.,,b) Le maître de l'ouvrage peut saisir le juge des référés pour demander la condamnation de son contractant au paiement d'une provision dans le cadre de l'exécution d'un marché.

PROCÉDURE - PROCÉDURES D'URGENCE - RÉFÉRÉ-PROVISION - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - MARCHÉ DE TRAVAUX PUBLICS DONT LE DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF N'A PAS ENCORE ÉTÉ ÉTABLI - A) VERSEMENT D'UNE PROVISION - POSSIBILITÉ - EXISTENCE [RJ1] - B) RECEVABILITÉ D'UNE DEMANDE DE PROVISION FORMULÉE PAR LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE DU MARCHÉ À L'ENCONTRE DE SON COCONTRACTANT - EXISTENCE (SOL - IMPL - ) [RJ2] - C) EXAMEN DES RESPONSABILITÉS RESPECTIVES DES PARTIES - EXISTENCE (SOL - IMPL - ).

54-03-015-03 a) Si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné à l'une des parties au marché de verser à son cocontractant une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi.,,b) Le maître de l'ouvrage peut saisir le juge des référés pour demander la condamnation de son contractant au paiement d'une provision dans le cadre de l'exécution d'un marché.,,c) Il appartient au juge des référés de déterminer les responsabilités respectives de chacune des parties si le caractère sérieusement contestable de la créance dépend de cette appréciation.

PROCÉDURE - PROCÉDURES D'URGENCE - RÉFÉRÉ-PROVISION - CONDITIONS - CRÉANCE NON SÉRIEUSEMENT CONTESTABLE - ABSENCE - PRÉJUDICE NÉ D'UNE FAUTE DONT L'IMPUTATION N'EST PAS NON SÉRIEUSEMENT CONTESTABLE [RJ3].

54-03-015-04 Lorsque la répartition des responsabilités entre les parties au marché dans la survenance du dommage n'est pas incontestable, le juge des référés ne peut accorder la provision qui lui est demandée au titre du préjudice né de ce dommage.


Références :

[RJ1]

Cf. 3 décembre 2003, Société Bernard Travaux Polynésie,T. p. 864 et 908 ;

Ab. jur. 27 déc 2000, CAA Lyon, Ponceblanc, p. 716.,,

[RJ2]

Cf. Section, 5 novembre 1982, Société Propetrol, p. 381.,,

[RJ3]

Rappr. pour un acompte, 3 décembre 2003, Société Bernard Travaux Polynésie, T. p. 864 et 908 ;

2 avril 2004, Société Imhoff, p. 149 ;

pour une interruption du marché entièrement imputable au maître de l'ouvrage décision du même jour, Société Sélécom,T. p. 812.


Publications
Proposition de citation: CE, 02 jui. 2004, n° 230729
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Frédéric Lenica
Rapporteur public ?: M. Le Chatelier
Avocat(s) : SCP BORE, XAVIER ET BORE ; SCP BOUTET ; ODENT ; SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Date de la décision : 02/06/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 230729
Numéro NOR : CETATEXT000008194216 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-06-02;230729 ?
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