Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Noureddine X, demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2002 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 26 décembre 2003, présenté pour M. X qui reprend les conclusions de sa requête ; il demande en outre au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2002 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a désigné le pays à destination duquel il devait être reconduit ;
2°) d'annuler cette décision pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois ;
4°) de condamner l'Etat au versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : (...) 8° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...). Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° et 8° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des nombreux certificats médicaux et des compte-rendus d'hospitalisation versés au dossier, que M. X est atteint de pathologies multiples dont la gravité nécessite un suivi médical spécialisé et continu ; que l'interruption de ce suivi médical pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ne peut être, en l'état, assuré qu'en France ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du 8° de l'article 25 précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 juin 2002 décidant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le préfet des Hauts-de-Seine lui délivre un titre de séjour :
Considérant qu'aux termes du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ; qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, d'ordonner au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer, dans un délai d'un mois, une autorisation permettant à M. OGAB de séjourner sur le territoire français jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur son cas ;
Sur les conclusions de la SCP Coutard-Mayer tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SCP Coutard-Mayer, avocat de M. X, la somme de 1 500 euros qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 3 octobre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris ensemble l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 20 juin 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer dans un délai d'un mois à compter de la présente décision X une autorisation provisoire de séjour à M. OGAB et de statuer à nouveau sur son cas.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à l'avocat de M. X la somme de 1 500 euros sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la somme allouée au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Noureddine X, au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.