Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août et 26 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE STRACEL, dont le siège est ... (67016) ; la SOCIETE STRACEL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 23 mai 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, sur recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une part, a réformé le jugement du 22 novembre 1996 du tribunal administratif de Strasbourg, réintégré dans les bénéfices imposables de la SOCIETE STRACEL, au titre des amortissements, les sommes respectives de 7 283 631 F pour l'exercice 1987, de 16 887 173 F pour l'exercice 1988 et de 43 488 548 F pour l'exercice 1989, ainsi que remis à la charge de la SOCIETE STRACEL l'impôt sur les sociétés au titre de ces années correspondant à la rectification de son bénéfice imposable, d'autre part, annulant le jugement du 22 novembre 1996 du tribunal administratif de Strasbourg, a réintégré dans les valeurs locatives servant de bases pour la taxe professionnelle de la SOCIETE STRACEL au titre des années 1989, 1990, 1991 et 1992 les amortissements exceptionnels pratiqués par la société et remis à sa charge les montants de taxe professionnelle correspondant à ces bases réévaluées au titre des mêmes années ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel principal du ministre et, faisant droit à son appel incident, de prononcer la décharge totale des impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Wauquiez-Motte, Auditeur,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE STRACEL,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE STRACEL a pour activité la fabrication de pâte à papier ; que l'administration, à la suite de deux vérifications de comptabilité, a contesté, d'une part, le mode de réintégration dans ses résultats de produits correspondant à des subventions versées en 1986, 1987 et 1988 par l'agence pour la maîtrise de l'énergie et l'agence française pour la qualité de l'air et, d'autre part, l'application de l'amortissement exceptionnel, prévu à l'article 39 quinquies E du code général des impôts pour les installations destinées à l'épuration des eaux industrielles, à deux nouveaux lessiveurs ainsi qu'à des dispositifs d'évaporation et de blanchiment ; que la société a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle au titre des années 1986 à 1989 ; qu'elle demande l'annulation de l'arrêt du 23 mai 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, réformant deux jugements du tribunal administratif de Strasbourg du 22 novembre 1996, a réintégré au bénéfice imposable et à la valeur locative servant à collecter la taxe professionnelle la différence entre les amortissements exceptionnels initialement pratiqués et ceux reconnus comme déductibles par le vérificateur ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que le président de la formation de jugement, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, peut rouvrir l'instruction, quand il le souhaite, par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours ; que la SOCIETE STRACEL n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le président de la cour administrative d'appel de Nancy a pris une ordonnance de réouverture d'instruction ;
Considérant que, en évoquant l'article 39 quinquies F du code général des impôts qui ne constitue pourtant pas le fondement des redressements en litige, la cour a uniquement répondu aux arguments avancés notamment par la SOCIETE STRACEL qui mentionnait dans ses écritures cet article ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 1989, dispose que : A l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements ; qu'aux termes de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992, portant loi de finances pour 1993, dont le I a été codifié à l'article L. 284 du livre des procédures fiscales : I. Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II. Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi ; que, devant la cour administrative d'appel, la SOCIETE STRACEL a soutenu que la procédure de redressement relative à l'exercice 1986 était irrégulière, au motif que la notification de redressement adressée le 30 novembre 1989 aurait dû, en application des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales précité, mentionner le montant des droits et pénalités résultant des redressements envisagés ; que la cour a écarté ce moyen en se fondant sur l'article L. 284 du livre des procédures fiscales précité ; que, d'une part, la garantie de procédure introduite par la loi du 29 décembre 1989 et codifiée à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales constitue une formalité au sens de l'article L. 284 du même livre ; que, d'autre part, si la société soutient que les dispositions de l'article L. 284 n'étaient pas applicables à l'imposition en litige qui était prescrite à sa date d'entrée en vigueur, dès lors que la notification de redressement entachée d'irrégularité n'avait pu valablement interrompre le cours de la prescription, ces dispositions avaient précisément pour effet que la notification de redressement contestée devait être réputée régulièrement accomplie et que l'imposition en litige n'était donc pas prescrite ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en faisant application de l'article L. 284 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 59 du livre des procédures fiscales confère au contribuable le droit de soumettre à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ses désaccords sur les redressements notifiés en matière de bénéfices commerciaux, lorsqu'ils portent sur des questions de fait ; qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a refusé de soumettre à cette commission le différend qui l'opposait à la SOCIETE STRACEL ; qu'à la date à laquelle cette saisine a été demandée, le différend portait sur le champ d'application de l'amortissement exceptionnel prévu à l'article 39 quinquies E du code général des impôts en faveur des installations destinées à l'épuration des eaux industrielles ; que la cour n'a donc pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que le différend portait sur une question de droit qui n'était pas de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant, en troisième lieu, que la cour, après avoir relevé que le tribunal administratif avait constaté que de nombreuses rencontres avaient eu lieu entre les agents chargés du contrôle et les dirigeants de l'entreprise, a souverainement estimé, sans dénaturer les pièces du dossier, que les éléments fournis par la société n'étaient pas de nature à établir que le vérificateur se serait refusé à tout débat oral et contradictoire ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 quinquies E du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les entreprises qui construisent ou font construire des immeubles destinés à l'épuration des eaux industrielles, en conformité avec la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964, peuvent pratiquer dès achèvement de ces constructions, un amortissement exceptionnel égal à 50 % de leur prix de revient. / La valeur résiduelle des immeubles est amortissable sur leur durée normale d'utilisation. / Les dispositions du présent article s'appliquent aux constructions (...) à condition qu'elles s'incorporent à des installations de production (...) ;
Considérant que le dispositif dérogatoire d'amortissement exceptionnel prévu par l'article 39 quinquies E précité est réservé aux seuls immeubles dont l'objet est l'épuration des eaux industrielles, quelle que soit leur place dans le processus de production ou leur incidence sur la rentabilité de l'entreprise ; que la cour administrative d'appel, après avoir relevé que les équipements en litige étaient destinés à la production de pâte à papier et constituaient des installations de production et non d'épuration, a pu, sans commettre d'erreur de droit ou de qualification juridique, juger qu'ils ne pouvaient bénéficier de l'amortissement exceptionnel prévu par l'article 39 quinquies E du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE STRACEL n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SOCIETE STRACEL la somme que celle-ci demande en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE STRACEL est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE STRACEL et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.