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26/03/2004 | FRANCE | N°253134

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 26 mars 2004, 253134


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier et 7 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Raphaël X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 27 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du 11 juin 1998 du tribunal administratif de Bastia, n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 721 370 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'ouvert

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier et 7 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Raphaël X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 27 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du 11 juin 1998 du tribunal administratif de Bastia, n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 721 370 euros en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de l'ouverture de l'officine de Mlle Y dans un local commercial situé au lieu-dit Lupino à Bastia ;

2°) statuant au fond, de condamner l'Etat à lui payer la somme complémentaire de 483 720,73 euros et d'ordonner la capitalisation des intérêts échus sur cette somme et sur celle que l'arrêt entrepris lui a allouée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X...,

- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X..., pharmacien installé dans le quartier de Lupino à Bastia, a demandé à l'Etat de l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'autorisation accordée à Mlle Y de créer, par voie dérogatoire, une officine de pharmacie dans le même quartier par un arrêté du préfet de la Haute-Corse en date du 25 avril 1988 que le Conseil d'Etat a annulé par une décision en date du 21 février 1994 ; que si, par jugement du 11 juin 1998, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les prétentions de M. X..., la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 27 juin 2002, annulé ce jugement et condamné l'Etat à verser au requérant une indemnité d'un montant de 421 370 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts au 22 septembre 1998, cette indemnité correspondant à l'évaluation des pertes d'exploitation subies du fait de la baisse du chiffre d'affaires de l'officine pendant la période du 25 avril 1988 jusqu'à la date de notification de la décision susmentionnée du Conseil d'Etat ; que M. X... se pourvoit contre cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait droit à la demande d'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi lors de la cession de sa pharmacie en août 1994 et qu'il évalue à 483 720,73 euros ;

Sur le préjudice afférent à la cession de la pharmacie :

Considérant qu'en se bornant à indiquer que M. X... n'établit pas que la baisse de son chiffre d'affaires provoquée par l'exploitation illégale de la pharmacie de Mlle Y ait eu une incidence sur la fixation du prix de cession de son officine en août 1994 alors que, d'une part, l'intéressé se prévalait d'un rapport d'expertise comptable indiquant que le prix de cession d'une pharmacie est directement fonction du montant du chiffre d'affaires annuel correspondant à la moyenne des trois années précédant la cession et que, d'autre part, la cour avait estimé que la baisse constatée du chiffre d'affaires de la pharmacie de M. X... pendant ces trois années était intégralement et directement imputable à l'ouverture illégale de la pharmacie de Mlle Y, la cour a insuffisamment motivé son arrêt en tant qu'il rejette les conclusions relatives à ce chef de préjudice ; que M. X... est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la cession de l'officine de M. X... en août 1994 lui a rapporté un capital correspondant à environ 97 % du montant moyen du chiffre d'affaires annuel effectivement réalisé au cours des trois années précédant la vente ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise comptable produit par le requérant que si ce taux correspond à la moyenne des taux constatés à l'occasion d'autres transactions pour des officines similaires, il y a lieu, eu égard au volume des chiffres d'affaires en cause, de retenir un taux de 87 % ; que dans la partie non contestée de son arrêt, la cour administrative d'appel de Marseille a estimé que la baisse du chiffre d'affaires de M. X... pendant la période allant de la date d'ouverture de la pharmacie de Mlle Y jusqu'à la date de notification de la décision du Conseil d'Etat qui a annulé la licence délivrée à cette dernière, est exclusivement imputable à cette ouverture ; que, dans ces conditions, l'autorisation illégale délivrée à Mlle Y le 25 avril 1988, en entraînant une baisse du chiffre d'affaires de la pharmacie de M. X... qui a continué à produire ses effets au cours des années 1990 à 1993 s'est nécessairement traduite par une moins-value sur le prix de cession de cette officine en août 1994 ; que l'application du taux de 87 % à la moyenne du chiffre d'affaires des trois années précédentes pris en compte par la cour pour la fixation du montant de l'indemnisation du préjudice lié à la perte de marge nette aboutit à une moins-value sur cession d'un montant de 483 720,73 euros ; que, toutefois, il convient de tenir compte, pour évaluer le préjudice directement et exclusivement imputable à l'ouverture illégale de la pharmacie de Mlle Y, de ce que, par un arrêté en date du 5 juillet 1994, devenu définitif et antérieur à la cession de l'officine de M. X..., le préfet a délivré une nouvelle licence à Mlle Y, circonstance distincte de la faute à l'origine du préjudice et qui était, par elle-même, de nature à diminuer la valeur vénale de la pharmacie de M. X... ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. X... du fait de l'ouverture illégale de la pharmacie de Mlle Y en fixant à 250 000 euros le montant de l'indemnité qui lui est due à ce titre ; que M. X... a droit aux intérêts sur cette somme à compter du 6 février 1996, date de sa demande préalable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme de 421 370 euros que l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille a condamné l'Etat à verser à M. X... doit être majorée de 250 000 euros ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que, pour l'application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant les juges du fond et que, si cette demande prend effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée - pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus pour une année entière - la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. X... avait présenté une demande de capitalisation le 22 septembre 1998 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière sur l'indemnité d'un montant de 250 000 euros correspondant à la moins-value sur la cession de la pharmacie ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de capitalisation en tant qu'elle porte sur cette partie de l'indemnité tant à la date du 22 septembre 1998 qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le paiement à M. X... de la somme de 3 000 euros qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : La somme que l'article 2 de l'arrêt condamne l'Etat à payer à M. X... est majorée de 250 000 euros. Les intérêts échus à chaque échéance annuelle à compter du 22 septembre 1998 portant sur cette indemnité de 250 000 euros seront capitalisés à chacune de ces dates pour porter eux-mêmes intérêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. X... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Raphaël X... et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 26 mar. 2004, n° 253134
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mme de Salins
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Date de la décision : 26/03/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 253134
Numéro NOR : CETATEXT000008192154 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-03-26;253134 ?
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