Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 2001 et 12 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Sitti X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 2001 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2000 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ou, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire statue sur la question préjudicielle de la nationalité de son fils ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de condamner l'Etat à verser à la SCP de Chaisemartin-Courjon la somme de 1830 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de Mlle X,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que le jugement attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de ce jugement au regard des moyens dont le tribunal administratif de Lyon était saisi doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal administratif de Lyon ne l'a pas déclarée irrecevable à contester le refus de titre de séjour en raison de l'autorité attachée à la chose jugée par le jugement rejetant sa requête dirigée contre le refus de titre de séjour, mais seulement non fondée à invoquer, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de la reconduire à la frontière, l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité comorienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 14 mars 2000, de la décision du 3 mars 2000 du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées du 11° de l'article 12 bis et du 8° de l'article 25 de la même ordonnance qu'un étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'en l'espèce, si Mlle X allègue devoir faire l'objet d'une surveillance biologique et échographique régulière, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, en tout état de cause, que le traitement en cause ne puisse être réalisé dans son pays d'origine ; qu'ainsi et à supposer même que l'intéressée puisse être regardée comme séjournant habituellement en France, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, (...). Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° et 8° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance ; qu'aux termes de l'article 18 du code civil : est français l'enfant, légitime ou naturel, dont l'un des parents au moins est français ;
Considérant que si Mlle X allègue être la compagne d'un ressortissant français depuis 1996 et fait valoir que leur couple a eu un enfant le 27 mars 1998 et qu'elle serait à nouveau enceinte, elle n'établit pas que cet enfant ni, d'ailleurs, son compagnon, aient la nationalité française ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mlle X avant de prendre son arrêté ; qu'aucun des faits susmentionnés invoqués par Mlle X n'est de nature à établir que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ni que, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté porterait au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir l'autorité judiciaire d'une question préjudicielle, que Mlle X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 30 novembre 2000 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui dans la présente instance n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à la SCP de Chaisemartin-Courjon la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mlle X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Sitti X, au préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.