Vu la requête, enregistrée le 23 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE LASER, représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité via de' Grassi, 11, à Bergamo (24126 - ITALIE) ; la SOCIETE LASER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 29 août 2002 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a annulé l'ordonnance du 4 octobre 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une provision de 2 000 000 F (304 898,03 euros) et une somme non précisée à titre de remboursement des frais d'expertise exposés par elle, et rejeté sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 2 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, modifiée notamment par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,
- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la SOCIETE LASER et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé-provision que la société Harmon CFEM Façades, titulaire d'un marché de travaux passé par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris pour la réalisation des menuiseries extérieures de l'Hôpital européen Georges Y..., a confié à la SOCIETE LASER, par un contrat de sous-traitance en date du 30 juillet 1997, des prestations de pose de façades ; que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a accepté la SOCIETE LASER en qualité de sous-traitante de la société Harmon CFEM Façades et agréé ses conditions de paiement par deux actes spéciaux des 4 août 1997 et 9 février 1998, pour un montant total de 8 983 934,18 F (1 369 591,94 euros) toutes taxes comprises ; qu'à la suite de la résiliation, par le maître de l'ouvrage, du marché conclu avec la société Harmon CFEM Façades, placée en redressement puis en liquidation judiciaires, la SOCIETE LASER a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser les sommes de 2 723 076,21 F (415 130,29 euros) hors taxes à titre de provision sur le solde des travaux effectués par elle et de 237 339,70 F (36 182,20 euros) toutes taxes comprises en remboursement des frais, qu'elle soutenait avoir réglés, d'une expertise décidée par deux ordonnances du président du même tribunal en date des 18 mai et 6 décembre 1999 ; que la SOCIETE LASER se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 29 août 2002 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel interjeté par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, annulé l'ordonnance du 4 octobre 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris avait condamné l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 2 000 000 F (304 898,03 euros) hors taxes à titre de provision ainsi qu'une somme non précisée en remboursement des frais d'expertise, et rejeté sa demande devant ce tribunal ;
Considérant, qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ;
Considérant, qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier : Le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite ; qu'aux termes de l'article 8 : L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 186 ter du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur, rendu applicable aux marchés conclus par les collectivités locales et leurs établissements publics par l'article 356 du même code : Au vu des pièces justificatives fournies par le sous-traitant et revêtues de l'acceptation du titulaire du marché, l'ordonnateur mandate les sommes dues au sous-traitant et, le cas échéant, envoie à ce dernier l'autorisation définie au I de l'article 178 bis. / Dès réception de ces pièces, l'administration avise le sous-traitant de la date de réception de la demande de paiement envoyée par le titulaire et lui indique les sommes dont le paiement à son profit a été accepté par ce dernier. / Dans le cas où le titulaire d'un marché n'a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l'administration, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à l'administration par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre récépissé dûment daté et inscrit sur un registre tenu à cet effet. / L'administration met aussitôt en demeure le titulaire, par lettre recommandée avec avis de réception postal, de lui faire la preuve, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre, qu'il a opposé un refus motivé à son sous-traitant. Dès réception de l'avis, elle informe le sous-traitant de la date de cette mise en demeure. / A l'expiration de ce délai, au cas où le titulaire ne serait pas en mesure d'apporter cette preuve, l'administration contractante dispose du délai prévu au I de l'article 178 pour mandater les sommes dues aux sous-traitants à due concurrence des sommes restants dues au titulaire ou du délai prévu au I de l'article 178 bis pour envoyer au sous-traitant l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé à due concurrence des sommes restant dues au titulaire ;
Considérant que, s'il est loisible au maître de l'ouvrage de soumettre au maître d'oeuvre les demandes d'acompte et les pièces justificatives présentées par un sous-traitant au titre du paiement direct, aux fins de contrôler le montant de la créance de ce dernier, compte tenu des travaux exécutés et des prix stipulés par le marché, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose leur transmission au maître d'oeuvre par le sous-traitant ou le titulaire du marché à peine d'irrecevabilité de la demande de paiement direct ; que, notamment, à supposer même que les actes spéciaux par lesquels les conditions de paiement de la SOCIETE LASER ont été agréées par le maître de l'ouvrage aient rendu opposables à cette société les stipulations de l'article 13.54 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, ces stipulations ne pouvaient, en tout état de cause, avoir légalement pour effet de déroger, sur ce point, aux dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975 et du code des marchés publics ; qu'ainsi, en se fondant, pour rejeter la demande de provision présentée par la SOCIETE LASER devant le tribunal administratif de Paris, sur la seule circonstance que les demandes d'acompte de cette société au titre des mois de février et mars 1998 ainsi que les pièces justificatives qui les accompagnaient, qui ont été transmises à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris par une lettre du mandataire-liquidateur de la société Harmon CFEM Façades en date du 19 mai 1998, n'ont été adressées au maître d'oeuvre ni par le titulaire du marché, ni par le sous-traitant, et qu'ainsi ce dernier ne pouvait prétendre au paiement direct par le maître de l'ouvrage des sommes correspondantes, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE LASER est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SOCIETE LASER ;
Sur la régularité de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 4 octobre 2001, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête d'appel de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris :
Considérant qu'en se bornant à indiquer, pour faire droit à la demande de provision présentée par la SOCIETE LASER, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise remis par M. X..., que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est effectivement débitrice de ladite société, alors que la portée des conclusions de ce rapport était expressément contestée en défense devant lui, par des moyens qui n'étaient pas inopérants, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a insuffisamment motivé son ordonnance ; que, par suite, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est fondée à en demander, pour ce motif, l'annulation ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE LASER devant le tribunal administratif de Paris ;
En ce qui concerne la demande de provision :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que la SOCIETE LASER a été acceptée en qualité de sous-traitante de la société Harmon CFEM Façades et ses conditions de paiement agréées par deux actes spéciaux des 4 août 1997 et 9 février 1998, pour un montant total de 8 983 934,18 F toutes taxes comprises ; que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris lui a versé, au titre du paiement direct, des acomptes mensuels d'un total de 5 014 575,98 F toutes taxes comprises, soit 4 158 023,20 F hors taxes ; que la SOCIETE LASER demande que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à lui verser par provision la somme de 2 723 076,21 F hors taxes qu'elle estime lui être due en règlement du solde des travaux effectués par elle ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la SOCIETE LASER a exécuté, dans le cadre du contrat de sous-traitance la liant à la société Harmon CFEM Façades, des travaux d'un montant total de 7 100 522,00 F hors taxes ; qu'au sein de ces travaux, l'expert a évalué à 6 415 963,67 F hors taxes les travaux non réglés par la société Harmon CFEM Façades et rentrant dans le cadre des actes spéciaux signés par le maître de l'ouvrage ;
Considérant que, par un courrier du 19 mai 1998, le mandataire-liquidateur de la société Harmon CFEM Façades a transmis à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris les attestations individuelles de délégation de paiement revêtues du visa du titulaire du marché ainsi que les situations de travaux établies par la SOCIETE LASER au titre des mois de février et mars 1998 ; que, par suite, et alors même qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, ces pièces n'ont été adressées au maître d'ouvre ni par l'entrepreneur principal, ni par le sous-traitant, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été régulièrement saisie d'une demande de paiement direct des sommes correspondantes ;
Considérant, toutefois, que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soutient, sans être valablement contredite, que certaines sommes qu'elle a versées à la SOCIETE LASER au titre d'attachements pour travaux divers antérieurs au 20 janvier 1998, qui n'ont pas été examinés par l'expert, et dont le total s'élève à la somme non contestée de 381 304,00 F hors taxes, rémunèrent des travaux de reprise n'entrant pas dans le cadre des travaux dont la sous-traitance avait été acceptée par elle ; qu'ainsi, compte tenu des 4 158 023,20 F hors taxes déjà versés par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris au titre du paiement direct, l'obligation invoquée par la SOCIETE LASER ne saurait être regardée comme non sérieusement contestable que dans la limite de la somme de 1 876 636,47 F hors taxes ;
Considérant, enfin, que le I de l'article 4 de la loi du 13 juillet 2000 de finances rectificative pour 2000 a ramené de 20,60 à 19,60 p. 100 le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée figurant à l'article 278 du code général des impôts ; qu'aux termes du III du même article 4 : Les dispositions des I et II s'appliquent aux opérations pour lesquelles la taxe est exigible à compter du 1er avril 2000 ; que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris soutient qu'en vertu de ces dispositions, le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux sommes dont la SOCIETE LASER demande le versement par provision est de 19,60 p. 100, et non de 20,60 p. 100 comme indiqué dans le rapport d'expertise ; qu'en l'état de l'instruction, ce moyen justifie que le montant non sérieusement contestable de la créance de la SOCIETE LASER soit, sur la base d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19,60 p.100, évalué à la somme de 2 244 457,22 F (342 165,30 euros) ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE LASER est fondée à demander que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à lui verser une provision de 342 165,30 euros (2 244 457,22 F) ;
En ce qui concerne les frais d'expertise :
Considérant que, par une ordonnance du 21 juin 2001, prise sur les fondement des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative, le président du tribunal administratif de Paris a liquidé et taxé à la somme de 273 339,70 F (36 182,20 euros) toutes taxes comprises les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par deux ordonnances des 18 mai et 6 décembre 1999, et mis cette somme à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ; que la SOCIETE LASER demande la condamnation de cet établissement à lui verser ladite somme, qu'elle soutient avoir réglée elle-même à l'expert ; que, toutefois, cette société n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de cette allégation ; que, par suite, ses conclusions sur ce point ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE LASER, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser à la SOCIETE LASER la somme de 2 300 euros que celle-ci demande au titre des mêmes frais ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les ordonnances des juges des référés de la cour administrative d'appel et du tribunal administratif de Paris en date respectivement des 29 août 2002 et 4 octobre 2001 sont annulées.
Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à la SOCIETE LASER une provision de 342 165,30 euros (2 244 457,22 F).
Article 3 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris versera à la SOCIETE LASER une somme de 2 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la SOCIETE LASER devant le tribunal administratif de Paris et les conclusions de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LASER, à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.