Vu la décision en date du 29 janvier 2001 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a sursis à statuer sur la requête présentée pour Mme Malika A, demeurant ..., enregistrée sous le n°211058, et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 28 avril 1999 par laquelle la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins a annulé la décision du conseil régional de l'Ordre des médecins de Nord-Pas-de-calais et confirmé la décision du 8 octobre 1998 par laquelle le conseil départemental de l'Ordre des médecins du Nord a retiré sa décision du 10 septembre 1998 l'inscrivant au tableau de l'Ordre de ce département, jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions suivantes ; 1° Les dispositions du paragraphe 2 de l'article 23 de la directive 93/16/CEE du Conseil du 5 avril 1993 relatives à la formation médicale totale que doit avoir acquise un médecin ressortissant d'un Etat membre, comprenant au moins six années d'études ou 5 500 heures d'enseignement théorique et pratique dispensées dans une université ou sous la surveillance d'une université, s'entendent-elles comme des formations suivies, pour leur totalité, dans une université ou sous la surveillance d'une université des seuls Etats membres ou permettent-elles de prendre en considération tout ou partie de la formation reçue dans un Etat tiers ' ; 2° Les autorités nationales sont-elles tenues par le certificat produit par les autorités compétentes de l'Etat membre dans lequel a été délivré le diplôme produit par l'intéressé en application du paragraphe 5 de l'article 9 de la même directive et attestant que ce diplôme est assimilé à ceux dont les dénominations figurent aux articles 3, 5 et 7 de la directive et sanctionne une formation conforme aux dispositions de son titre III ou peuvent-elles faire porter leur appréciation sur ledit certificat au regard, notamment, des exigences minimales de formation prévues par la directive et requises par la législation nationale pour, le cas échéant, considérer, malgré les termes du certificat délivré, que la formation reçue par la personne concernée répond aux exigences de la directive ' ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne modifié ;
Vu la directive n° 93/16 CEE du 5 avril 1993 modifiée ;
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 356 et suivants ;
Vu l'arrêté du 18 juin 1991 fixant la liste des diplômes, certificats et autres titres de médecin délivrés par les Etats membres de la Communauté économique européenne, visée à l'article L. 356-2 (1°) du code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, avocat de Mme A et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 356 du code de la santé publique alors en vigueur, Nul ne peut exercer la profession de médecin (...) en France s'il n'est : 1° titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 356-2 (...) ; 2° de nationalité française ou ressortissant de l'un des Etats membres de la Communauté économique européenne (...) ; qu'aux termes de l'article L. 356-2 du même code, Les diplômes, certificats et titres exigés en application du 1° de l'article L. 356 sont : 1° Pour l'exercice de la profession de médecin : soit le diplôme français d'Etat de docteur en médecine (...) ; soit, si l'intéressé est ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne (...) un diplôme, certificat ou autre titre de médecin délivré par l'un de ces Etats et figurant sur une liste établie conformément aux obligations communautaires ou à celles résultant de l'accord sur l'espace économique européen, par arrêté conjoint du ministre de la santé et du ministre chargé des universités (...) ; qu'en vertu des dispositions de l'article 3-1 de l'arrêté du 18 juin 1991, Lorsqu'un médecin présente des diplômes, certificats ou autres titres de médecin délivrés par les Etats membres des Communautés européennes ne répondant pas aux dénominations figurant pour cet Etat membre aux articles 2 et 3 du présent arrêté, il doit produire un certificat délivré par les autorités compétentes attestant que ces diplômes, certificats ou autres titres de médecin sanctionnent une formation conforme aux obligations communautaires et sont assimilés par l'Etat membre qui les a délivrés à ceux dont les dénominations figurent aux articles 2 et 3 du présent arrêté ;
Considérant que, par un arrêt du 19 juin 2003, la Cour de justice des Communautés européennes, statuant après que les deux questions, rappelées dans les visas de la présente décision, lui eurent été renvoyées par une décision du Conseil d'Etat en date du 29 janvier 2001, a, sur la première question, déclaré que la formation médicale exigée par l'article 23, paragraphe 2, de la directive 93/16/CEE du Conseil du 5 avril 1993 peut être constituée, même de manière prépondérante, d'une formation reçue dans un pays tiers, à condition que l'autorité compétente de l'Etat membre qui délivre le diplôme soit en mesure de valider cette formation et d'estimer, de ce fait, qu'elle permet de répondre aux exigences de formation des médecins fixées par ladite directive ; que, sur la deuxième question, la Cour a déclaré, d'une part, que les autorités de l'Etat membre d'accueil sont liées par un certificat, émis conformément au paragraphe 5 de l'article 9 de la directive, attestant que le diplôme en cause est assimilé à ceux dont les dénominations figurent aux articles 3, 5 ou 7 de la directive et sanctionne une formation conforme aux dispositions de son titre III et, d'autre part, qu'en cas d'apparition d'éléments nouveaux donnant lieu à des doutes sérieux quant à l'authenticité du diplôme qui leur est présenté ou à sa conformité avec la réglementation applicable, il est loisible auxdites autorités de saisir à nouveau d'une demande de vérification les autorités de l'Etat membre émetteur du diplôme en cause ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A est titulaire d'un diplôme dénommé grade académique arts, délivré le 28 septembre 1995 par l'université de Gand et d'un diplôme dénommé grade académique huisarts délivré le 29 septembre 1997 par la même université ; que, si ces titres ne correspondent pas aux dénominations figurant aux articles 3, 5 et 7 de la directive du 5 avril 1993, les services du ministère chargé de la santé du Royaume de Belgique ont attesté par un certificat délivré le 23 juillet 1998 que le diplôme de grade académique arts était assimilé au diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements figurant à l'article 3 de la directive ; qu'ils ont précisé, par une attestation du 6 octobre 1998 confirmant la conformité de la formation de l'intéressée en médecine générale aux conditions minimales prévues par les articles 31 et 32 de la directive, que l'université de Gand avait validé la formation reçue par Mme A en Algérie et que n'ayant eu à suivre qu'une année de formation en Belgique, elle n'y avait pas suivi une partie prépondérante de ses études de médecine ; qu'enfin, par une lettre du 14 octobre 1998, ces mêmes autorités ont confirmé que le grade académique arts est le diplôme délivré actuellement par les universités flamandes, conformément à l'article 3 de la directive du 5 avril 1993 ;
Considérant dès lors que la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins, en rejetant la demande d'inscription de Mme A au tableau de l'Ordre, au motif que sa formation médicale ne remplissait pas les conditions minimales exigées par l'article 23 de la directive du 5 avril 1993, dès lors qu'elle n'avait pas effectué une partie prépondérante de ses études médicales en Belgique et que le diplôme de grade académique arts délivré le 28 septembre 1995 par l'université de Gand ne saurait donc lui ouvrir le droit d'exercer la médecine dans un pays tiers, a méconnu les dispositions rappelées ci-dessus et a ainsi entaché sa décision d'illégalité ; que, par suite, Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision en date du 29 janvier 2001 de la section disciplinaire du conseil national de l'Ordre des médecins ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner le conseil national de l'Ordre des médecins à verser à Mme A la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du conseil national de l'Ordre des médecins en date du 28 avril 1999 est annulée.
Article 2 : Le conseil national de l'Ordre des médecins versera à Mme A la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Malika A, au conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Copie en sera adressée pour information à la Cour de justice des Communautés européennes.