Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 août 2003, le jugement en date du 7 août 2003 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant de statuer sur la requête de la S.C.I. Sunset Investissement tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 juin 2003 par lequel le maire de la Ville de Nouméa a décidé d'interrompre les travaux de pose de menuiseries et de garde-corps engagés par la société sur le chantier de construction d'un immeuble situé dans cette ville, a décidé, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) les dispositions de l'article 41 de la délibération de l'assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie et dépendances n° 19 du 8 juin 1973, combinées, en ce qui concerne la Ville de Nouméa, avec celles de l'article 2 de la délibération n° 04-98/PS du 13 janvier 1998, constituent-elles une base légale pour la mesure conservatoire concernée '
2°) ou bien une mesure d'interruption de travaux en cas d'urgence peut-elle être considérée comme se rattachant, légalement, aux compétences dévolues au maire agissant au nom de la commune, soit par l'article L. 122-20 17° du code des communes de la Nouvelle-Calédonie en ce qui concerne l'ensemble des communes de la Nouvelle-Calédonie dotées d'un document d'urbanisme approuvé, soit par les articles L. 131-1 et L. 131-2 du même code '
3°) dans le cas de réponse négative aux questions précédentes, la répartition des compétences issue des dispositions combinées des lois organiques n° 99-209, notamment des articles 21-5° et 157, et simple n° 99-210 du 19 mars 1999, réserve-t elle à l'Etat, ou aux provinces, ou à une autre institution de la Nouvelle-Calédonie, la compétence de prévoir une mesure d'une telle nature '
4°) l'autorité reconnue, s'il y a lieu, comme compétente en réponse à la question n°3 posée ci-avant, peut-elle transférer ladite compétence à une commune dotée d'un document d'urbanisme '
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, notamment son article 50 ;
Vu la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, notamment son article 5 ;
Vu le code des communes de Nouvelle-Calédonie ;
Vu les délibérations modifiées n° 19 du 8 juin 1973 et n° 04-98/PS du 13 janvier 1998 du territoire de la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Debat, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Jacoupy, avocat de la commune de Nouméa,
les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
REND L'AVIS SUIVANT :
Aux termes de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : L'Etat est compétent dans les matières suivantes : justice (...), procédure pénale (...), maintien de l'ordre et aux termes de l'article 22 de la même loi : la Nouvelle Calédonie est compétente dans les matières suivantes : (...) principes directeurs du droit de l'urbanisme. La compétence d'interrompre des travaux engagés en infraction avec la réglementation d'urbanisme est une compétence administrative, distincte de la compétence pénale, qui se rattache à la compétence générale d'urbanisme : la Nouvelle Calédonie est donc compétente en ce domaine.
Il résulte des dispositions de l'article 10 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qu'en Nouvelle-Calédonie, les autorisations individuelles en matière d'urbanisme sont instruites et délivrées par le maire, soit au nom de la province -dans les conditions fixées par la réglementation édictée par la Nouvelle-Calédonie-, soit au nom de la commune -si celle-ci est dotée d'un document d'urbanisme approuvé et si le conseil municipal ne s'y oppose pas, ce qui est le cas à Nouméa.
Si les dispositions du 17° de l'article L.122-20 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie issu de l'article 5 de la loi susmentionnée ont opéré, de plein droit, au profit du maire agissant au nom de la commune dans les communes dotées d'un document d'urbanisme opposable, un transfert de compétence pour instruire et délivrer les autorisations individuelles d'occupation du sol et les certificats d'urbanisme, elle ne lui ont pas, toutefois, dans le silence des textes, donné compétence pour ordonner, le cas échéant, l'interruption de travaux de construction engagés sur le territoire communal pour des motifs tirés de la méconnaissance des règles d'urbanisme.
Par sa délibération n° 24 du 8 novembre 1989, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a confié aux assemblées de provinces la définition du régime juridique applicable aux permis de construire. Dans la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie, l'article 41 de la délibération n° 19 du 8 juin 1973 modifiée, qui n'a pas été remise en cause par les évolutions législatives et réglementaires ultérieures, dispose que par arrêté, l'autorité compétente peut, en cas d'urgence, ordonner l'interruption des travaux. Elle saisit immédiatement le tribunal compétent. L'interruption ainsi ordonnée est valable jusqu'à ce que soit intervenue la décision du tribunal. Il résulte de l'ensemble des dispositions susmentionnées et, en particulier, de cette délibération qu'en Nouvelle-Calédonie, où les dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables, les maires ont compétence pour ordonner, au nom de la province, l'interruption, pour des motifs d'urbanisme, de travaux en cours, qu'ils soient ou non compétents pour délivrer, au nom de la commune, les autorisations individuelles d'utilisation du sol. Cette compétence conduit le maire à prendre un acte administratif soumis au contrôle du juge administratif, mais susceptible d'être privé d'effet par une décision du juge pénal. Ces dispositions fondent la compétence du maire de la ville de Nouméa, dans laquelle un tel plan a été approuvé, pour, le cas échéant, ordonner l'interruption de tels travaux.
Il y a donc lieu de répondre par l'affirmative à la première question posée par le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie et par la négative à la deuxième question posée par ce tribunal. Compte tenu de ces réponses, il n'y a pas lieu de répondre aux autres questions posées par le tribunal.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, au Haut Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, au président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, au président de la Province Sud de la Nouvelle-Calédonie, à la Ville de Nouméa et au ministre de l'outre-mer.