Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 novembre 2001 et 20 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 31 juillet 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes l'a rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de chacune des années 1987 et 1989 à raison de l'intégralité des droits et pénalités auxquels il avait été assujetti et dont la décharge avait été prononcée par le tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juin 2003, présentée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 44 quater du code général des impôts : Les entreprises créées du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1986, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et répondant aux conditions prévues aux 2° et 3° du II et au III de l'article 44 bis, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices industriels et commerciaux qu'elles réalisent à compter de la date de leur création jusqu'au terme du trente-cinquième mois suivant celui au cours duquel cette création est intervenue. Les bénéfices réalisés au cours des vingt-quatre mois suivant la période d'exonération précitée ne sont retenus dans les bases de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant... ; et que, des dispositions du III de l'article 44 bis, résulte, notamment, la condition que les entreprises n'aient pas été créées en vue de la reprise d'activités préexistantes ; que, si des dispositions n'ouvrent, en conséquence, aucun droit à une société créée en vue de poursuivre les activités d'une entreprise qui en bénéficiait et dont le fonds lui est apporté, l'administration a, toutefois, admis, par une instruction 4 A-3-84 du 16 mars 1984 publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts, que, lorsqu'une entreprise individuelle qui en bénéfice se transforme en une société, celle-ci continue d'en bénéficier, jusqu'au terme de la période ouverte par la création de l'entreprise individuelle, pourvu qu'elle soit entièrement nouvelle au moment de l'apport, que l'ancien exploitant individuel en soit l'associé majoritaire, et qu'elle remplisse les conditions de nature d'activité, de proportion de biens amortissables selon le mode dégressif et de régime réel d'imposition prévues par l'article 44 quater du code général des impôts et le 2° du II de l'article 44 bis auquel il renvoie ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Nantes que M. X, qui exploitait une entreprise individuelle de plomberie-chauffage-électricité dont la création, le 3 juillet 1985, lui avait ouvert droit aux avantages fiscaux prévus par l'article 44 quater du code général des impôts, a, le 24 juin 1987, constitué une E.U.R.L. à laquelle il a fait apport de cette entreprise ; que, dans les déclarations qu'il a souscrites en vue de l'établissement de ses cotisations d'impôt sur le revenu, il a continué de se prévaloir de l'exonération, puis de l'abattement institués par l'article 44 quater, à raison des bénéfices industriels et commerciaux que l'E.U.R.L. a réalisés jusqu'au 30 juin 1990 ; qu'à l'issue d'une vérification de la comptabilité de l'E.U.R.L., l'administration a remis en cause le droit de M. X à bénéficier de ces avantages au-delà de la date à laquelle il avait fait apport à cette dernière de son entreprise individuelle ; que M. X a, de ce fait, été assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre de chacune des deux années 1987 et 1989 ; que, par l'arrêt contre lequel M. X se pourvoit, la cour administrative d'appel a rétabli les droits et pénalités dont la décharge avait été prononcée par les premiers juges par application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, au motif que, contrairement à ce qu'avaient estimé ceux-ci, M. X ne pouvait utilement se prévaloir de la solution admise par l'administration aux termes de l'instruction susmentionnée du 16 mars 1984, et rappelée dans la réponse ministérielle à M. Vennin, député, en date du 24 décembre 1984, dont le contribuable faisait état, dès lors que l'E.U.R.L. à laquelle il avait apporté son fonds le 24 juin 1987 était, en outre, dès le 1er juillet 1987 et avant d'en faire l'acquisition le 31 août 1987, entrée en jouissance d'un autre fonds de commerce, de plomberie-chauffage-sanitaire et couverture, créé par des tiers en 1957, et qu'ainsi, n'était pas remplie la condition, posée par l'instruction, que la société en laquelle est transformée l'entreprise individuelle bénéficiaire des dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts soit entièrement nouvelle au moment de l'apport qui lui est fait de cette entreprise ;
Considérant que la solution retenue dans l'instruction du 16 mars 1984 consiste à regarder la transformation d'une entreprise individuelle en une personne morale comme n'affectant pas la continuité de cette entreprise, au regard de l'application des dispositions de l'article 44 quater du code général des impôts, dès lors que sont remplies certaines conditions ; qu'il n'est pas énoncé, dans l'instruction du 16 mars 1984, que, par exception au principe selon lequel les dispositions de l'article 44 quater ne font pas obstacle à ce qu'une entreprise en droit de bénéficier des avantages fiscaux qu'elles instituent lors de sa création continue d'en bénéficier après avoir ultérieurement élargi son objet et adjoint la reprise d'activités préexistantes à l'exercice de ses activités initiales, une entreprise ne peut continuer à bénéficier des dispositions de l'article 44 quater, après être passée de la forme individuelle à celle d'une personne morale, si, dans le même temps, son objet a été étendu à la reprise d'activités préexistantes, en complément des siennes propres ; qu'en particulier, la condition formulée, que la personne morale soit entièrement nouvelle au moment de sa création, ne peut être entendue comme comportant une telle restriction ; qu'il suit de là qu'en statuant ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la cour administrative d'appel a, comme le soutient M. X, fait une inexacte application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, c'est à juste titre que le tribunal administratif d'Orléans a jugé que la circonstance que l'E.U.R.L. constituée par M. X ait, peu de temps après sa création, acquis un fonds de commerce précédemment exploité par des tiers n'était pas de nature à la faire regarder comme n'étant pas entièrement nouvelle au moment de l'apport de l'entreprise individuelle de M. X, au sens de la doctrine administrative invoquée par le contribuable ; que le ministre, qui ne conteste pas que les autres conditions énoncées dans l'instruction du 16 mars 1984 ont, en l'espèce, été remplies, n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont il fait appel, le tribunal administratif a accordé à M. X sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la décharge des droits et pénalités litigieux ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M. X, en remboursement des frais par lui exposés et non compris dans les dépens, la somme de 2 200 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 juillet 2001 est annulé.
Article 2 : Le recours présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à M. X, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 200 euros.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.