Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier et 27 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 22 novembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement du 22 novembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 24 novembre 1998 du recteur de l'académie de Rouen rejetant la demande de M. X tendant à ce que ses obligations hebdomadaires de service soient ramenées de 23 heures à 18 heures ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'ordonner à l'administration de fixer à 18 heures ses obligations hebdomadaires de service ;
4°) de condamner l'Etat à indemniser les heures supplémentaires accomplies par lui depuis le 1er septembre 1975 avec intérêts et capitalisation, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
5°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 portant statut particulier des professeurs de lycée professionnel ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Quinqueton, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 30 du décret du 6 novembre 1992 susvisé : (...) les professeurs de lycée professionnel sont tenus de fournir, sans rémunération supplémentaire, dans l'ensemble de l'année scolaire, le maximum de service hebdomadaire suivant : 1. Pour l'enseignement des disciplines littéraires et scientifiques et les enseignements professionnels théoriques : dix-huit heures ; 2. Pour les enseignements pratiques : vingt-trois heures (...) ; qu'aucune disposition réglementaire ne détermine les critères permettant d'établir le caractère théorique ou pratique d'un enseignement dispensé par un professeur de lycée professionnel ;
Considérant que M. X, professeur de génie électrique, option électrotechnique en classe préparant au brevet d'études professionnelles électrotechnique se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 22 novembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement en date du 22 novembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du recteur de l'académie de Rouen en date du 24 novembre 1998 en tant qu'elle rejette sa demande d'une réduction à 18 heures de ses obligations hebdomadaires de service ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en jugeant qu'il ressort des programmes des enseignements dispensés dans le cadre du brevet d'études professionnelles électrotechnique et des épreuves auxquelles ils préparent que l'enseignement dans la discipline génie électrique dispensé par M. X avait un caractère pratique et non théorique, la cour, qui n'a pas précisé en quoi le contenu desdits programmes et la nature desdites épreuves conféraient un caractère pratique à cet enseignement, a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; que cet arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enseignement dispensé par M. X est, pour l'essentiel, celui du savoir-faire professionnel de la spécialité du diplôme en cause ; que si les programmes correspondants comportent l'acquisition d'une méthodologie et de concepts, ils font une large part à des cours délivrés devant des groupes à effectifs réduits ; que les épreuves auxquelles prépare cet enseignement tendent principalement à vérifier la capacité des élèves soit à appliquer ou à expérimenter des règles et procédés techniques en présence de situations professionnelles déterminées, soit à proposer des solutions technologiques à des problèmes pratiques auxquels sont confrontés les professionnels de la branche ou du secteur d'activité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que l'enseignement dispensé par M. X porterait, à titre principal, sur l'acquisition de connaissances théoriques et qu'une des épreuves auxquelles il prépare serait écrite et mobiliserait un savoir théorique pour annuler la décision du recteur de l'académie de Rouen en date du 24 novembre 1998 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif de Rouen ;
Considérant que les moyens tirés par M. X de ce qu'un autre professeur de lycée professionnel aurait obtenu, à la suite d'un recours contentieux, la reconnaissance du caractère théorique de l'enseignement conduisant au brevet d'études professionnelles électrotechnique et de ce que le ministre de l'éducation nationale aurait annoncé la suppression de la distinction entre enseignement pratique et enseignement théorique sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision en date du 24 novembre 1998 du recteur de l'académie de Rouen et accueilli la demande de M. X ;
Considérant que les conclusions présentées pour la première fois devant le Conseil d'Etat et tendant à la condamnation de l'Etat à indemniser M. X des heures supplémentaires accomplies ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Considérant que la présente décision n'appelle pas de mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fins d'injonction présentées devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt en date du 22 novembre 2001 de la cour administrative d'appel de Douai et le jugement en date du 22 novembre 1999 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Rouen et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude X et au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.