Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION SAUVEGARDE DE LA FAUNE SAUVAGE, dont le siège est ... ; l'ASSOCIATION SAUVEGARDE DE LA FAUNE SAUVAGE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir deux arrêtés du 15 mars 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture et de la pêche relatifs aux contingentements de plantations et de replantations de vignes destinées à la production de vins à appellation d'origine pour la campagne 2001-2002 en tant qu'ils concernent des parcelles situées sur le territoire des communes de Westhalten et de Soulzmatt ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 3 811,23 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 92/43/CEE du Conseil des Communautés européennes du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le décret n° 2001-1031 du 8 novembre 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de l'Institut national des appellations d'origine,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'Institut national des appellations d'origine ;
Sur la légalité externe des arrêtés attaqués :
Considérant que, par un arrêté du 1er mars 2002, publié au Journal officiel de la République française le 6 mars 2002, M. Rémi X..., directeur des politiques économique et internationale, a reçu délégation pour signer, au nom du ministre de l'agriculture et de la pêche, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exception des décrets, concernant les affaires des services relevant de son autorité ; qu'ainsi, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que M. X... n'aurait pas eu qualité pour signer les arrêtés attaqués en date du 15 mars 2002 ;
Sur la légalité interne des arrêtés attaqués :
Considérant que, si l'exécution de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture et de la pêche en date du 6 février 2001 relatif aux contingentements de plantations de vignes destinées à la production de vins en appellation d'origine pour la campagne 2000-2001 a été suspendue, par une décision du juge des référés du Conseil d'Etat en date du 9 juillet 2001, en tant que cet arrêté autorise la plantation de vignes sur les mêmes parcelles que celles qui sont visées, entre autres, par les arrêtés attaqués, cette circonstance ne faisait pas obstacle, en tout état de cause, à l'adoption de ces arrêtés, lesquels sont relatifs à la campagne 2001/2002 ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles en cause aient fait l'objet, de la part du préfet du Haut-Rhin, d'une mesure de classement s'opposant à ce qu'elles soient plantées ou replantées en vignes ;
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 3 à 6 de la directive du Conseil des Communautés européennes du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, lesquelles ont été transposées en droit français par l'ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001, qu'en vue de constituer un réseau écologique européen cohérent de zones de protection spéciale, dénommé Natura 2000, les Etats membres doivent transmettre à la Commission des Communautés européennes une liste de propositions de sites à protéger, établie sur la base des critères fixés par ladite directive ; que la Commission doit établir, au vu des propositions ainsi faites par les Etats membres et en accord avec eux, une liste de sites d'importance communautaire que les Etats membres sont tenus, le plus rapidement possible et dans un délai maximum de six ans, de désigner comme zones spéciales de conservation, pour lesquelles il leur incombe d'établir les mesures de protection nécessaires et notamment des plans de gestion appropriés ; que tout projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site ne peut être autorisé que s'il ne porte pas une atteinte significative à l'intégrité du site concerné ou que si sa réalisation est justifiée par des raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et à la condition que les autorités nationales prévoient des mesures compensatoires pour préserver la cohérence globale du réseau ;
Considérant que l'association requérante fait valoir que certaines des parcelles mentionnées par les arrêtés attaqués sont situées, en totalité ou en partie, dans le périmètre des propositions transmises à la Commission le 15 juillet 1999 ; que toutefois, par une décision du 22 juin 2001, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé la décision du 15 juillet 1999 par laquelle le Gouvernement français avait transmis à la Commission des Communautés européennes les propositions de sites à protéger, pour le motif que ces sites n'avaient pas été délimités conformément à la procédure prévue par un décret du 5 mai 1995 ;
Considérant que, s'il appartenait au Gouvernement français, avant même la mise en oeuvre de la nouvelle procédure de désignation des sites définie par le décret du 8 novembre 2001 qui a remplacé le décret du 5 mai 1995, de ne prendre aucune mesure susceptible de faire définitivement obstacle à la poursuite des objectifs fixés par la directive du 21 mai 1992, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait, compte tenu des modalités de détermination du périmètre des zones spéciales de protection, des mesures de protection dont elles doivent faire l'objet, ainsi que de la possibilité d'y réaliser, dans certaines conditions, des projets portant atteinte à leur intégrité, commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant les arrêtés attaqués ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, sont interdits : ... 3° la destruction, l'altération ou la dégradation du milieu particulier à ces espèces animales ou végétales... ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles en cause constituent un milieu particulier à une espèce animale, notamment à celle des torcols fourmiliers, et entrent ainsi dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ; que, par suite, l'association requérante ne saurait utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre des arrêtés attaqués ;
Considérant que le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués auraient été pris en violation de la loi du 16 juillet 1976 relative à la protection de la nature et de ses textes d'application n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que la circonstance que l'arrêté interministériel du 21 février 2000 relatif aux contingents de plantations de vignes destinées à la production de vins à appellation d'origine pour la campagne 2000/2001 soit entaché d'illégalité est sans influence sur la légalité des arrêtés attaqués, qui n'en constituent pas des actes d'application ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION SAUVEGARDE DE LA FAUNE SAUVAGE n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés attaqués ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser la somme que l'ASSOCIATION SAUVEGARDE DE LA FAUNE SAUVAGE demande pour les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION SAUVEGARDE DE LA FAUNE SAUVAGE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION SAUVEGARDE DE LA FAUNE SAUVAGE, à l'Institut national des appellations d'origine, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.