Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 juillet 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé ses arrêtés du 11 juillet 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Karim X et la mise en rétention administrative de l'intéressé ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. X devant le président du tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 50-722 du 24 juin 1950 modifié ;
Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 modifié ;
Vu le décret n° 2001-236 du 19 mars 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vidal, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait... ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant du Royaume du Maroc, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, qui lui a été faite le 29 mars 2002, de la décision du PREFET DE L'HERAULT du 25 mars 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que M. X est entré sur le territoire français en 1999 ; que, si sa mère, l'une de ses sours, de nationalité française, et l'un de ses frères vivent en France, l'intéressé, qui est célibataire et sans charge de famille, n'apporte aucune justification au soutien de ses allégations selon lesquelles ses autres frères et sours résideraient sur le territoire français ; qu'ainsi, compte tenu notamment de la durée du séjour en France de M. X et en l'absence de circonstances particulières invoquées, le PREFET DE L'HERAULT, en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé, n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le PREFET DE L'HERAULT est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur une prétendue violation de ces stipulations pour annuler son arrêté du 11 juillet 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. X et, par voie de conséquence, son arrêté du même jour le maintenant en rétention administrative ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le président du tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17 du décret du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs du préfet et à l'action des services et organismes publics de l'Etat dans les départements : Le préfet peut donner délégation de signature... au secrétaire général... en toutes matières ; que le Gouvernement a pu légalement édicter ces dispositions, qui ne sont pas au nombre de celles dont la Constitution réserve la fixation au législateur ;
Considérant que, par un arrêté du 14 décembre 2001, publié au Recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault le 17 décembre 2001, M. Philippe Vignes, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation de M. Daniel Constantin, préfet de la région Languedoc-Roussillon, PREFET DE L'HERAULT, pour signer en son nom tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation de la Nation en temps de guerre ; qu'il ressort des pièces du dossier que, le 11 juillet 2002, date à laquelle le PREFET DE L'HERAULT a décidé la reconduite à la frontière et la mise en rétention administrative de M. X, M. Constantin, bien qu'il ait été nommé haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie par un décret du 4 juillet 2002, était toujours en fonction dans le département de l'Hérault ; que son successeur n'a d'ailleurs été installé dans ses fonctions que le 31 juillet 2002, ainsi que l'établit le procès-verbal d'installation joint au dossier ; que, dans ces conditions, la délégation de signature consentie à M. Vignes continuait à produire ses effets à la date des arrêtés attaqués ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces arrêtés auraient été pris par une autorité incompétente doit être écarté ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'HERAULT, pour décider la reconduite à la frontière de M. X, n'ait pas pris en compte l'ensemble de la situation de l'intéressé à la date de cette décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger... qui n'entre pas dans les catégories... qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus... ; que, comme il a été dit ci-dessus, le refus d'autoriser l'intéressé à séjourner en France ne portait pas à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux motifs de ce refus ; qu'ainsi, M. X n'était pas en droit de bénéficier d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions législatives précitées ; que, dès lors, il n'est pas fondé à prétendre qu'il n'aurait pu légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'HERAULT ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences qu'une mesure de reconduite à la frontière pouvait avoir sur la situation personnelle de M. X ;
Considérant qu'au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du PREFET DE L'HERAULT le maintenant en rétention administrative, M. X ne saurait utilement se prévaloir ni de ce que l'Etat n'aurait pas conclu avec l'Office des migrations internationales, en application des dispositions de l'article 5 du décret du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention administrative, une convention déterminant les conditions d'affectation et d'intervention des agents de cet établissement dans le centre où il devait être placé, ni de ce que les dispositions de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 applicables dès le début du maintien en rétention auraient été méconnues en l'espèce ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'HERAULT ait fait une inexacte application des dispositions de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en décidant le maintien de M. X en rétention administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que le PREFET DE L'HERAULT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé ses arrêtés du 11 juillet 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. X et maintenant celui-ci en rétention administrative ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser la somme que M. X demande pour les frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier en date du 15 juillet 2002 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le président du tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'HERAULT, à M. Karim X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.