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02/06/2003 | FRANCE | N°245321

France | France, Conseil d'État, 2eme sous-section jugeant seule, 02 juin 2003, 245321


Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 17 avril et 23 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle Rabia X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 4 avril 2002 par laquelle le consul général de France à Londres a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un passeport ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 7 623 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 aoû

t 1789 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondam...

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 17 avril et 23 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle Rabia X, demeurant ... ; Mlle X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 4 avril 2002 par laquelle le consul général de France à Londres a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un passeport ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 7 623 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ainsi que son protocole additionnel n° 4 ;

Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vidal, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des affaires étrangères ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, à laquelle se réfère le Préambule de la Constitution : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique... la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports : Les demandes sont accompagnées de deux photos d'identité, de face, tête nue, de format 35 x 45 mm, récentes et parfaitement ressemblantes, ainsi que des timbres fiscaux correspondant au montant du droit de timbre exigé pour les passeports ; que Mlle X soutient que la décision du consul général de France à Londres en date du 4 avril 2002 lui refusant le renouvellement de son passeport serait illégale en ce qu'elle est fondée sur les dispositions précitées qui, en interdisant aux femmes de confession musulmane le port du voile sur les photographies présentées à l'appui de leur demande de passeport, porteraient atteinte aux libertés d'aller et de venir, de conscience et de religion et seraient discriminatoires ;

Considérant que la liberté fondamentale d'aller et venir n'est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter et d'y revenir ; que ce droit est reconnu par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et confirmé par les stipulations du 2 de l'article 2 du protocole n° 4 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'aux termes du 3 du même article 2, l'exercice de ce droit ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l'ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'il ressort de ces stipulations que les mots restrictions prévues par la loi doivent s'entendre des conditions prévues par des textes généraux pris en conformité avec les dispositions constitutionnelles ;

Considérant qu'en vertu des textes précités, le port du voile ou du foulard, par lequel les femmes de confession musulmane peuvent entendre manifester leurs convictions religieuses, peut faire l'objet de restrictions notamment dans l'intérêt de l'ordre public ; que les restrictions prévues par les dispositions de l'article 5 du décret du 26 février 2001, qui visent à limiter les risques de falsification et d'usurpation d'identité, ne sont pas disproportionnées au regard de cet objectif et, par suite, ne méconnaissent aucune des prescriptions ni aucun des principes invoqués par la requérante ;

Considérant qu'en se fondant, pour refuser à Mlle X le renouvellement de son passeport, sur ce que sa demande n'était pas accompagnée de photographies d'identité conformes aux dispositions de l'article 5 du décret du 26 février 2001, le consul général de France à Londres a fait une exacte application de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du consul général de France en date du 4 avril 2002 ; que ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer une indemnité en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision doivent également être rejetées ;

D E C I D E

--------------

Article 1er : La requête de Mlle X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Rabia X, au ministre des affaires étrangères et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 02 jui. 2003, n° 245321
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Boyon
Rapporteur ?: M. Vidal
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Formation : 2eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 02/06/2003
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 245321
Numéro NOR : CETATEXT000008137249 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2003-06-02;245321 ?
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